Tribune collective, publiée dans La Croix, le 13 mars 2019
Les signataires : Action Aid France – Peuples Solidaires ; Aitec ; ALOFA TUVALU ; Alternatiba ; Amis de la Terre France ; Association Max Havelaar France ; Attac France ; Bloom ; CCFD-Terre Solidaire ; Ceras ; Collectif Éthique sur l’étiquette ; Comité Pauvreté et Politique ; Institut Veblen ; FNE ; Fondation Nicolas Hulot ; France Libertés – Fondation Danielle Mitterrand ; Ligue des droits de l’Homme ; Notre affaire à tous ; Oxfam France ; ReAct ; Sherpa ; SumOfUs.
À l’occasion de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale de la loi PACTE, de nombreuses organisations se sont mobilisées pour signer cette tribune.
La loi PACTE revient en deuxième lecture à l’Assemblée nationale le 13 mars, prétendant opérer « une transformation du modèle des entreprises françaises pour l’adapter aux réalités du 21ème siècle ».
Face au dérèglement climatique, au danger pesant sur la biodiversité, à la financiarisation de l’économie et l’éclatement des chaînes de valeur, nous partageons l’idée de revoir en profondeur le modèle des entreprises françaises. Néanmoins, le texte proposé ne répond ni à cette ambition, ni aux évolutions du droit français, européen et international, ni aux attentes des 500 000 citoyens qui exigent « des droits pour les peuples, des règles pour les multinationales ».
La loi Pacte veut réformer en profondeur l’économie
La financiarisation de l’économie toujours au premier plan
Au printemps 2018, le rapport présenté par Nicole Notat et Jean-Dominique Senard avait permis d’ouvrir le débat. Nous constatons toutefois que le gouvernement et les députés n’ont, à ce jour, fait qu’entériner dans le Code civil la financiarisation de l’économie en perpétuant l’idée que le maintien du profit est la seule finalité de l’entreprise.
La seule nouveauté apportée à ce texte datant de 1804 est l’exigence que l’entreprise soit ensuite « gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Formulation juridiquement faible qui, de l’avis même du gouvernement, devrait avoir un impact « limité ». Un manque d’ambition criant face aux crises sociales, climatiques et environnementales actuelles.
La responsabilité sociale de l’entreprise toujours à la traîne
Cette réforme pourrait pourtant permettre une mise en cohérence de nos principes juridiques fondateurs avec la définition de la responsabilité de l’entreprise que les Nations unies, l’OCDE, la Commission européenne et la loi française sur le devoir de vigilance ont bâtie ces dernières années. Ces textes affirment qu’une entreprise a la responsabilité de prendre en compte les conséquences sociales et environnementales de ses activités tout au long de sa chaîne de valeur.
Ignorant ces avancées, la loi PACTE n’est à ce stade qu’une réforme cosmétique, ancrée dans une politique de l’autruche. Les députés vont-ils manquer l’occasion d’inscrire dans le Code civil, qui est au cœur de notre système législatif et qui définit l’entreprise, l’exigence de faire respecter les droits humains et l’environnement auprès de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs en France et à l’étranger ?
Le devoir de vigilance
En Europe, de nombreuses initiatives sont en cours pour introduire le devoir de vigilance et l’obligation légale pour les multinationales de prendre en compte et de remédier aux conséquences de leurs activités tout au long de leur chaîne de valeur. La Suisse poursuit une « initiative pour des multinationales responsables ».
La loi Pacte va confirmer que les entreprises ont un rôle social
Une loi sur le devoir de vigilance appliqué au travail des enfants est débattue au parlement aux Pays-Bas. Deux ministères allemands viennent de proposer un projet de loi similaire. Des partis politiques portent des initiatives en ce sens en vue des élections nationales au Luxembourg, en Espagne et en Finlande. Le Parlement européen plaide également pour l’adoption d’une directive européenne relative au devoir de vigilance. Enfin, au niveau des Nations unies, un traité visant à rendre les multinationales juridiquement responsables de leurs impacts est en cours de négociation. C’est dans ce contexte que les citoyens se mobilisent actuellement dans le cadre de la campagne européenne « des droits pour les peuples, des règles pour les multinationales ».
Les députés ne peuvent faire fi de ces évolutions juridiques et de cet appel citoyen inédit. Refuser d’ancrer dans notre Code civil l’idée que les entreprises ont l’obligation de prendre en compte les conséquences sociales et environnementales de leurs activités tout au long de leurs chaînes de valeur, c’est détourner le regard face aux catastrophes sociales et environnementales qui se multiplient.
Les signataires : Action Aid France – Peuples Solidaires ; Aitec ; ALOFA TUVALU ; Alternatiba ; Amis de la Terre France ; Association Max Havelaar France ; Attac France ; Bloom ; CCFD-Terre Solidaire ; Ceras ; Collectif Éthique sur l’étiquette ; Comité Pauvreté et Politique ; Institut Veblen ; FNE ; Fondation Nicolas Hulot ; France Libertés – Fondation Danielle Mitterrand ; Ligue des droits de l’Homme ; Notre affaire à tous ; Oxfam France ; ReAct ; Sherpa ; SumOfUs.