Durant
le 3e trimestre 2015, 4 767 personnes se sont
faites évacuées de force par les autorités de 42 lieux de
vie. 100 personnes ont dû quitter un lieu de vie faisant
suite à un incendie. Ces chiffres représentent presque un
doublement du nombre de personnes évacuées de force par
rapport au trimestre précédent. Pratiquement le tiers des
personnes recensées par les autorités vivant dans un
bidonville ont été expulsées.
Il
y eut 32 évacuations forcées faisant suite à une assignation
par les propriétaires des terrains ou des squats devant les
tribunaux, 8 faisant suite à un arrêté d’insalubrité ou de
péril pris par la mairie ou le préfet et deux abandons de
bidonville par les personnes elles-mêmes, sous la menace
d’une évacuation forcée imminente. Sur les 42 évacuations
effectuées par les autorités, des solutions d’hébergement
temporaires n’ont été proposées que 11 fois. À la suite des
31 autres évacuations, les familles ont été tout simplement
mises à la rue par les forces de l’ordre. Durant
l’évacuation faisant suite à un incendie, il n’y a pas eu de
solution d’hébergement d’urgence mise en place.
Depuis
le début de l’année, la région Ile de France continue de
concentrer 63 % des personnes évacuées.
Nous
considérons que la circulaire du 26 août 2012 n’est plus
qu’une lettre morte.
Les
dernières condamnations internationales à l’encontre de la
France sont lourdes.
«
Il apparaît de plus en plus clairement qu’il existe une
politique nationale systématique d'expulsions de force des
Roms », a dit le Haut Commissaire des Nations
unies aux droits de l'Homme, Zeid Ra’ad Al Hussein.[1]
Les
résultats observés ne font que confirmer ce constat
accablant de l’expulsion « systématique ».
Comme
le dit le Haut-Commissaire : « Deux des principaux
organes des traités internationaux, le Comité pour
l’élimination de la discrimination raciale et le Comité
des droits de l’homme, ont plus tôt cette année exhorté la
France à s'abstenir de telles expulsions forcées sans
offre d'hébergement alternatif. Je me joins à eux pour
demander à la France de remplacer cette politique punitive
et destructrice par une politique véritablement inclusive.
»
Cette
politique d’expulsions est nuisible, car elle ne fait
qu’aggraver la situation de précarité de ces personnes ;
elle est absurde, car elle n’atteint pas l’objectif
poursuivi d’éradiquer le bidonville, un autre se recréant
juste un peu plus loin ; elle est aveugle puisque les
autorités continuent depuis déjà des années à pourchasser
inlassablement ces personnes, d’expulsion en expulsion, sans
aucune amélioration ni résultat.
D’autre
part, nous observons avec attention les réactions et les
discours des autorités vis-à-vis des réfugiés et des
migrants récemment arrivés, car nous craignons que les
raisons qui ont guidé la politique mise en œuvre vis-à-vis
des populations roms (ou désignées comme telles) ne
prévalent aussi pour ces personnes. Nous avons déjà pu
observer des comportements très similaires lors d’expulsions
de campements de réfugiés à Paris (Austerlitz ou Mairie du
18e arrondissement de Paris) ou à Calais. Les
mêmes politiques produisent les mêmes effets. Nous pensons
que celle décrite ci-dessus et qui se concrétise par des
expulsions à répétition des lieux de vie occupés par des
Roms, s’applique de la même manière à ces personnes
nouvellement arrivées et qu’elle reflète tout simplement la
volonté politique non pas d’accueillir, mais bien de
rejeter.
Ce
n’est donc pas seulement pour les Roms, mais pour l’ensemble
de ces populations vivant dans une extrême précarité que
nous demandons la suspension des expulsions systématiques,
la sécurisation des bidonvilles et leur assainissement, la
mise en place de solutions adaptées pour l’insertion des
familles à travers le droit commun et ceci avant toute
expulsion, pour toutes les familles et sur tout le
territoire. Le suivi de ces politiques devrait être organisé
dans le cadre d’un dialogue permanent entre les pouvoirs
locaux (communes, collectivités territoriales), les
autorités régionales et nationales et les acteurs publics et
associatifs actifs dans les bidonvilles.
Remarque :
Ce
recensement est le fruit d’un travail commun entre la Ligue
des droits de l’Homme (LDH)
et le European
Roma Rights Centre (ERRC).
Sans avoir la prétention à l’exhaustivité de la situation
étant donné le manque de données officielles disponibles,
ce recensement voudrait cependant en être l’expression la
plus objective possible.