Paris, 26 septembre 2014
« Malgré les efforts déployés pour mettre en œuvre le principe
d’égalité en France, les discriminations persistent. Ceci démontre qu’un
nombre d’engagements majeurs de la République ne sont toujours pas
tenus dans ce domaine crucial pour la cohésion sociale et les droits de
l’homme », a déclaré aujourd'hui Nils Muižnieks, Commissaire aux droits
de l'homme du Conseil de l'Europe, à l’issue d’une mission de cinq jours
en France.
L'intolérance progresse et se manifeste par une recrudescence des
discours et des actes racistes, antisémites, antimusulmans et
homophobes. Le solide cadre juridique qui permet de réprimer ces
phénomènes devrait être complété par davantage de mesures de prévention
et de sensibilisation, notamment des usagers d'Internet, où le discours
de haine se développe. « La classe politique, tant au niveau national
que local, a une responsabilité particulière en matière de lutte contre
l'intolérance et les discriminations. Ses membres ne doivent pas
seulement s'abstenir de tout propos stigmatisant ou discriminatoire. Ils
doivent aussi condamner clairement et fermement tous les propos haineux
et promouvoir l'égalité. »
Les immigrés et les demandeurs d'asile subissent de plein fouet
l'intolérance et doivent, en outre, affronter des conditions de vie très
difficiles. “Je suis très inquiet de constater que de nombreux
demandeurs d'asile ainsi que des mineurs isolés étrangers ne bénéficient
pas des conditions minimales d'accueil et se retrouvent dans des
dispositifs d'hébergement d'urgence inadaptés à leur situation, voire à
la rue. Je suis particulièrement attristé par la situation des
demandeurs d’asile afghans sans abri que j’ai rencontrés avant-hier dans
le nord de Paris”, a noté le Commissaire. S'agissant de l'asile, le
Commissaire Muižnieks a également déploré la faible participation de la
France au programme de réinstallation des réfugiés syriens. Il a invité
les autorités à permettre aux 500 personnes qu'elles se sont engagées à
accueillir de gagner rapidement le territoire français et à prendre des
engagements pour l'accueil de nouveaux réfugiés syriens. Il a aussi
appelé la France à veiller à ce que la simplification et l'accélération
annoncées des procédures d'asile ne se fassent pas au détriment des
garanties procédurales et des droits des demandeurs d'asile. « Une série
d’arrêts récents contre la France de la Cour de Strasbourg démontrent
la nécessité d’examiner de manière plus approfondie les demandes d'asile
et d'améliorer la qualité des décisions rendues par les juridictions
françaises dans le domaine de l’asile ».
Les Roms migrants sont, eux aussi, particulièrement victimes de
l'intolérance. Il s'agit pourtant d'une population réduite – moins de
20 000 personnes sur l'ensemble du territoire français – et apparemment
stable depuis de nombreuses années. Leurs besoins fondamentaux ne sont
pas différents de ceux de toutes les personnes en situation de grande
précarité: accès au logement, aux soins, à l'éducation et à l'emploi.
Selon le Commissaire Muižnieks, “il faut mettre un terme aux évacuations
forcées de bidonvilles non accompagnées de solutions durables
d'hébergement car ces évacuations ne font que déplacer et amplifier les
problèmes. Il est, en outre, impératif de donner la priorité à l'accès
de tous les enfants Roms à l’école. Il n'est pas acceptable que dans un
campement comme celui où je me suis rendu à Marseille, aucun des
25 enfants qui y vivent depuis près de deux ans ne soit scolarisé”
a-t-il ajouté.
Le Commissaire Muižnieks s'est également inquiété de la situation des
Gens du voyage, qui continuent à rencontrer d'importantes difficultés du
fait du nombre insuffisant d’aires d'accueil, malgré l'existence,
depuis 1990, d'une loi visant à assurer la mise à disposition de telles
aires. Il a encouragé les autorités à s'assurer que les communes
respectent leurs obligations en la matière et à poursuivre les réformes
en vue de l'abolition des dispositions dérogatoires au droit commun,
comme celles concernant le livret de circulation et la commune de
rattachement, qui s'appliquent encore aux Gens du voyage.
Enfin, le Commissaire a examiné la situation des personnes handicapées.
Il a noté avec satisfaction la priorité donnée, dans les politiques
publiques, à l'autonomie et à l'inclusion dans la société. Toutefois, il
a déploré que cette priorité peine encore trop souvent à être mise en
œuvre en pratique et que les personnes handicapées continuent de subir
de nombreuses discriminations. “Les enfants handicapés doivent, comme
tous les enfants, jouir pleinement et effectivement du droit à
l'éducation. J'invite instamment les autorités à déployer tous les
moyens nécessaires pour assurer la scolarisation de tous les enfants
handicapés et à poursuivre les efforts entrepris afin de favoriser leur
scolarisation en milieu ordinaire” a-t-il déclaré. Il a également
encouragé les autorités à donner plein effet à la loi de 2005 sur le
handicap en soulignant qu’il reste toujours d'importants progrès à
accomplir pour garantir l'accessibilité des lieux recevant du public.
« Les autorités françaises doivent veiller à ce que les reports des
aménagements nécessaires à l’accessibilité soient strictement limités en
nombre et en durée ». Le Commissaire a, de plus, regretté que, « malgré
les condamnations de la France par le Comité européen des droits
sociaux, au moins 6 000 personnes handicapées françaises restent
toujours placées dans des établissements en Belgique » et a incité les
autorités à accroître leurs efforts afin de proposer à toutes les
personnes handicapées un accompagnement adapté à leur situation.
Le Commissaire publiera prochainement un rapport sur sa visite en France.