mardi 27 mai 2014

Extrême droite: Rejoindre la LDH, c'est maintenant!

Communiqué LDH
Paris, le 27 mai 2014

Extrême droite :
construire des résistances au quotidien.
Rejoindre la LDH, c'est maintenant !


Si le résultat des élections des représentant-e-s français-e-s au Parlement européen n'est pas une surprise, la Ligue des droits de l'Homme ne peut que s'inquiéter de l'ampleur du vote d'extrême droite, que l'on mesure aux succès engrangés par les différentes formations xénophobes et/ou nationalistes dans différents pays européens.

Loin de rassembler les citoyen-ne-s d’Europe, l’Union européenne a généré lassitude et rejet. C'est ainsi que le poids considérable de l’abstention, scrutin après scrutin, s’installe au cœur de la vie politique et sociale de notre pays. Ce désengagement, fruit de désillusions, d’atermoiements et de promesses non tenues, se double de désespoir et crée une situation de grande fragilité démocratique.

Le fait qu’en France un votant sur quatre a choisi d’appuyer une thématique de repli national, opposée à toute construction européenne, ouvre un large champ à la multiplication de déclarations « antisystèmes », aussi démagogiques que toxiques, mais qui vont se réclamer de la souveraineté du peuple pour intervenir de façon provocatrice sur le terrain même de la préférence nationale, puisque tel est le but.

Faire face à cette résistible montée des idées d’extrême droite suppose des changements forts, lisibles et concrets. Il y a urgence. De ce point de vue, le double message envoyé par le Premier ministre puis par le président de la République au lendemain de l’élection consistant à affirmer, d’une part, que tout dépend de l’Europe, d’autre part, que l’on ne saurait adapter sa politique aux circonstances, n’est porteur ni d’espoir ni de perspectives.

La Ligue des droits de l’Homme appelle les Françaises et les Français, toutes celles et tous ceux qui résident, vivent et travaillent en France à s’opposer de façon résolue aux idées de repli national et de rejet de l’étranger. Elle appelle à combattre l’illusion dangereuse selon laquelle le fait de réduire le champ de l’égalité, de rejeter celui de la fraternité, de limiter celui de la liberté pourrait constituer en soi une solution aux défis posés au pays par la mondialisation financière.

La LDH partage la légitime émotion manifestée, en France et plus largement en Europe, par celles et ceux qui ne peuvent se résoudre à considérer qu'un bon résultat électoral signifie une victoire des idées de l'extrême droite. La LDH  entend poursuivre, inlassablement, le combat qu’elle mène de longue date pour toutes les libertés, contre les inégalités, contre les discriminations de toute nature. A cet égard, elle salue les mobilisations de la jeunesse et se félicite des coopérations civiques et militantes qui sont engagées au sein du mouvement associatif et du mouvement syndical, notamment dans le cadre de l’appel  « Toutes et tous pour un avenir solidaire ». 

La Ligue des droits de l'Homme en appelle au sursaut et à une résistance de longue haleine, qui implique qu'elle soit organisée. Rejoindre la LDH, c'est maintenant !

Cérémonie Ilona et Victor Basch



Cérémonie, le 22 mai 2014 au Lycée Hélène et Victor Basch, Rennes

Cérémonie organisée par le Lycée Hélène et Victor Basch, faisant suite à la pose de la plaque et à la commémoriation du 70e anniversaire de l'assassinat par la milice de Victor et Ilona Basch, organisée par la Section de Rennes de la Ligue des droits de l'Homme, le 10 janvier 2014. 

Une fresque a été dévoilée présentant au centre en noir et blanc, Ilona et Victor Basch avec en arrière plan Alfred Dreyfus. De part et d'autre, une évocation de divers droits. A gauche: droit à l'éducation et droit des femmes. A droite: droit à la différence et droit des minorités ethniques. 

Migrants: 160 "Cercles de silence" en France...





Dans quelque 160 villes de France, des Cercles de silence se forment tous les mois pour alerter, de manière non-violente, sur la réalité des Centres de rétention administrative (CRA), tel celui de Rennes-St-Jacques (bus 57, Parc des Expositions), où sont retenus des étrangers sans-papiers en attente d’expulsion. En Ille-et-Vilaine, plusieurs organismes (ACAT, Accueillir et Partager, Amitié entre les religions, Bienvenue !, CCFD, Cimade, Citoyens et chrétiens 35, Fraternités franciscaines, Ligue des droits de l’homme, Mouvement de la Paix, Secours catholique, Service civil international et Vie nouvelle) appellent à participer aux deux Cercles : à Saint-Malo, le mardi 3 juin, de 17h 30 à 18h 30, Porte Saint-Vincent ; à Rennes, le mercredi 4 juin, de 18h à 19h, Place de la Mairie.

