Les directeurs du TGP et du 104, Jean Bellorini et José-Manuel
Gonçalvès ont choisi de programmer dans leurs établissements
l’installation performance Exhibit B de Brett Bailey.
Elle repose, par la succession de tableaux vivants
représentant alternativement des évocations de l’esclavage, de la
colonisation et de la répression violente de l’immigration, sur la
dénonciation de ce que le racisme a produit de pire. Chacun de ces
tableaux incarnés est porté par des performeurs qui ne quittent pas du
regard les spectateurs accueillis par petits groupes. Chaque scène est
accompagnée d’un cartel explicatif. La fin du parcours d’installation
permet de lire les témoignages des performeurs sur leur propre
expérience, mais aussi à chaque spectateur d’écrire son ressenti, quel
qu’il soit.
Créé en 2010, ce spectacle a été vu depuis dans plusieurs
villes européennes, à Avignon et au 104 en 2013, ou encore tout
récemment à Poitiers, sans qu’aucun incident ne trouble sa
programmation, ni sa découverte par des spectateurs ayant librement
choisi d’y assister.
Evoquer n’est pas approuver. Tout artiste doit pouvoir
librement représenter une part de l’histoire humaine passée et présente,
et chercher à ébranler les consciences, à interroger les préjugés.
Pourtant, des personnes jugeant raciste et indigne un
spectacle qu’ils n’ont pas vu, animent depuis plusieurs semaines une
campagne d’intimidation qui va de la demande d’annulation puis
d’interdiction, à la menace d’empêcher les représentations par un appel à
la manifestation.
Si le procédé n’est pas nouveau, il choque toujours pour
au moins trois raisons fondamentales. C’est d’abord le procès d’une
intention : celle de l’artiste, celle des performeurs et celle du
directeur. C’est aussi la condamnation de l’art, qui n’existe que par la
représentation, l’image, le lien, la question, et surtout le dialogue
du singulier et de l’universel. C’est enfin l’interdiction pour tous,
demandée par quelques-uns.
L’Observatoire de la liberté de création assure de son
soutien Brett Bailey, Jean Bellorini, José-Manuel Gonçalvès et leurs
équipes. Le TGP et le 104 ont choisi d’accueillir une œuvre dans une
programmation qu’ils assument – artistiquement et politiquement – et
qu’ils accompagnent d’une médiation, pour ce projet comme pour tous les
autres. Ils ne font là que leur métier.
Il convient de garantir à chacun la liberté de devenir
spectateur et de participer à la représentation d’une œuvre.
L’intimidation et le désir de censure sont illégitimes, c’est dans le
débat critique que chacun doit pouvoir s’exprimer.
L’Observatoire de la liberté de création demande donc à
tous ceux qui partagent ses valeurs d’aider à assurer le bon déroulement
des représentations.
L’Observatoire de la liberté de création appelle ses
adhérents, mais aussi les citoyens et les spectateurs, à se rassembler
pacifiquement sur le parvis des théâtres à l’occasion des
représentations. L’Observatoire de la liberté de création assurera une
mission de médiation et de dialogue, et participera au débat du 28
novembre à 19 h au TGP, qui doit permettre à tous les points de vue de
s’exprimer.
Pour combattre les préjugés, nous avons besoin d’art, de partage et de parole.
Il est urgent de protéger les œuvres, les artistes et les
professionnels, dans un pays qui doit porter haut la liberté de
création, d’expression et de diffusion de l’art comme de la pensée.