Communiqué de l’Observatoire de la liberté de création
Depuis plusieurs mois, nous assistons à des actes d’entrave ou de
censure des libertés artistiques. Ils sont de plus en plus souvent
accompagnés d’une ingérence politique qui porte atteinte aux libertés
d’expression, de création et de programmation.
C’est ce qui s’est une nouvelle fois produit le 12 septembre dernier à
Angers lors du festival « Les accroche-cœurs ». Les représentations du
spectacle Les Squames, de la compagnie Kumulus, ont été
perturbées par des individus taxant de racisme une proposition qui
travaille justement sur l’interpellation de chacun sur ses
représentations de l’exclusion, l’intolérance et l’enfermement des
minorités.
Le maire a d’abord voulu annuler les représentations, pour répondre à
des plaintes émanant de réseaux supposés protéger le public d’images
pouvant choquer. Grâce à la mobilisation de l’ensemble des équipes
artistiques programmées et de nombreux spectateurs, ainsi qu’à la
médiation de la direction du festival, la municipalité est revenue sur
cette décision, pour reprogrammer ce spectacle de rue dans un
établissement.
Ce qui s’est passé à Angers pose à nouveau des questions essentielles :
- qu’attend-t-on de l’art, sinon qu’il interroge ?
- l’art est-il exclu désormais de l’espace public, dès lors qu’il dérangerait certains ?
- les métiers de la création et de la diffusion sont-ils soumis au jugement des élus des villes où ils s’exercent ?
- l’exercice des responsabilités de ces élus se fait-il dans
l’urgence des pressions de quelques groupes actifs, d’inspiration
communautariste, idéologique et religieuse ?
Pour nous, ces questions touchent directement aux libertés fondamentales d’une démocratie.
Dans un climat politique délétère de montée des populismes, certains
élus menacent la création artistique par des formes de censure directe
ou indirecte des œuvres, chaque fois qu’ils cèdent à la pression de
groupuscules s’autoproclamant les gardiens arbitraires de la morale, des
élégances et de la vertu.
Nous avons besoin de dialogue : l’espace public est le premier lieu de l’échange citoyen.
Nous avons besoin de métaphores pour penser : l’art en est le premier vecteur.
Nous avons besoin de rencontres pacifiées au-delà des interprétations hâtives : la vie culturelle en est l’occasion permanente.
En défendant les libertés d’expression, de création et de diffusion
artistiques, ce sont des fondamentaux républicains et laïcs que nous
défendons.
Les œuvres doivent être préservées des jugements arbitraires qui
chercheraient à en restreindre le contenu ou la diffusion. Le regard
singulier des artistes sur le monde doit rester accessible à tous et
continuer d’éclairer notre avenir commun.
Paris, le 19 septembre 2014.