Un site à consulter : http://cercle.silence.over-blog.com .

samedi 10 mai 2014

Bulletin mai-juin 2014

Bulletin
mai-juin 2014



La prochaine réunion mensuelle aura lieu le mardi 13 mai 2014de 18h à 19h30, dans les locaux de la FAL
45 rue du capitaine Maignan, à Rennes.
Elle sera précédée d'une réunion du bureau, à 17h30.
Tous les ligueurs y sont cordialement invités.


Ordre du jour de la prochaine réunion:

- Vie statutaire de la section
- Points sur les instances dans lesquelles nous siégeons
- Les projets d'action et actions en cours
- Le bilan des actions menées.
- Questions d'actualité

Au sommaire de cette édition:


  • Victor Bash, un engagement citoyen par Edmond Hervé
  • Le crime contre l'esprit par Louis Aragon
  • La chanson de Craonne
  • L'intervention de la section au Centre pénitentiaire des femmes de Rennes par Colette Cosnier et Malone Rolland
  • "Grand marché transatlantique": empêcher la régression des droits et le contournement de la démocratie, Communiqué LDH, Paris, le 5 mai 2014
  • Pour un avenir solidaire, appel du collectif Liberté, Égalité, Fraternité

Edito


A lire le sommaire ci-contre, on risque de penser que voilà un bulletin bien disparate, avec des textes sur des sujets entre lesquels le fil conducteur n’est guère apparent. Et pourtant, n'est-ce pas un reflet assez exact de quelques semaines de la vie d’une section de la Ligue ? Entre compte-rendus d'actions récentes et annonces d'actions à venir, entre questions locales et questions nationales, entre problèmes nationaux et internationaux. Mais derrière chacun de ces textes, chacune de ces actions, ce dont il est question, c’est toujours ce qui, d’une manière ou d’une autre, hier comme aujourd’hui, a été au cœur des préoccupations et des combats de la LdH, association généraliste : les droits de l’homme et le droit des peuples.
André Hélard






  Victor Basch, un engagement citoyen
Par Edmond Hervé, ancien ministre, sénateur d'Ille-et-Vilaine, maire honoraire de Rennes

Note: Nous publions ici la deuxième partie du texte d'Edmond Hervé, que nous remercions tout particulièrement pour sa précieuse contribution. La première partie est lisible dans le bulletin de la section LDH de Rennes de mars-avril 2014.

2. UNE DOUBLE FIDELITE.


Victor Basch a vécu l’affaire intellectuellement, psychologiquement, politique-ment, socialement, individuellement et collectivement : elle ne pouvait pas être du fait de ses causes et de ses enjeux un simple moment dans sa vie.
Son engagement militant demeurera au service de la justice et de la vérité : il le paiera de sa vie.
Socialiste, il s’inscrit dans la lignée de Jaurès que Blum prolongera. Ligueur, Président de 1926 à 1940, il ne dérogera jamais à son idéal et Madeleine Rebérioux vise juste en écrivant que l’Homme préférait la bataille à la victoire.
Il sera toujours là pour défendre le droit de chacun comme il sera là pour défendre les grandes causes des premières décennies du XXème siècle. Une conception philosophique l’y amène naturellement.

