Mardi 19 Janvier 2016
à 20 heures à la M.I.R. (Maison Internationale de Rennes), la Section de Rennes de la Ligue des
Droits de l’Homme organise une Conférence-Débat avec Dominique Guibert,
Président de l'Association Européenne pour la Défense des droits de l'Homme (AEDH), sur le thème : « Traités
transatlantiques : une offensive contre la démocratie et les droits ».
Ce sujet est d’une grande actualité au moment où les négociations
sur
les traités « de partenariat économique » entre l’Europe et les
États-Unis et le Canada (CETA, TTTIP ou TAFTA) touchent à leur fin. La
mobilisation des citoyens pour infléchir ces textes qui portent atteinte
aux droits fondamentaux est urgente.
***
Le
TTIP et ses effets sur les droits fondamentaux.
Par
Jean Dudouyt
Un
accord qui va bouleverser nos vies… et nos droits
Le
TTIP (partenariat transatlantique de commerce et d'investissement)
connu sous le nom de traité de libre-échange transatlantique («
TAFTA » en anglais), est un accord commercial en cours de
négociation entre l'Union européenne et les États-Unis prévoyant
la création en 2015 d'une zone de libre-échange transatlantique
souvent appelée grand
marché
transatlantique. Si le projet aboutit, il instituera la zone de
libre-échange la plus importante de l'histoire, couvrant 45,5 % du
PIB mondial.
Ses
défenseurs affirment que l'accord conduira à une croissance
économique pour les deux parties tandis que les critiques
soutiennent notamment qu'il augmentera le pouvoir des entreprises
face aux États et compliquera la régulation des marchés.
L’enjeu
principal du TTIP, c’est le renforcement des marges de manœuvre
des entreprises et la poursuite d’une globalisation néolibérale.
Ce renforcement est inscrit dans le titre du traité. Le terme le
plus important dans « Partenariat transatlantique sur le commerce et
l’investissement » c’est « investissement ». Il signifie que
les États vont :
ouvrir
leur territoire aux entreprises (et pas seulement aux marchandises
importées) ;
ouvrir
des secteurs jusqu’alors protégés – entreprises publiques,
services publics, secteur non marchand, sécurité sociale - aux
capitaux privés ;
accroître
les moyens d’influence des entreprises sur le processus législatif
;
créer
un tribunal privé devant lequel les entreprises pourront attaquer
les lois des États et demander des dizaines de millions de dollars
de compensations financières, aux frais du contribuable.
Le
TTIP, en supprimant les droits de douane permettrait l'entrée des
marchandises américaines en masse. Actuellement certains secteurs
sont protégés par de forts droits de douane et les américains ont
été obligés de créer des usines en Europe (exemple de Ford) :
produits agricoles, camions, chaussures, produits audio-visuels,
vêtements…
Avec
le TTIP, ce ne serait plus une obligation et des emplois dans de
nombreux secteurs repartiraient aux USA où le « coût du travail »
est plus faible, voire en sous-traitance en Amérique Latine.
Pas
seulement un accord de libre échange… et une gouvernance sur
mesure
Le
TTIP n'est pas seulement un accord de libre-échange visant à
l'abaissement des barrières douanières. Les autres objectifs
affirmés sont :
La
diminution des réglementations (en particulier les normes concernant
la santé et l'alimentaire) ;
La
commercialisation des services ;
Les
marchés publics ;
Les
droits de propriété intellectuelle ;
La
régulation financière.
Et
pour gérer ce dossier dans l'avenir, l'accord prévoit la création
d'une structure de gouvernance qui sera chargé de mettre en place
les normes et les règlements (Conseil Transatlantique de coopération
réglementaire
ou RCC) composée de fonctionnaires des agences de régulation
américaines et de la Commission Européenne… sans contrôle
démocratique.
Il
est aussi prévu une structure d'arbitrage (Système de règlement
des différends ou RDIE) pour offrir aux investisseurs privés le «
plus haut niveau possible » de protection légale contre les États.
C'est le monde à l'envers. Les arbitres ne seront pas des juges
indépendants mais des avocats d'affaires choisis par chaque partie.
La multinationale pourra donc demander une compensation à un État
qui aura empêché tel investissement ou qui aura remis en cause tel
service et qui sera en infraction avec TTIP (« expropriation
indirecte
»)!
En
fait le TTIP c'est :
Une
opposition frontale du social et de l'économie ;
Une
opposition totale du principe de précaution et du profit.
La
mobilisation démocratique pour
forcer
le secret et défendre les droits fondamentaux
Double
paradoxe : on vante la société de l'information alors que les
discussions sur le TTIP sont du domaine du secret réservé de la
Commission et des gouvernements. On prône le dialogue civil et le
dialogue social alors que dans ce dossier on considère que
l'économie est prioritaire sur tous les autres domaines. Il n'y a
pas de débat démocratique.
L'accord
TTIP a été discuté dans le plus grand secret depuis quelques
années entre la Commission Européenne et le Gouvernement Américain
et les inquiétudes des parties prenantes n'étaient pas prises en
compte par les négociateurs (secret des négociations,
mandat
des négociateurs inconnu).
Mais
le secret commence à être levé sous la pression des initiatives
citoyennes, associatives et syndicales qui se développent en Europe
et de certains parlementaires européens qui « montent au créneau »
sur ce dossier qui bouleversera nos vies. Aujourd'hui les choses ont
évolué et l'information diffuse progressivement (voir le site de la
Commission).
C'est une victoire – partielle – des organisations luttant pour
le respect de la
démocratie.
L'accord
devra être ratifié par le Parlement de l'Union Européenne (et
peut-être par
les
parlements nationaux). Les citoyens et les organisations
non-gouvernementales doivent se mobiliser dès maintenant pour
infléchir le dossier. La LDH est concernée au premier chef puisque
cet accord constitue potentiellement une atteinte aux droits
fondamentaux
: économiques, sociaux, culturels et environnementaux (les DESCE).
Dans
cette ambiance
de secret, la presse a très peu informé sur ce dossier à ce jour
alors que ce TTIP va profondément impacter nos vies. Il est temps
d'informer et de débattre sur ce dossier très avancé.
(...)