Manifeste du collectif « délinquants solidaires »
janvier 2017
Bien
sûr, la solidarité n'a jamais été inscrite dans aucun code
comme un délit.
Cependant, des militants associatifs qui ne font que venir en aide à des personnes en situation de très grande précarité, victimes de décisions dangereuses, violentes, voire inhumaines, se retrouvent aujourd’hui face à la justice.
Avec l'instauration de l'état d'urgence, et dans le contexte baptisé « crise migratoire », on assiste à une recrudescence de poursuites visant à empêcher l'expression de la solidarité envers migrants, réfugiés, Roms, sans-papiers... Au-delà, c'est le soutien à l'ensemble des personnes étrangères qui tend à devenir suspect, l'expression de la contestation des politiques menées qui est assimilée à de la rébellion et au trouble à l'ordre public.
La loi permet en effet de poursuivre les personnes qui viennent en aide aux « sans-papiers »1, mais toutes sortes d'autres chefs d’accusation servent désormais à entraver toute action citoyenne qui s'oppose aux politiques mises en œuvre. L'ensemble de ces intimidations, poursuites, condamnations parfois, visent donc bien en fait ce qui constitue de nouvelles formes du « délit de solidarité ».
Dès 2009, les associations de défense des droits de l'Homme et de soutien aux étrangers avaient dénoncé le fait que le délit d'« aide à l'entrée, à la circulation et au séjour des étrangers en situation irrégulière», introduit à l'origine pour lutter contre ceux qui font commerce du trafic et de l'exploitation des étrangers, ait permis au fil du temps de sanctionner les « aidants » d'étrangers sans papiers, même agissant dans un but non lucratif. Si les peines prévues ne sont pas toujours appliquées, une telle réglementation a bien sûr un effet dissuasif sur celles et ceux qui refusent de se soumettre à des politiques hostiles aux étrangers.
La mobilisation associative, à l'époque, a abouti à plusieurs réformes successives, dont celle du 31 décembre 2012 qui a été présentée comme la « suppression » du délit de solidarité. Il n'en est rien ; la nouvelle rédaction des textes se contente de préciser et augmenter les cas d'exemption de poursuites. Outre l'aide apportée à des parents, est autorisée l'aide qui aura seulement visé à « assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger » ou à « préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci ». Malgré tout, des personnes ayant manifesté leur solidarité avec des étrangers sans titre de séjour continuent d'être inquiétées - convocations à la police ou à la gendarmerie, gardes à vue, perquisitions, écoutes téléphoniques- voire poursuivies et parfois punies d'amende et emprisonnement.
Dans le même temps, des poursuites ont commencé d'être menées sur la base de textes sans rapport avec l’immigration.
1 Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda), articles L.622-1 et suivants
Cependant, des militants associatifs qui ne font que venir en aide à des personnes en situation de très grande précarité, victimes de décisions dangereuses, violentes, voire inhumaines, se retrouvent aujourd’hui face à la justice.
Avec l'instauration de l'état d'urgence, et dans le contexte baptisé « crise migratoire », on assiste à une recrudescence de poursuites visant à empêcher l'expression de la solidarité envers migrants, réfugiés, Roms, sans-papiers... Au-delà, c'est le soutien à l'ensemble des personnes étrangères qui tend à devenir suspect, l'expression de la contestation des politiques menées qui est assimilée à de la rébellion et au trouble à l'ordre public.
La loi permet en effet de poursuivre les personnes qui viennent en aide aux « sans-papiers »1, mais toutes sortes d'autres chefs d’accusation servent désormais à entraver toute action citoyenne qui s'oppose aux politiques mises en œuvre. L'ensemble de ces intimidations, poursuites, condamnations parfois, visent donc bien en fait ce qui constitue de nouvelles formes du « délit de solidarité ».