A. La diversité des causes.

Victor Basch prendra toujours parti dans les grands évènements qui lui sont contemporains. Pour lui la défense des droits de l’homme n’a pas de frontière : avec ses amis de la Ligue, il défend les droits individuels des personnes injustement condamnées.
Il fera campagne pour Francisco Ferrer à partir du 4 février 1907. Ce républicain, franc-maçon, libre penseur, libertaire catalan, vit exilé en France. De retour en Espagne, « le Père de l’école moderne » est arrêté à Barcelone en juin 1906. Sous l’inculpation de complicité dans un attentat contre le roi Alexandre XII, emprisonné pendant un an, il sera innocenté.
Victor Basch multiplie les conférences pour ce « Dreyfus espagnol » qui sera à nouveau arrêté, condamné à mort le 9 octobre 1909 puis fusillé le 13. La Ligue prendra la défense de Sacco et Vanzetti. Elle continuera de combattre l’existence des conseils de guerre « juridiction de classe, de caste, de coterie, de secte ». La Ligue va œuvrer pour une réforme de la justice, mettant en avant l’indépendance, le recrutement par concours, l’assistance et la gratuité judiciaires. Elle s’oppose à la peine de mort, aux arrestations policières arbitraires, aux refus de naturalisation des étrangers. Elle sera un véritable « Ministère de la justice ». Victor Basch soutiendra ces grandes lois libérales de la IIIème République sur la liberté d’association (1901), la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Avocat de la laïcité, il plaidera la cause de l’école unique.
C’est au nom du droit que Victor Basch, au sortir de la guerre, prendra la défense de Malvy et de Caillaux. Regrettant la timidité de la Ligue à leur égard, il démissionnera de ses responsabilités.
La Ligue ne cessera jamais de défendre des droits mais elle cherchera toujours à les élargir et à les approfondir : elle se saisit de l’injustice juridique, de l’injustice fiscale, politique et sociale.
Avocat de cette cause, Victor Basch déclare en 1909 « Tant qu’il y aurait une seule victime de l’inégalité sociale…l’Affaire Dreyfus ne sera pas close. » Il veut faire de l’ouvrier un « être noble, raisonnable, pur ». Son émancipation ne peut se faire par la violence. Nous retrouvons là tout le réformisme jauréssien auquel se référait le 1er juin 1902 le ligueur Ferdinand Buisson, futur Président de la Ligue, déclarant : « Il y a, citoyens, une affaire Dreyfus partout où il y a un ouvrier qui souffre, un enfant sans instruction, un travailleur sans défense, un vieillard sans asile. » Droit des fonctionnaires (Francis de Pressencé – 1906 « Les fonctionnaires…trouveront à la Ligue des droits de l’Homme le concours moral et judiciaire le plus actif et le plus dévoué. »), droit des pêcheurs, droit de grève…voilà de nouveaux fronts pour Victor Basch, tout comme le droit de vote des femmes. L’égalité homme-femme figure dans le programme de la Ligue de 1909, le droit de vote dans celui de 1926. En vérité, la Ligue opte pour une participation progressive, prudente, expérimentale à partir des élections municipales. Nous retrouvons un argument classique : si les femmes sont porteuses de vie, « la brusque attribution du droit de suffrage aux femmes pourrait faire courir un grave péril à nos institutions ». De plus, Victor Basch craignant l’hostilité du Sénat a cet élargissement du corps électoral, suggère qu’elles ne participent pas aux élections sénatoriales.
Les femmes de la Ligue contestent cette prise de position condescendante et paternaliste.
Hostile à la loi portant à trois ans la durée du service militaire (qu’il estime plagier l’Allemagne), il plaide pour une armée démocratique, populaire, défensive : ce sont là des idées qui structurent l’essai de Jean Jaurès L’ armée nouvelle.
A partir des années 20, la défense des juifs de Roumanie, d’Ukraine, de Lituanie, de Russie, de Hongrie, d’Allemagne mobilise celui qui va présider la Ligue.
Cette défense s’accompagne de démarches de solidarité à l’égard des persécutés et des réfugiés qui sont en difficulté à Paris. L’atmosphère à Paris se tend avec l’extrême droite. Victor Basch est pris entre la fidélité à son pays et son intégrité : il lui sera toujours reproché d’être juif, hongrois, naturalisé, socialiste.
Dans les années 26-30 le fascisme sera la préoccupation majeure de la Ligue et de Victor Basch qui va multiplier les voyages en Allemagne, en Italie et en Espagne. Avec beaucoup de lucidité, de courage et d’anticipation, Victor Basch va dénoncer les camps de concentration en Allemagne.
Dans un article de La Volonté du 2 juillet 1933, il rappelle que les camps de concentration en Allemagne « comptent déjà 60 000 emmurés…lentement mais sûrement les juifs allemands sont condamnés ou bien à la fuite ou bien à l’asphyxie. Le maître de l’Allemagne ce n’est plus ni Goethe, ni Schiller, ni Kant, ni Beethoven, c’est le Marquis de Sade ».
Le 7 mai 1933 il sait que dans le camp de Dachau, il y a une majorité d’aryens et non de juifs.
En se mobilisant pour ces causes, Victor Basch et la Ligue militent pour la démocratie et la paix.

