Paris,
le 19 mai 2015
En relaxant les deux policiers poursuivis pour non-assistance à
personne en danger, en les dédouanant au point d’oublier que la
police a aussi pour mission de protéger, le tribunal correctionnel
de Rennes a sans doute suivi sa logique. Mais il a surtout rendu un
verdict terrible contre la justice elle-même.
Car ce jugement a toutes les apparences de l’injustice. Il
en a l’allure, il en a le goût, il en a l’odeur et il en a les
mots. Il en aura l’impact.
Comment en effet sera-t-il possible de prétendre que les
policiers, à l’instar de tous les citoyens, sont responsables de
leurs actes, comme de leur inaction ?
Comment pourra-t-on faire croire aux habitants de Clichy-sous-Bois
qu’ils sont considérés à l’égal des autres citoyens de ce
pays ?
Comment pourra-t-on espérer dire que justice a été rendue avec
un « deux poids, deux mesures » aussi écrasant ?
Le triste verdict de Rennes vient s’ajouter à un sentiment
d’injustice et de mépris, au climat
de méfiance et de violence latente existant entre les forces de
l’ordre et les habitants des quartiers d’habitat social,
singulièrement une bonne partie de la jeunesse qui y réside. Qu’on
ne s’y trompe pas, le silence incrédule avec lequel le pays l’a
accueilli – exception faite de quelques cris de joie du Front
national ou de membres de l’UMP – n’est pas de bon augure.
Lorsque des hommes et des femmes ne croient plus en la justice de la
République, c’est la démocratie elle-même qui est en péril.
Les quartiers relégués, celles et ceux qui sont victimes de la
crise sociale, des inégalités territoriales, de toutes sortes de
discriminations et se voient, de
surcroît, exposés à des contrôles
policiers incessants et indignes, vont
continuer de réclamer une tout autre justice.