A Rennes,
le 23 décembre 2014
Madame,
Monsieur,
Elle
s'appelle Reine. C'est une femme nigériane âgée de 24 ans,
arrivée en France le 8 février 2010. Après bientôt 5 ans de
présence en France, elle s'est fait arrêter à Tours, lors d'un
banal contrôle en bus, pour défaut de titre de transport.
Elle
est placée en rétention au local de rétention de Tours, le
16/11/14, puis transférée à Rennes. Elle se retrouve, le 17
novembre 2014, enfermée au CRA de Rennes-Saint-Jacques.
Après
4 jours d'enfermement, elle a des douleurs au ventre et souffre de
saignements. Elle est hospitalisée quelques heures, puis ramenée au
CRA. Le médecin estime que "son état n'est pas incompatible
avec la rétention". Pourtant Reine ne va pas bien et présente
quelques troubles. La Cimade demande à ce qu'elle voit un
psychiatre, mais elle n'aura droit qu'à un entretien avec
l'infirmière du centre.
Reine
reçoit le soutien régulier de F., une visiteuse, qui lui apporte un
peu de réconfort et de nourriture car elle ne peut plus ingérer les
repas du centre, notamment le soir. Au 25e jour de rétention, alors
qu'elle doit être présentée pour la seconde fois devant le JLD,
Reine est réveillée brutalement, à 4h du matin, pour être
conduite à l'aéroport. Face à ses cris en montant dans l'avion,
l'escorte décide de la ramener à Rennes pour la présenter au juge.
Malgré le désespoir de la jeune femme, le JLD prononce une nouvelle
prolongation de 20 jours.
De
retour au CRA, Reine se retrouve seule face à ses angoisses.
Selon
le témoignage de la visiteuse, samedi 20 décembre, "vers 4h, sans avoir été invitée àse préparer a minima,
Reine a été entravée, pieds et mains, et n'a pu s'opposer à son
départ...Elle se retrouve au Nigéria, pays dangereux, seule, sans
argent, ne sachant pas où est sa famille ..."
Comment
peut-on , en notre nom à tous, infliger de tels traitements à un
être humain, et qui plus est, à une femme en danger à son retour
au Nigéria compte tenu de son histoire antérieure ?
Comme
de nombreuses femmes nigérianes, Reine fuyait un réseau
d'esclavagisme moderne qui l'obligeait à se prostituer pour
rembourser le passeur. Malgré ses craintes de représailles, elle
avait fini par se résoudre à dénoncer ses proxénètes en espérant
obtenir la protection de la France...
Il
faut rappeler qu'en avril 2013, Reine avait envoyé une plainte
écrite au procureur de la République de Tours pour dénoncer le
réseau organisé de proxénétisme (dont l'activité s'apparente à
une traite des êtres humains) qui avait organisé sa venue en France
et l'avait soumise à la prostitution à Bordeaux, plainte classée
sans suite par le Procureur de Tours...
Au
CRA de Rennes St-Jacques, Reine avait souhaité être entendue par
les services de police pour, à nouveau, dénoncer le réseau de
proxénétisme, demande non suivie d'effets !
Si
la plainte avait été classée sans suite en 2013, c'est que Reine
n'avait pu donner alors plus d'éléments suffisants aux forces de
police par peur des représailles. Par la suite, elle s'est
finalement résolue à aller plus loin dans la dénonciation du
réseau dont elle était victime, lorsqu'elle a été enfermée au
centre de rétention. Rien que pour cette raison, elle aurait dû
bénéficier du dispositif prévu dans la loi (CESEDA article L316-1
et R316-1) qui lui aurait permis d'être mise à l'abri durant 30
jours, afin de poursuivre sa démarche dans les meilleures conditions
possibles.
Au
lieu de cette protection que la France lui devait, les autorités
françaises ont décidé de l'expulser ! Un plan d'action national
contre la traite des êtres humains a pourtant été adopté en mai
2014 et cette lutte est une politique publique à part entière...
Nous
tenions à vous informer que nous sommes profondément révoltés par
cette expulsion que nous trouvons ignoble et cette politique
inhumaine rendue en notre nom et financée par nos impôts. Nous
continuerons de lutter contre cette politique migratoire basée sur
la suspicion et l'obsession sécuritaire au mépris des valeurs
humaines qui nous animent.
Signataires
: MRAP 35 ; RESF 35 ; CCFD -Terre solidaire 35 ; La Cimade Rennes /
Hendaye ; La Vie Nouvelle 35 ; Ensemble ! 35 ; Bienvenue 35 ! ;
Cercle de silence 35 ; Un toit, c'est un droit ; LDH Rennes/ Redon /
Paris ; Parti de Gauche 35.