B. Deux causes essentielles : la démocratie et la paix.

La Ligue et Victor Basch vont soutenir l’union sacrée en 1914 contre l’Allemagne. En 1917 pour faire face à la dépense de guerre, la Ligue se prononce pour l’impôt direct considéré comme juste, efficace et justifié.
Germanophile, adepte de la paix, Victor Basch justifie l’entrée dans l’union sacrée en rédigeant, début 1915 un texte sur les origines de la guerre de 1914.
Il pose comme principes, le droit à la vie, la paix par le droit, l’arbitrage international, l’hostilité aux militaires allemands et l’amour pour le peuple allemand.
L’origine de la guerre ? La volonté de puissance et l’intransigeance de l’Autriche vis-à-vis de la Serbie, le refus de la médiation, la volonté d’agression de l’Allemagne contre une France pacifique, la rivalité de la Russie et de l’Autriche dans les Balkans.
Il critique la volonté de puissance allemande, sa crainte d’encerclement, le militarisme allemand. Il écarte la responsabilité des philosophes allemands totalement étrangers à la folie pangermanique. Victor Basch n’épargne pas la social-démocratie allemande qui a voté les crédits militaires, ne dispose pas de base démocratique, a profité de la rapidité des progrès économiques, industriels sans chercher à bénéficier d’une expérience parlementaire qui n’est ici que de façade : l’empereur décide. L’Allemagne a un siècle de retard par rapport aux démocrates libérales de l’Ouest.
L’élite allemande a accepté le mensonge nationaliste. Conclusion de Victor Basch : pour mettre fin à la guerre, il faut la guerre, pour retrouver « la culture allemande », « le peuple allemand » et en terminer avec « la nation guerrière ».
De novembre 1915 à mars 1916, Victor Basch est en mission en Amérique pour convaincre Washington d’entrer en guerre contre l’Allemagne, aux côtés de la France, de la Grande-Bretagne…et de la Russie. Comment convaincre le gouvernement américain, les juifs d’Amérique d’entrer dans une telle alliance alors que la Russie pourchasse les juifs ? Il rappelle l’antisémitisme allemand et promet le soutien à la cause sioniste.
Tout en étant favorable à la guerre, Victor Basch s’opposera aux clauses du Traité de Versailles. Il soutiendra les grands accords internationaux (Plan Dawes (1924), Pacte de Locarno (1925), Plan Young (1930) : traitent de la dette allemande et des frontières entre la France, l’Allemagne et la Belgique) tout en regrettant les imperfections de la SDN.
Hostile à l’occupation de la Ruhr, il reconnait que la France a droit à des réparations mais elle ne doit pas humilier. C’est alors que l’on retrouve le fond de la pensée de Victor Basch : nos deux peuples doivent se réconcilier.
Il va s’investir dans un dialogue entre les deux ligues française et allemande.Ses deux responsables font une série de conférences en France et en Allemagne. Le 11 juin 1922 une grande manifestation commune présidée par Albert Einstein a lieu à Berlin, au Reichstag : il est décidé de jeter un pont entre nos deux pays, de régler le problème des réparations, de désarmer et de faire entrer l’Allemagne à la SDN. Le 10 août 1923, Helmut Von Gerlach reprendra ces thèmes. Il en appelle au soutien de la démocratie contre la réaction.
La droite allemande ne goûte guère les discours de Victor Basch : elle projette de le kidnapper. Ses réunions de Stuttgart et de Nuremberg sont interdites. Il ne peut parler à Postdam que sous la protection de 200 militants. Lors d’un discours il dira préférer les philosophes allemands à la soldatesque germanique.
Ce discours rencontre l’adversité tant en France qu’en Allemagne. Victor Basch ne désarme pas : il défend le Professeur Quidde pacifiste modéré, incarcéré par le gouvernement bavarois pour un article jugé subversif. Von Gerlach sera accusé de haute trahison.
Le 5 mai 1925 les deux ligues rédigent un appel commun mais nos deux pays prennent des directions opposées.
Et pourtant Victor Basch continue d’espérer. En 1925 il est à Berlin, Hambourg, Leipzig. En 1930 il retourne à Berlin, se retrouve à Bratislava, à Prague, à Vienne. Il suit de très près la situation allemande grâce à son ami Von Gerlach. Très lucide : « on ne compose pas avec Hitler ».
Et pourtant il soutiendra les accords de Munich (septembre 1938) comme il se rangera – déchiré « par amour excessif de la paix » - aux côtés de Léon Blum dans sa politique de non intervention en Espagne. Victor Basch n’a pas ménagé sa peine en allant soutenir les
républicains espagnols en Espagne et à Londres (1936-1937). Pendant toute cette période, la présidence de Victor Basch ne fut pas aisée. Il eu contre lui un courant pacifiste, anarchiste (minoritaire) qui défendait la thèse de la paix entre les démocraties et les états fascistes, prônant la collaboration économique et le désarmement « conditions réelles de la sécurité collective ».
Une telle doctrine ne pouvait que désespérer Victor Basch, lui qui, à titre personnel, s’était lancé dans la constitution du Front Populaire, précisément pour vaincre le fascisme. Rappelons brièvement les circonstances de cet investissement.
Le 6 février 1934, l’extrême droite et ses mouvements manifestent violemment contre le Palais Bourbon. On y retrouve l’action française, les croix de feu, des anciens combattants, les Camelots du roi, les jeunesses patriotes, la solidarité française. Les slogans sont bien connus « La France aux Français » « les politiciens pourris » « A bas les voleurs ». Complot ? Emeute ? Tentative de coup d’état ? Il y eu 17 morts, 2329 blessés.
La CGT lance un ordre de grève générale pour le 12 février : la Ligue appelle à manifester « contre tous les fascistes : probité – liberté. »
Victor Basch jouera un rôle déterminant dans le regroupement dans ce « rassemblement populaire » qui allait donner le Front Populaire.
Le 18 janvier 1935, il préside un meeting d’union. Le 14 juillet 1935, le serment du rassemblement populaire est prêté au Vélodrome Buffalo (à Montrouge) devant 8000 délégués. Présidence de Victor Basch ; c’est un énorme succès.Le Comité du Rassemblement Populaire (comprenant quatre partis politiques, deux confédérations syndicales, quatre organisations dont la Ligue des droits de l’homme) siège à la Ligue, laquelle va jouer un rôle conciliateur.
Au cours de ces années, la Ligue commettra une erreur mais avait-elle les moyens de l’éviter ?
Il s’agit des procès de Moscou (août 1936-septembre 1937). La Ligue croit à la valeur probatoire des aveux et donc à la culpabilité des accusés : 27 responsables communistes (dont Kamenev et Zinoviev) sont exécutés, coupables de trotskysme et de complicité nazie avec Himmler ; Victor Basch émettra des doutes sur leur culpabilité mais ne se désolidarisera pas de la majorité de la Ligue qui approuve par 1088 voix contre 218. Il est très vraisemblable que le soutien soviétique aux républicains espagnols explique ce vote.

