La LDH soutient le film Héros sans visage de Mary Jiménez
C’est un film sur l’immigration clandestine, en trois parties. La première,
dans l’église du Béguinage, à Bruxelles, où des sans-papiers mènent
cinquante-six jours de grève de la faim. La réalisatrice les photographie un
par un, filme leur fatigue, leurs souffrances, écoute leurs revendications de
conscience et de responsabilité, voit arriver les médecins pour les plus
éprouvés. Ils exultent à l’annonce de leur régularisation : mais huit
jours plus tard, l’un d’eux meurt dans sa chambre d’hôtel. Elle ne le connaît
pas, ne l’a pas photographié, et c’est de ce mystère que naît le film.
Elle nous emmène ensuite dans un camp de
réfugiés à la frontière tunisienne. Là, elle fait raconter leur périples à des
migrants venus d’Afrique ou du Bangladesh, tous anciens travailleurs en Lybie,
émigrants politiques ou économiques : peu payés, voire pas du tout, fuyant
la guerre, celle de chez eux puis celle de Lybie ; rackettés
sous menace de mort par une « police » tunisienne qui leur prend
tout, y compris leur argent et leurs téléphones. Ils n’ont plus rien que
l’espoir de l’assistance du HCR ; impossible de rentrer chez eux, où ils
ont tout vendu et laissé leurs familles, leurs femmes et leurs enfants.
D’autres, ont été tués en Libye, parce qu’une rumeur accusait les Noirs de
meurtres à Bengazi ; certains ont été torturés dans les geôles libyennes.
Le pire est la « route des nouveaux esclaves » du Niger, où l’un des
migrants a filmé avec son téléphone portable des images saisissantes de
mourants abandonnés par les passeurs et de corps gisant au bord de la route.
Les migrants parlent, analysent très lucidement cette guerre de la misère qui
expédie les Africains sur les routes de l’exil. Ils pleurent leur pays, leurs
parents. Tout ce qu’ils ont à offrir, ce sont leurs noms et ceux de leurs pères
et mères.
La troisième partie donne la parole,
dans un camp de la Croix rouge de Liège, à un migrant anonyme, un
boat-people qui nous raconte sa navigation sur une chambre à air et le miracle
des dauphins qui le remettent dans le sens des vagues, avant qu’un bateau
espagnol vienne le repêcher.
Étrange film fait de ces trois morceaux,
émouvant, avec des moments très forts. S'il aborde la question sous un angle
plus humanitaire que politique, il donne pourtant des clefs pour comprendre la
grande épopée contemporaine des migrations.
Héros sans visage
Film documentaire, 2011
Durée : 61’
Réalisation : Mary Jiménez
Production : Dérives, RTBF, Wallonie Image Production