L’Etat
a engagé à nouveau le démantèlement de la « jungle »
de Calais.
La
Ligue des droits de l’Homme ne peut que s’interroger sur la
préparation, les modalités et la finalité de cette opération qui
intervient, à Calais et ailleurs, après une période de répression
souvent brutale à l’encontre des migrants et parfois des militants
et bénévoles qui leur viennent en aide.
En
amont, peu d’efforts ont été faits pour établir un diagnostic
fiable de la situation des personnes et trouver des solutions
adaptées. Ainsi les mineurs n’ont pas été mis sous protection et
ceux d’entre eux qui souhaitent rejoindre un membre de leur famille
en Angleterre ne le pourront toujours pas et reviendront si on les
éloigne de Calais. La France n’a ni tenté de renégocier la
gestion de sa frontière avec le Royaume-Uni, ni envisagé de ne plus
appliquer le règlement Dublin III qui fait peser une menace
d’expulsion sur les migrants qui sont entrés dans l’Union
européenne par des pays bien peu généreux en ce qui concerne les
demandes d’asile.
Les
migrants qui sont en voie d’évacuation, de leur plein gré pour
les uns, par la force pour d’autres, sont emmenés vers des centres
d’accueil et d’orientation (CAO) répartis sur l’ensemble du
territoire. Il faut saluer à cet égard tous les maires, les élus
locaux et les citoyens qui se sont engagés pour que cet accueil
puisse se réaliser, malgré les campagnes xénophobes et les
réactions hostiles fomentées ici et là.
Pour
autant ces CAO sont avant tout des « lieux de répit »,
mis en place pour de courtes durées, qui risquent de ne pas avoir
les moyens d’assurer les fonctions qu’on leur a définies :
fournir un accompagnement social et faire un tri, souvent discutable,
entre ceux qui pourraient avoir le droit de solliciter une protection
au titre de l’asile et les autres. Encore faudrait-il que dans ce
qui s’apparente à des « hotspots » l’Etat assure
l’information, la traduction, l’intervention de juristes,
c’est-à-dire les conditions permettant de respecter les droits des
personnes, aussi bien que le suivi social, médical et psychologique
souvent indispensable pour ces personnes qui ont fui, au péril de
leur vie, des situations dramatiques et traumatisantes.
Ce
dispositif apparaît aujourd’hui comme un pis-aller, alors que
l’Etat se révèle incapable d’assurer le fonctionnement normal
des procédures qui existent pourtant pour les demandeurs d’asile :
pourquoi faut-il plusieurs mois pour avoir un rendez-vous dans les
plateformes d’accueil ? Pourquoi le nombre de places dans les
centres d’accueil des demandeurs d’asile (Cada) est-il
ridiculement insuffisant ? Et ne convient-il pas de prendre en
compte les raisons multiples et également légitimes qui poussent
les migrants à partir, en assurant à tous des possibilités de
s’insérer dans la société française ?
Souvent,
au cours de l’histoire, des Français ont dû s’exiler. Ils ont
trouvé sur des terres souvent lointaines bienveillance et
solidarité. Aujourd’hui, c’est en tenant compte de ses propres
principes que la République française doit accueillir ceux qui
frappent à sa porte, dans le respect de la dignité des personnes et
de leurs droits fondamentaux.
Paris,
le 24 octobre 2016