C. Les fidélités personnelles de Victor Basch.

Elles sont étroitement liées quoique différentes : Victor Basch sera fidèle à sa personnalité juive et à ses premiers compagnonnages philosophiques.

Fidélité à la personnalité juive.
« Le regard des autres peut vous imputer une identité mais la ressentir, de manière positive, au plus profond de soi-même est une autre chose » : Victor Basch s’exprime par expérience et sans surprise nous retrouvons « l’Affaire » : « je sentais obscurément que l’on me rendait solidaire de son prétendu crime ».
Bernard Lazare ne dira pas autre chose : « Je me suis réveillé juif et j’ignorais ce qu’était un juif ».
Dans une lettre à Marius Moutet de 1924, il explicite son judaïsme. D’emblée il cite sa mère « passionnément attachée au judaïsme » mais qui n’avait besoin d’aucune pratique religieuse pour exprimer les effusions de son idéal.
Il se savait né juif, bénéficiaire d’une instruction religieuse mais hors de toute pratique. Ses études philosophiques l’amènent au rationalisme « qui excluait toute intervention miraculeuse. Je croyais, je crois encore, à une marche de l’Univers vers la justice, la beauté, la lumière et partant à un Dieu qui se réalise dans l’âme des hommes. » L’affaire réveille son judaïsme : « Il m’eut paru méprisable de proclamer, alors que les persécutions allaient de nouveau s’abattre sur les coreligionnaires, que j’étais entièrement détaché de leur foi. » A la source de sa judéité, nous trouvons l’injustice, la souffrance, « la longue chaine des persécutions » passées, présentes ou menaçantes. De cette « solidarité sentimentale », de cette proximité naît une résolution : les défendre, en faire des hommes libres. C’est pour lui une question d’honneur et il donne à sa résolution une dimension universelle.
De la judéité, de « son judaïsme », il va passer au sionisme, au sionisme particulier de Victor Basch.
Il termine sa lettre à Marius Moutet : « Tant qu’il y aura un juif injustement persécuté, lâchement insulté et raillé, je me lèverai et me proclamerai son frère. »

