A quoi joue-t-on ? Les
arrestations de membres de l’ETA se poursuivent, les prisonniers de l’ETA en
France comme en Espagne restent traités de manière indigne, et la justice
espagnole poursuit sa chasse aux sorcières contre ceux et celles qui portent simplement
une parole politique. Elle vient de délivrer, une nouvelle fois, un mandat
d’arrêt européen contre une ressortissante française pour des actions,
parfaitement légales aux yeux de la loi française, menées en France !
On le sait, l’ETA a mis fin à
la lutte armée. Cette organisation a mis définitivement fin au recours à la
violence. Et c’est non seulement les militants encore libres mais aussi les
prisonniers qui ont pris, de manière unilatérale, cette décision. Plus encore,
les uns et les autres ont publiquement déclaré qu’ils acceptaient le jeu
démocratique et qu’ils y participeraient. Ceci ne s’est pas fait en catimini.
Une conférence a eu lieu, à Aiete, en 2011. Elle réunissait des personnalités
venues du monde entier : Koffi Annan, Gerry Adams, Bertie Ahern ou Pierre
Joxe. Ils encourageaient les gouvernements espagnols et français à accueillir
favorablement la déclaration de l’ETA et à ouvrir le dialogue. En 2015, une
conférence se tenait à l’Assemblée nationale, avec l’assentiment d’élus français
de droite comme de gauche, pour aller dans le même sens. Depuis, rien n’a bougé
et les gouvernements français et espagnols font comme si l’ETA était encore un
ennemi à combattre, allant même jusqu’à refuser de discuter des conditions dans
lesquelles l’ETA se propose de remettre le stock d’armes et d’explosifs encore
en sa possession.
Comme si, les gouvernements
des deux côtés des Pyrénées s’étaient entendus pour considérer qu’il convenait
de faire payer le prix fort à ceux et celles qu’ils considèrent comme des
« vaincus ». Ce n’est pas ainsi que l’on construit la paix civile.
Nul ne demande aux autorités de renoncer à leurs prérogatives. Nul ne demande
de faire une croix sur le passé. Mais la concorde civile ne se construit pas
sur la « victoire » et encore moins sur la vengeance. Elle se
construit sur le retour à la paix, la vérité, la reconnaissance des crimes
commis quels qu’ils soient, la reconnaissance des victimes et des souffrances
endurées. C’est cette aspiration qui prévaut au Pays basque d’un côté et
de l’autre de la frontière. En adoptant une attitude autiste, non seulement les
gouvernements français et espagnols entretiennent les miasmes d’un conflit armé
passé, mais ils prennent le risque de justifier quelques irrédentistes. La
politique est, paraît-il, l’art de gouverner. Pas de se venger.
Michel TUBIANA
Président d’honneur de la LDH
Président d’honneur de la LDH
(Tribune sur Mediapart.fr)