Paris, 13 février 2015
Les huit organisations signataires se réjouissent des observations que le Défenseur des droits
vient de rendre publiques le 9 février. Elles constituent une
contribution essentielle au débat sur les contrôles d’identité en
affirmant clairement que, pour respecter ses obligations en matière de
droits humains, la France doit en réformer le régime.
C’est ce que réclament, depuis de nombreux mois, nos huit organisations (Graines
de France, Groupe d'Information et de Soutien des Immigrés, Human
Rights Watch, Ligue des droits de l’Homme, Maison communautaire pour un
développement solidaire, Open Society Justice Initiative, Syndicat des
avocats de France, Syndicat de la magistrature). C’est pourquoi elles invitent le gouvernement, de toute urgence, à :
· modifier l’article 78-2 du Code de procédure pénale qui encadre les contrôles ;
· mettre en place une traçabilité des contrôles – donc un récépissé – assurant un recours effectif en cas de dérive.
Le 9 février 2015,
le Défenseur des droits a déclaré dans un communiqué avoir présenté des
observations devant la cour d’Appel de Paris, dans la procédure initiée
par 13 personnes qui ont intenté une action visant à engager la
responsabilité de l’État pour des contrôles d’identité discriminatoires.
Son intervention rappelle que l’État français doit prendre des mesures
pour lutter de manière efficace contre les contrôles au faciès.
Les
observations du Défenseur des droits soulignent que les autorités
doivent non seulement éviter toute discrimination, mais également
adopter des mesures fermes et concrètes, propres à prévenir et à
réprimer de telles pratiques. L’absence de ces mesures constitue un
manquement équivalent « à fermer les yeux sur la gravité de tels actes et à les considérer comme des actes ordinaires… ».
Il précise qu’il est nécessaire d’encadrer suffisamment les pratiques
de contrôles, de sorte que tout contrôle soit basé sur des critères
objectifs, et non sur des critères subjectifs, tels que le « ressenti » ou l’ « instinct » »
des agents, comme c’est actuellement le cas. En effet, ces critères
subjectifs donnent régulièrement lieu à des contrôles d’identité basés
sur des critères discriminatoires tels que l’origine ethnique, comme nos
organisations l’ont démontré à maintes reprises.
Le
Défenseur des droits souligne par ailleurs l’importance de garanties
suffisantes contre le risque d’arbitraire, qui impose, en particulier,
un aménagement de la charge de la preuve et la garantie d’un contrôle
effectif par le juge. Il note à cet égard que : « L’absence de
motivation et de procédure écrite, en particulier de toute trace du
contrôle effectué (précisant a minima la date et le lieu du contrôle, le
nom de l’agent contrôleur et de la personne contrôlée et les raisons
ayant justifié la mesure), […] entrave l’accès au
contrôle juridictionnel et peut priver celle-ci de la possibilité de
contester utilement la légalité de la mesure et de dénoncer son
caractère discriminatoire. »
Au
regard de ces observations, nos huit organisations demandent au
gouvernement de prendre des initiatives réellement efficaces pour lutter
contre ces pratiques discriminatoires, et ainsi a minima :
· proposer
au Parlement de modifier l’article 78-2 du Code de procédure pénale.
Cet article définit les circonstances autorisant les contrôles
d’identité et les motifs légaux justifiant de tels actes. La généralité
et l’imprécision de sa rédaction actuelle favorisent les dérives qui
contribuent aux violations graves et répétées des droits fondamentaux.
Plusieurs alinéas de cet article devraient être abrogés ou amendés afin
de limiter le champ des contrôles aux stricts impératifs de la
prévention ou la répression d’actes de délinquance ;
· instaurer
une traçabilité des contrôles qui fournirait à une personne contrôlée
des informations sur les raisons ayant motivé son contrôle afin qu’elle
puisse, le cas échéant, contester la légalité du contrôle et dénoncer
son caractère discriminatoire.
Nos
organisations affirment qu’une telle réforme ne réduirait en rien
l’efficacité des forces de police, bien au contraire, et rappellent, en
ce sens, que les expériences réalisées dans d'autres pays
ont clairement démontré la possibilité à la fois de réduire la
prévalence des pratiques discriminatoires et d'améliorer l’efficacité
des contrôles de police, expériences d’autant plus probantes qu’elles
ont associé tous les acteurs concernés : élus locaux, magistrats et
avocats, policiers, associations, citoyens, experts.
Le candidat à la Présidence de la République, François Hollande, s’était engagé en 2012 à faire une réforme pour lutter « contre le « délit de faciès » par la mise en place d’une « procédure respectueuse des citoyens ».
Cependant, depuis son élection, les différents gouvernements n’ont
adopté aucune mesure susceptible de mettre fin aux contrôles d’identité
discriminatoires.
Avec
ces observations du Défenseur des droits, le gouvernement n’a plus à
décider « si » il doit respecter son engagement de reformer les
contrôles d’identité, mais seulement « quand » il le fera. Compte tenu
des impacts dévastateurs de ces contrôles sur les personnes contrôlées,
le sentiment d’injustice et d’humiliation qu’ils alimentent chez des
personnes qui se sentent discriminées, nos huit organisations
réaffirment fermement que cela doit être fait désormais sans plus
tarder.