Communiqué
commun
69 375 :
c’est le nombre de personnes qui étaient détenues dans les
prisons en juillet dernier, la France atteignant ainsi des taux de
détention inégalés depuis le XIXe siècle. Contraignant 3 à 4
personnes à partager des cellules de 9 m2 en maison d’arrêt et
autour de 1 500 personnes à dormir chaque nuit sur des matelas posés
au sol. Au mépris du principe de l’encellulement individuel et de
la dignité des personnes, près de 15 000 personnes sont en
« surnombre » et une quarantaine de maisons d’arrêt
connaissent un taux d’occupation de plus de 150 %.
Pour
y remédier, le gouvernement annonce la construction de 10 000
nouvelles places de prison pour l’horizon 2024. Une réponse
ambitieuse et audacieuse ? Non, une vieille recette qui a déjà
fait la preuve de son inefficacité et que les gouvernements
successifs continuent pourtant de nous servir comme la seule solution
pragmatique… restant sourds aux résultats de nombreuses études et
statistiques qui la pointent au contraire comme inopérante, que ce
soit pour endiguer la surpopulation carcérale ou pour réduire la
récidive.
Que
disent les chiffres ? Que depuis 25 ans, près de 30 000
places de prison ont été construites, un effort immobilier inédit
entraînant une hausse de 60 % du parc pénitentiaire. Sans effet
cependant sur la surpopulation car dans le même temps, le pays a
emprisonné toujours plus et de plus en plus longtemps, sous le coup
de politiques pénales essentiellement répressives. Des politiques
qui seraient rendues nécessaires par une insécurité grandissante,
entend-on dire. Une idée reçue là aussi démentie par la réalité,
le taux de criminalité étant globalement stable, les homicides et
violences sexuelles ayant même diminué ces dernières années. En
France comme ailleurs, la courbe du nombre de personnes détenues
n’est pas tant liée à celle de la délinquance qu’aux choix de
politiques pénales des gouvernants. Des politiques qui se sont
concrétisées dans notre pays par l’allongement de la durée
moyenne de détention et par une incarcération massive pour des
petits délits, avec une augmentation de plus de 33 % du nombre de
détenus condamnés à des peines de moins d’un an de prison en
cinq ans.
Surtout,
construire plus de prisons, ce n’est pas mieux protéger la
société. Au contraire. La prison produit ce qu’elle entend
combattre : elle aggrave l’ensemble des facteurs de
délinquance en fragilisant les liens familiaux, sociaux ou
professionnels, favorise les fréquentations criminogènes, et
n’offre qu’une prise en charge lacunaire – voire inexistante –
face aux nombreuses problématiques rencontrées par la population
carcérale en matière d’addiction, de troubles psychiatriques,
d’éducation, de logement, d’emploi, etc. Conséquence : 61
% des personnes condamnées à une peine de prison ferme sont
réincarcérées dans les cinq ans. Des chiffres qui tombent à 34 et
32 % pour une peine alternative à la prison comme le travail
d’intérêt général ou le sursis avec mise à l’épreuve.
Tandis que les moyens manquent cruellement aux personnels et aux
structures qui assurent l’accompagnement socio-éducatif et
l’hébergement des sortants de prisons et personnes condamnées en
milieu ouvert, le gouvernement prévoit d’injecter trois milliards
d’euros supplémentaires aux cinq milliards déjà engloutis dans
l’accroissement et la sécurisation du parc pénitentiaire en une
décennie.
Où
s’arrêtera cette fuite en avant carcérale ?
A
l’heure où plusieurs de nos voisins européens ferment des
prisons, où les Etats-Unis réalisent que l’incarcération de
masse les a menés dans une impasse coûteuse et inefficace, la
France, elle, fait le choix d’une continuité aux coûts
économiques, sociaux et humains exorbitants. Pour lutter
efficacement contre l’inflation de la population pénale et
carcérale, c’est d’une politique pénale humaniste, ambitieuse
et audacieuse, visant à investir massivement dans la prévention,
l’accompagnement et le suivi en milieu ouvert, dont notre société
a besoin.
Organisations
signataires :
Action
des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT-France)
Association
national des juges de l’application des peines (ANJAP)
Association
des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP)
Avocats
pour la défense des droits des détenus (A3D)
Ban
Public
CASP-ARAPEJ
(Centre d’action sociale protestant – Association réflexion
action prison et justice)
CGT-Insertion
Probation
Citoyens
et Justice
Emmaüs-France
Genepi
Ligue
des droits de l’homme (LDH)
Observatoire
international des prisons, section-française (OIP-SF)
Prison
Insider
Secours
catholique
Syndicat
des Avocats de France (SAF)
SNEPAP-FSU
Socapsyleg
Syndicat
de la magistrature (SM)