samedi 29 octobre 2016

Bretagne terre d’asile ?

Le démantèlement du vaste bidonville de Calais appelé « JUNGLE » où survivaient depuis plusieurs années, dans des conditions indignes, plusieurs milliers de migrants, en stand by pour un éventuel passage en Angleterre, est en cours d’achèvement. Pour réaliser cette vaste opération, les services de l’état ont mobilisé, sur différents territoires français, des lieux d’hébergement appelés Centre d’accueil et d’orientation (CAO).

A ce jour sur la Bretagne environ 422 personnes, venues de pays en guerre, sont réparties sur ces structures où elles peuvent enfin satisfaire des besoins fondamentaux en matière de soins, d’hygiène, de nourriture, de sécurité. Durant cette période temporaire de vie en CAO elles pourront bénéficier d’un accompagnement, clarifier leur situation administrative, penser leur projet de vie, avoir une information juridique précise sur leurs droits.

Oui, sur leurs droits car ces personnes relèvent du droit international, de la Convention de Genève, signée en 1951 par la France, de la Constitution, du droit européen. Aussi est il indigne d’observer que des élus du front national bafouent ces règles de droit en organisant sur chaque site d’hébergement des manifestations xénophobes, tout en prétendant représenter la population locale.

Quelle impudence !

Non, la population des communes concernées n’est pas dupe de ces tentatives de manipulation, elle ne rejette pas les réfugiés, elle les reçoit avec générosité comme en témoigne la mobilisation des associations humanitaires et les groupes d’accueil de citoyens qui se forment ici et là en Bretagne.

La LDH restera vigilante sur les agissements des groupuscules d'extrême-droite destinés à dissuader les élus, les associations et la population d'exprimer leur solidarité avec ces réfugiés qui doivent trouver un peu de répit et de repos après des jours, des semaines ou des mois éprouvants, et veillera à ce que le dispositif CAO permette que leur légitime demande d’asile puisse s’effectuer prés de l’OFPRA. Au terme de cette démarche la reconnaissance du statut de réfugié leur permettra alors de construire un projet durable d’insertion dans la société française.


mardi 25 octobre 2016

« MISE À L’ABRI » DES MIGRANTS DE CALAIS : PIS-ALLER OU RESPECT DES DROITS ?



L’Etat a engagé à nouveau le démantèlement de la « jungle » de Calais.
La Ligue des droits de l’Homme ne peut que s’interroger sur la préparation, les modalités et la finalité de cette opération qui intervient, à Calais et ailleurs, après une période de répression souvent brutale à l’encontre des migrants et parfois des militants et bénévoles qui leur viennent en aide.
En amont, peu d’efforts ont été faits pour établir un diagnostic fiable de la situation des personnes et trouver des solutions adaptées. Ainsi les mineurs n’ont pas été mis sous protection et ceux d’entre eux qui souhaitent rejoindre un membre de leur famille en Angleterre ne le pourront toujours pas et reviendront si on les éloigne de Calais. La France n’a ni tenté de renégocier la gestion de sa frontière avec le Royaume-Uni, ni envisagé de ne plus appliquer le règlement Dublin III qui fait peser une menace d’expulsion sur les migrants qui sont entrés dans l’Union européenne par des pays bien peu généreux en ce qui concerne les demandes d’asile.
Les migrants qui sont en voie d’évacuation, de leur plein gré pour les uns, par la force pour d’autres, sont emmenés vers des centres d’accueil et d’orientation (CAO) répartis sur l’ensemble du territoire. Il faut saluer à cet égard tous les maires, les élus locaux et les citoyens qui se sont engagés pour que cet accueil puisse se réaliser, malgré les campagnes xénophobes et les réactions hostiles fomentées ici et là.
Pour autant ces CAO sont avant tout des « lieux de répit », mis en place pour de courtes durées, qui risquent de ne pas avoir les moyens d’assurer les fonctions qu’on leur a définies : fournir un accompagnement social et faire un tri, souvent discutable, entre ceux qui pourraient avoir le droit de solliciter une protection au titre de l’asile et les autres. Encore faudrait-il que dans ce qui s’apparente à des « hotspots » l’Etat assure l’information, la traduction, l’intervention de juristes, c’est-à-dire les conditions permettant de respecter les droits des personnes, aussi bien que le suivi social, médical et psychologique souvent indispensable pour ces personnes qui ont fui, au péril de leur vie, des situations dramatiques et traumatisantes.
Ce dispositif apparaît aujourd’hui comme un pis-aller, alors que l’Etat se révèle incapable d’assurer le fonctionnement normal des procédures qui existent pourtant pour les demandeurs d’asile : pourquoi faut-il plusieurs mois pour avoir un rendez-vous dans les plateformes d’accueil ? Pourquoi le nombre de places dans les centres d’accueil des demandeurs d’asile (Cada) est-il ridiculement insuffisant ? Et ne convient-il pas de prendre en compte les raisons multiples et également légitimes qui poussent les migrants à partir, en assurant à tous des possibilités de s’insérer dans la société française ?
Souvent, au cours de l’histoire, des Français ont dû s’exiler. Ils ont trouvé sur des terres souvent lointaines bienveillance et solidarité. Aujourd’hui, c’est en tenant compte de ses propres principes que la République française doit accueillir ceux qui frappent à sa porte, dans le respect de la dignité des personnes et de leurs droits fondamentaux.

