« Ne pas rire, ne pas pleurer, ne pas détester, mais comprendre ».
Ces mots, de Spinoza, peuvent résonner étrangement aujourd'hui : dans le Sinaï, à Beyrouth, à Paris, à Bamako, des centaines de personnes sont mortes ces derniers jours, toutes victimes d'une même idéologie meurtrière.
Il s'agit de ne pas « rire », bien sûr, qui en aurait envie à part les commanditaires et leurs fanatisés ; mais cela signifie aussi de ne pas « s'insoucier », se désintéresser du monde qui nous entoure en se réfugiant dans une bulle confortable, une fois l'affliction passée. Nous avons tous la responsabilité de faire face, chacun avec ses moyens, pour que l'Humanité reprenne ses droits.
Il s'agit de pas « pleurer », de ne pas se perdre dans l'émotion et accepter tout ce qui peut sembler une consolation. Dans l'état de tristesse actuel toute promesse de protection accrue nous réconforte. Mais nous ne devons pas pour autant renoncer à nos libertés fondamentales, celles-là mêmes qui nous valent les foudres de leurs ennemis. Entre sécurité et liberté, il n'y a pas à choisir : il faut veiller à un équilibre, le moins imparfait possible.
Il s'agit de ne pas « détester » : la colère et même la haine sont des sentiments que nous pouvons tous ressentir. Mais ils sont stériles et nous détournent des vraies valeurs pour lesquelles nous devons nous battre. Les laisser s'installer serait une victoire des terroristes qui auraient réussi à nous amener sur leur terrain. Nous devons au contraire nous recentrer sur nos valeurs : le droit de vivre libres et égaux en droit, en paix et en harmonie avec les autres. Cela seul pourra mener à la défaite des fanatiques.
Il s'agit enfin de « comprendre ». Comprendre, ce n'est pas excuser, encore moins pardonner. Comprendre, c'est faire face au problème. Dire qu'on ne comprend pas ces actes horribles est une fuite. Nous connaissons les raisons de leurs crimes. Ils veulent imposer par la terreur leur vision injuste du monde. Nos idéaux, notre mode de vie, notre existence même sont combattus. Pourquoi ?
Il faut ouvrir les yeux, se remémorer l'histoire, analyser les combats au Moyen Orient et le rôle des États les plus puissants dans le « jeu » des relations internationales ; il faut se souvenir des discours politiques de haine ; il faut observer notre monde occidental et « la misère du monde », pour reprendre l'expression du livre dirigé par Pierre Bourdieu. Le début du XXIème siècle ne s'est pas fait sous le règne de la justice sociale.