Communiqué
de l’Observatoire des libertés et du numérique (OLN)
Paris, le 24 mars 2015
Paris, le 24 mars 2015
Présentant
le projet de loi relatif au renseignement adopté en Conseil
des ministres ce 19 mars 2015, le Premier ministre a
fièrement assuré qu'il contenait « des moyens d’action
légaux mais pas de moyens d’exception ni de surveillance
généralisée des citoyens » !
Certes,
ce projet légalise des procédés d'investigation jusqu'à
présent occultes. Mais pour le reste, les assurances données
quant au respect des libertés relèvent d'une rhétorique
incantatoire et fallacieuse. Et, prétendant que ce projet de
loi fait l'objet d'un large consensus, le gouvernement
soumet l'examen du projet en procédure accélérée,
confisquant ainsi le débat parlementaire.
« Pas
de moyens d'exception » : sonoriser des espaces
privés, capter des images, accéder en temps réel aux données
de connexion Internet ou installer des dispositifs de
recueil des communications couvrant de larges périmètres de
l'espace public, suivant la technique du chalutier jetant
son filet pour faire le tri ensuite : voilà donc des
dispositifs qui ne constituent pas « des moyens
d'exception » ! Faudrait-il donc admettre qu'ils relèveront
dorénavant du quotidien le plus banal ?
« Pas
de surveillance généralisée des citoyens » : au
prétexte de la lutte légitime contre le terrorisme, le
projet déborde largement hors de ce cadre. Il prévoit que
les pouvoirs spéciaux de renseignement pourront être mis en
œuvre pour assurer, notamment, « la prévention des
violences collectives de nature à porter gravement
atteinte à la paix publique ». Au nom de la lutte
contre le terrorisme, ce sont donc aussi les mouvements de
contestation sociale qui pourront faire l'objet de cette
surveillance accrue. L'ensemble des citoyens constituera
ainsi la cible potentielle du contrôle, à rebours de ce qui
est affirmé.
Plus
grave, tout le dispositif est placé entre les mains de
l'exécutif évitant le contrôle par le juge judiciaire de
mesures pourtant gravement attentatoires aux libertés
individuelles qu'il est constitutionnellement chargé de
protéger.
La
vérification du respect des critères, particulièrement
flous, de mise en œuvre de ces pouvoirs d'investigation
exorbitants, est confiée à une commission qui fonctionne
selon une logique inversée : pour les autoriser, un seul
membre de la commission suffit, sauf en cas d'urgence, où
l'on s'en passe. Mais pour recommander d'y renoncer, la
majorité absolue des membres de la commission doit se
prononcer, l'exécutif demeurant en dernier ressort libre
d'autoriser la mesure. Et si la commission ne dit mot, elle
consent. L'atteinte à la liberté devient ainsi la règle, la
protection l'exception.
Ce
n'est qu'a posteriori, et seulement si le filtre de la
commission est passé, que des recours juridictionnels
pourront être formés, exclusivement devant le Conseil
d'Etat. Et, secret défense oblige, ils seront instruits sans
respect du contradictoire. Ils resteront illusoires
quoiqu'il en soit, puisque par définition, le plaignant doit
être dans l'ignorance des mesures de surveillance qui
peuvent le concerner.
Enfin,
vice majeur du dispositif, aucune limite n'est fixée pour
déterminer à quel moment et selon quels critères le régime
du renseignement relevant d'une police administrative
d'exception doit laisser place à une enquête judiciaire de
droit commun, avec les garanties qu'elle comporte pour ceux
qui en font l'objet. Le juge judiciaire pourrait donc
continuer ainsi de rester à l'écart d'investigations portant
sur des délits ou des crimes dont l'élucidation relève
pourtant de sa mission.
Ce
projet de loi installe un dispositif pérenne de contrôle
occulte des citoyens dont il confie au pouvoir exécutif un
usage quasi illimité. Il est à ce titre inacceptable. Seul
un véritable contrôle a priori de techniques de
renseignement proportionnées et visant un objectif
strictement défini relevant de la sécurité nationale,
restera respectueux des droits fondamentaux.
L’Observatoire
des libertés et du numérique appelle les citoyens et les
parlementaires à se mobiliser pour conduire ce projet vers
sa seule finalité légitime : mettre les dispositifs
d'encadrement de la surveillance et du renseignement en
adéquation avec les exigences de l'Etat de droit.