 
Paris, le 24 octobre 2016

mercredi 19 octobre 2016

LA FIN DES CONTRÔLES D’IDENTITÉ ABUSIFS ET DISCRIMINATOIRES ENTRE LES MAINS DES JUGES DE LA COUR DE CASSATION PUIS DES SÉNATEURS



Communiqué commun

C’est une coïncidence qui fait mouche pour tous ceux qui questionnent la pratique des contrôles d’identité. Alors que la Cour de cassation statuera sur le jugement rendu le 24 juin 2015 – qui condamna l’État pour faute lourde dans cinq cas de contrôle au faciès sur treize –, les sénateurs commenceront une nouvelle session de débats relatifs au projet de loi Égalité et Citoyenneté.
Une nouvelle opportunité pour légiférer et lutter efficacement contre les contrôles au faciès.
Côté Cour de Cassation, les enjeux sont de taille. Une victoire à ce niveau assurera qu’un recours effectif accessible pour toute victime de contrôles discriminatoires existe. Et cela incitera l’État, conformément à l’engagement présidentiel pris en 2012, de mettre en place des mesures pour réduire les contrôles au faciès.
Côté Chambre Haute, la lecture du texte constitue une nouvelle opportunité d’amendements. En effet, le projet, qui a vocation à « rassembler autour des valeurs républicaines », ne saurait atteindre ses objectifs en faisant l’impasse sur la question des contrôles d’identité discriminatoires et abusifs qui s’incarnent dans le quotidien de nombre de nos concitoyens. Des solutions existent (expérimentation des récépissés de contrôle, déjà mis en œuvre avec succès à l’étranger dans plusieurs pays, modification de l’article 78-2 du Code de procédure pénale, aménagement d’instances d’échanges entre la police et les citoyens…) et méritent d’être enfin considérées par les législateurs.
Face à ces enjeux, il semble opportun de rappeler que les contrôles au faciès, au-delà de l’atteinte grave au principe d’égalité, nuisent de façon considérable à la cohésion sociale, à l’intégrité des personnes, et à la confiance que la population devrait avoir dans les forces de sécurité. Les contrôles au faciès font douter de jeunes gens de leur capacité à devenir des citoyens à part entière et les font se sentir relégués dans une citoyenneté de seconde zone.
La présence significative d’un public, venu en nombre lors de l’audience de la Cour de cassation du 4 octobre, manifeste de l’importance de ces enjeux et des attentes qui en résultent.
Un État de droit ne peut cautionner la discrimination d’une partie des citoyens.
En ce moment crucial, les organisations signataires en appellent à la responsabilité et à la conscience des femmes et des hommes dont la décision pourrait changer le quotidien de millions de Français.
 
