Le 18 janvier 1995, le
gouvernement Balladur décidait d'entraver la circulation des
personnes dans l'archipel des Comores en imposant un visa
d'entrée à Mayotte aux habitant·e·s des trois autres îles
comoriennes (Mohéli, Anjouan, Grande Comore). Ainsi
se concrétisait l'isolement de l'île de
Mayotte détachée vingt ans plus tôt de l’État indépendant de
l’Union des Comores à la suite d'une décision unilatérale
française contestée par les Nations unies.
Depuis des siècles, des
petites embarcations dénommées « kwassas » allaient d'une
île à l'autre tissant ainsi entre leurs populations
d’importants liens sociaux, familiaux et professionnels :
aucune frontière ne peut effacer de tels liens. Or, avec le
« visa Balladur » ces voisins comoriens sont devenus des
« étrangers » potentiellement
« clandestins » s'ils/elles persistent à circuler dans leur
archipel commun.
Depuis, par une véritable
militarisation du contrôle des frontières - navires armés,
radars, hélicoptères, etc. -, Mayotte est érigée en
forteresse hostile à la plupart des personnes cherchant à la
rejoindre : comorien·ne·s mais aussi malgaches ou exilé.e.s
originaires des pays de l’Afrique des grands lacs. Ce
dispositif n'a pas stoppé les déplacements ou les retours
consécutifs à une expulsion vers Mayotte, mais a eu pour
conséquence directe la mort en mer de milliers de
personnes.
Que ce soit dans l'archipel
des Comores ou dans l’espace méditerranéen, la politique
menée par la France et l’Union européenne poursuit le même
objectif : rendre les frontières toujours plus
infranchissables en livrant une véritable guerre aux
personnes déclarées indésirables au mépris des droits
fondamentaux. Les instruments et les effets de cette
politique à Mayotte sont moins connus mais largement
comparables à ceux observés en Méditerranée :
·
des moyens
policiers et militaires exceptionnels sont déployés ;
·
empêchées de
pénétrer sur le sol mahorais légalement, les personnes
migrantes sont contraintes d’emprunter des routes toujours
plus longues et dangereuses ;
·
poursuivies sur
terre ou au large de Mayotte, ces personnes sont victimes
d’une politique de harcèlement, d’enfermement et d’expulsion
massive[1] ;
·
une coopération
franco-comorienne déjà amorcée[2]
vise officiellement à « mettre un terme aux drames en mer
dans l’archipel » mais en fait à déléguer et
externaliser le contrôle des frontières à l’État comorien.
Un accord de « circulation », semblable à la dizaine
d’accords migratoires signés avec des États dits d’origine
et de transit, est en cours de négociation entre l’État
français et l’État comorien. Si l’Etat comorien le signe,
cela aura pour conséquences de renforcer l’assignation à
résidence d’une très large partie de la population
comorienne jugée indésirable à Mayotte.
Vingt ans après
l’instauration du visa « Balladur », les organisations
signataires ont décidé d’unir leurs forces au cours de
l'année 2015 pour que nul n'ignore les conséquences des
politiques anti-migratoires menées par la France et l’Union
européenne dans l'océan Indien : cette tentative de
transformer Mayotte en forteresse coupée de son
environnement économique et culturel est la cause d’une
véritable hécatombe silencieuse.
Abolissons le « visa
Balladur » !
Signataires :
Réseaux associatifs : Migreurop (réseau européen
et africain), MOM (Migrants Outre Mer), Sortir du
colonialisme.
Associations : AFASPA (Association
Française d’Amitié et de Solidarité avec les Peuples
d’Afrique), l’Amicale Panafricaine, ATF (Association des
Tunisiens en France), ATMF (Association des Travailleurs
Maghrébins de France), CCM (Conseil des Migrants au Maroc),
CDISCOM (Collectif de Défense de l'Intégrité et de la
Souveraineté des Comores), Comité Maoré, CSP 75
(Coordination des Sans Papiers 75), Emmaüs International,
FASTI (Fédération des Associations de Solidarité avec
Tou-te-s les Immigré-e-s), Femmes en Luth citoyennes à part
entière, FNC (Front Nouveau Citoyen) Mali, GAC (Guilde des
Artistes Comoriens), GISTI (Groupe d’Information et de
Soutien des Immigrés), GRITAC (Groupe de Réflexion pour
l'Intégrité Territoriale de l'Archipel des Comores), LDH
(Ligue des droits de l’Homme), Mémoires
vives/Memoria Viva , MRAP (Mouvement contre le Racisme et
pour l’Amitié entre les Peuples), Respaix Conscience
Musulmane, UJFP (Union Juive Française pour la Paix),
Village d’Eva.
Syndicat : Union syndicale Solidaires.
Partis politiques : Djawabu Ya Komori (parti
politique comorien), Ensemble (mouvement politique
français), Front Démocratique des Comores, MDA (Mouvement
Démocratique pour l'Avenir des Comores), NPA (Nouveau Parti
Anticapitaliste), PCF (Parti Communiste Français), Shuma
(parti politique comorien).