Dès 2009, les associations de défense des droits de l'Homme et de soutien aux étrangers avaient dénoncé le fait que le délit d'« aide à l'entrée, à la circulation et au séjour des étrangers en situation irrégulière», introduit à l'origine pour lutter contre ceux qui font commerce du trafic et de l'exploitation des étrangers, ait permis au fil du temps de sanctionner les « aidants » d'étrangers sans papiers, même agissant dans un but non lucratif. Si les peines prévues ne sont pas toujours appliquées, une telle réglementation a bien sûr un effet dissuasif sur celles et ceux qui refusent de se soumettre à des politiques hostiles aux étrangers.
La mobilisation associative, à l'époque, a abouti à plusieurs réformes successives, dont celle du 31 décembre 2012 qui a été présentée comme la « suppression » du délit de solidarité. Il n'en est rien ; la nouvelle rédaction des textes se contente de préciser et augmenter les cas d'exemption de poursuites. Outre l'aide apportée à des parents, est autorisée l'aide qui aura seulement visé à « assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger » ou à « préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci ». Malgré tout, des personnes ayant manifesté leur solidarité avec des étrangers sans titre de séjour continuent d'être inquiétées - convocations à la police ou à la gendarmerie, gardes à vue, perquisitions, écoutes téléphoniques- voire poursuivies et parfois punies d'amende et emprisonnement.
Dans le même temps, des poursuites ont commencé d'être menées sur la base de textes sans rapport avec l’immigration.
1 Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda), articles L.622-1 et suivants
-
Les
délits d’outrage, d’injure et de diffamation, de rébellion
ou violences à agent de la force publique sont utilisés pour
défendre l’administration et la police contre celles et ceux qui
critiquent leurs pratiques ;
-
Le
délit d’« entrave à la circulation d’un aéronef », qui
figure dans le code de l’aviation civile, permet de réprimer les
passagers qui, voyant des personnes ligotées et bâillonnées
dans un avion, protestent contre la violence des expulsions ;
-
La
réglementation qui sanctionne l’emploi d’un travailleur
étranger sans autorisation de travail a servi à inquiéter des
personnes qui, hébergeant des étrangers en situation
irrégulière, acceptent que leurs hôtes les aident à
effectuer des tâches domestiques.
Aujourd'hui,
les motifs des poursuites se diversifient toujours plus. Tandis que
les poursuites pour aide à l'entrée et au séjour ont repris de
plus belle, de nouveaux chefs d'accusation sont utilisés pour
condamner les actions solidaires :
-
La
réglementation en matière d'urbanisme a été invoquée à
Norrent-Fontes (Pas-de-Calais) pour demander la destruction d'abris
pour migrants ;
-
Des
textes sur l'hygiène ou la sécurité applicables à des locaux
ont servi à empêcher des hébergements solidaires à
St-Etienne ;
-
L'absence
de ceinture de sécurité et d'un siège pour une fillette à
bord d'un camion a permis la condamnation d'un aidant à Calais ;
-
L'intrusion
dans des zones particulières, interdites pour cause d'état
d'urgence, a été utilisée, à Calais également, pour
sanctionner le regard citoyen ;
-
Le
délit de faux et usage de faux est utilisé pour intimider des
personnes qui ont voulu attester de la présence depuis plus de 48h
de personnes dans un squat à Clichy ;
-
etc...
Et,
de plus en plus, le simple fait d'avoir voulu être témoin
d'opérations de police, d'expulsions de bidonvilles, de rafles,
peut conduire à une arrestation, sous couvert de rébellion ou de
violences à agent.
Ces
procédés d'intimidation doivent cesser. Nous affirmons la
légitimité du droit de regard des citoyens et des citoyennes sur
les pratiques de l’administration, de la justice ou de la police.
Nous voulons que soient encouragé·e·s celles et ceux qui se
montrent solidaires des personnes en situation de précarité sans
se soucier de savoir si elles sont ou non en situation régulière
quant au séjour. Nous refusons que les populations visées par des
politiques ou des pratiques xénophobes soient privées de soutien.
C'est l'avenir du principe même de solidarité qui est en jeu.