6 octobre 2016
 
Organisations signataires :
Active Generation
Créteil 3.0
GISTI
Human Rights Watch
Ligue des droits de l’Homme
Maison Communautaire pour un Développement Solidaire
Open Society Justice Initiative
Pazapas
#Quoimagueule
Syndicat des Avocats de France
WeSignIt

Projection-débat au ciné-TNB, dimanche 30 octobre à 18h

« L'Homme qui répare les femmes : La Colère d’Hippocrate »


Ce film-documentaire réalisé par Thierry Michel et Colette Braeckman est sorti en avril 2015. Il retrace le parcours du docteur Denis Mukwege, gynécologue et militant des droits de l'homme congolais, connu comme « l'homme qui répare les femmes » victimes de viols et de violences sexuelles dans la province du Kivu en République Démocratique du Congo. Il mêne aussi une lutte incessante pour mettre fin à ces atrocités et dénoncer l'impunité dont jouissent les coupables, ce qui lui vaut menaces de mort et tentatives d'assassinat. Il vit sous la protection de Casques bleus, sans guère quitter son hôpital.
Il a reçu le prix Sakharov au Parlement Européen, à Strasbourg, le 26 novembre 2014.
Le titre du film reprend celui du livre « Docteur Mukwege : l’homme qui répare les femmes » écrit par Colette Braeckman.


Le débat, animé par Colette Braekman et Jérôme Blanchot (gynécologue et membre de la ligue des droits de l'Homme) abordera les causes des violences faites aux femmes dans cette région du Congo, armes de guerres politiques et économiques.

mardi 11 octobre 2016

LE PARLEMENT EUROPÉEN NE DOIT PAS VOTER POUR L’ACCORD CETA TANT QUE LES DROITS DES CITOYENS PASSERONT APRÈS LES DROITS DU COMMERCE

Alors que les inquiétudes dans l’opinion sont fortes et que les gouvernements français et allemands demandent la suspension des négociations avec les Etats-Unis sur l’accord de libre-échange Tafta, à l’unanimité, les gouvernements nationaux viennent de décider la ratification de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada (Ceta). Il doit être signé le 27 octobre puis soumis au vote du Parlement européen, début 2017. Il sera d’application immédiate mais présenté comme provisoire dans l’attente de la ratification puisqu’il devra encore être ratifié à l’unanimité par l’ensemble des parlements nationaux de l’Union européenne au cours des prochaines années.
La LDH s’élève fermement contre un tel processus de mise en vigueur de l’accord Ceta avant même sa ratification effective par les parlements nationaux.
La LDH rappelle son opposition à une justice d’exception, aux tribunaux arbitraux, à disposition des investisseurs qui considèreraient être lésés financièrement par des réglementations. Après les mobilisations dans toute l’Europe contre ces tribunaux arbitraux, les modifications apportées cet été à ce chapitre de l’accord, bien qu’allant dans la bonne direction, ne répondent toujours pas à la juste inquiétude de citoyennes et citoyens qui estiment que l’intérêt commun doit passer avant les intérêts particuliers.
Alors même que la signature est déjà décidée, la Commission européenne a indiqué qu’un texte, dont l’objet est de préciser comment sera interprété l’accord pour ce qui concerne le droit à réguler et la légitimité des services publics, est encore en discussion. Voilà qui confirme le caractère à tout le moins prématuré de la ratification de l’accord.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, la LDH s’oppose à la signature de l’accord Ceta, le 27 octobre.

Paris, le 7 octobre 2016

17 octobre 1961 - 17 octobre 2016 - 55e Anniversaire - Vérité et Justice

Le 17 octobre 1961, des dizaines de milliers d’Algériens manifestaient  pacifiquement  à Paris contre le couvre-feu discriminatoire qui leur  avait été imposé par Maurice Papon, préfet de police de Paris et le Gouvernement de l'époque. Ils défendaient  leur droit à l’égalité, leur droit à l’indépendance et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ce jour-là, et les jours qui suivirent, des milliers de ces manifestants furent arrêtés, emprisonnés, torturés – notamment par la "force de police auxiliaire" -  ou, pour nombre  d’entre eux, refoulés en Algérie. Des centaines perdirent la vie, victimes d’une violence et d’une brutalité extrêmes des forces de police.
55 ans après, la Vérité est en marche. Cependant, la France n’a toujours pas  reconnu sa responsabilité dans les guerres coloniales qu’elle a menées, - en  particulier la Guerre d’Algérie - non plus que dans le cortège de drames et  d’horreurs qu’elles ont entraînés, comme ce crime d’Etat que constitue le 17  octobre 1961. Le 17 octobre 2012, le Président de la République a certes fait un premier pas important, en déclarant "Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l'indépendance ont été tués lors d'une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes." Mais le terme de crime n'est pas repris, et la responsabilité, sous entendue, n'est pas clairement définie.