L'Europe
prend ses vacances. Est-ce ceci qui explique le silence terrifiant
qui répond à la terreur qui frappe les habitants de Gaza et que
l'arrêt momentané des hostilités n'effacera pas ?
Rien
ne peut justifier que 100 victimes tombent en quelques heures, et
près de deux milliers en quelques semaines, que des hommes, des
femmes, des enfants, pris au piège de ce ghetto, fuient dans toutes les
directions comme des animaux apeurés sans trouver d'issues
puisque tout est contrôlé, fermé, assiégé, bombardé. Plus de centrale
électrique, plus d'eau, bientôt plus de soins médicaux, plus de
nourriture. Si l'armée israélienne caresse le rêve meurtrier et
illusoire de « casser » le Hamas, elle se moque absolument des
ravages causés à une population qu'elle a cessé de considérer
comme ses futurs voisins, et peut-être même comme appartenant à la
même humanité que les Israéliens.
Le
silence européen prend d'autant plus de relief que l'on a sous nos
yeux un élément de comparaison : les mesures prises contre la
Russie. Mesures très prudentes mais mesures quand même alors que
l'Union européenne et l'allié américain se contentent de mots quand
il s'agit de la Palestine. Regretter la violence mais ne jamais
contraindre les autorités israéliennes, telle semble être la
politique en vigueur.
Il
est temps de mesurer les dimensions du crime qui est en train de se
commettre sous nos yeux. Il est temps de comprendre que l'Union
européenne ne s'exonérera pas de ses responsabilités en payant,
une nouvelle fois, la reconstruction d'infrastructures
aussitôt détruites. Notre argent ne nous empêchera pas d'être
considérés comme complice de ce que nous aurions pu empêcher, tout
simplement parce que notre argent n'est pas l'étalon qui
détermine le prix des vies humaines perdues à Gaza.
La
France et le Royaume-Uni, membres de droit du Conseil de sécurité
doivent, à défaut des Etats-Unis, saisir les Nations unies d'une
résolution contraignante et, sous peine de sanctions, imposant un
cessez-le-feu, le retrait des troupes israéliennes de Gaza,
l'envoi d'une force d'interposition et de protection du peuple
palestinien, et la fin du blocus aérien, maritime et terrestre
de ce territoire. L'Union européenne doit suspendre l'accord
d'association qui la lie à Israël.
Que
la Palestine soit, enfin, reconnue comme un membre à part entière
de l'ONU et que le Conseil de sécurité décide de saisir sans plus de
délais la Cour pénale internationale pour que les auteurs et
responsables de tous les crimes de guerre commis aient à rendre
compte devant la justice.
Michel Tubiana, président du REMDH, et Karim Lahidji, président de la FIDH
Libération, 8 août 2014