Telle est sa judéité, inséparable de son humanité. En 1933, il écrira : « Je ne plaide pas ici pour une religion, pour une race, un peuple, un parti mais Homme, je plaide pour les Hommes ».
Lors du procès de 1899, Victor Basch rencontre à Rennes Théodore Herzl et se souvient d’une conversation : « Puisque – me dit Théodore Herzl – un procès de Rennes dans un pays le plus affranchi du monde, dans la patrie même de la Révolution, une affaire Dreyfus est possible, il faut que les juifs tentent de créer une patrie. »
Avocat des droits de l’homme, reconnaissant le principe de citoyenneté, pourfendeur du racisme, de l’antisémitisme, Victor Basch partagera l’idée d’Herzl qui constitue une rupture car depuis la Révolution, le juif se considère comme un citoyen français, pratique l’assimilation citoyenne. Il a à cœur d’être citoyen et patriote. C’est le choix de la communauté juive de Paris, communauté ancienne. Il correspond à l’opinion républicaine et les socialistes sont convaincus que l’antisémitisme disparaîtra avec le socialisme. Toute autre conduite que l’assimilation est un détournement préjudiciable à la Révolution.
Mais voici qu’à partir des années 80 l’antisémitisme va se développer : de nouveaux juifs arrivent à Paris, victimes de persécutions. Parallèlement le bouleversement de l’économie, l’exode rural, créent des tensions sur fond d’exploitations ouvrières, de xénophobie, d’antisémitisme. En 1882, se tient à Dresde le 1er congrès antisémite international : 30 délégations nationales s’y rendront. La Russie, l’Allemagne seront particulièrement concernées par cette forme de xénophobie.
Une autre voie va se dessiner pour assurer sa judéité.
A côté de la voie de la communauté juive de Paris (assimilation, référence à la Révolution de 1789, à la citoyenneté, à la Patrie, à l’amour de la patrie, de l’école) qui renonce à l’idée d’une nation juive, même dispersée et qui ne se réfère plus qu’à une confession religieuse (pratiquée parfois avec beaucoup de distance) il existe une autre voie. Elle est le fait d’une immigration d’Europe orientale récente, victime de la répression, des pogroms.
Ces nouveaux arrivants optent pour l’idéal d’une Nation juive imprégnée d’idéal socialiste.
Victor Basch tout en étant attaché à la citoyenneté française, à ce pays devenu le sien, adhère intellectuellement à cette thèse. Il s'exprimera en ce sens lors d'une conférence à l'Université Populaire Juive le 13 décembre 1908, conférence présidée par...Max Nordau.
Il ne fait pas du sionisme une histoire personnelle mais une cause à défendre : disposer d'un territoire juif, c'est une garantie de liberté et de droit. Il y voyait une facilité : il pensait qu'il serait plus aisé d'installer quelques milliers de juifs en Palestine que de changer de société.
Cette conception était également pour Victor Basch une manière de « vivre orgueilleusement sa condition de juif ». Ce qu'il ne cessera lui-même de faire à partir du moment où on lui lancera des pierres.
Sioniste intellectuel modéré, il plaidera en 1927 la cause d'une « confédération palestinienne » regroupant les trois religions : musulmane, juive et chrétienne. Il a pris conscience de la résistance arabe et de la question des lieux saints. Avec la montée des dictatures, Victor Basch ne sera plus présent sur la scène sioniste d'autant plus qu'elle est occupée par une nouvelle génération.

Il est accaparé par l'universalisme : si l'antisémitisme reste le fil conducteur de cet universalisme il ne le proclame pas au nom du judaïsme mais au nom des valeurs de la Révolution Française et de la philosophie allemande classique, dont la dette envers les Hommes de cette Révolution reste, selon Victor Basch, immense.

Fidélité à la philosophie allemande classique.
Cette philosophie a pour chef de file Kant. Etudiant,  enseignant,  chercheur,  essayiste,  militant...Victor  Basch  lui  restera  toujours attaché et le cite comme étant à l'origine de son engagement socialiste.
Emmanuel Kant a une vision anthropologique de l'homme, elle retrace ses évolutions et donc le progrès.
Au départ nous trouvons l'état de nature avec la lutte des personnes, leurs rivalités, ambitions, égoïsmes, cupidité. Qu'est l'Histoire sinon l'éducation du genre humain : l'Homme part du mal pour arriver au bien grâce à l'avancée de la raison, de la culture (avec la part des arts, de la science, des relations, de la morale, de la religion, de l'éducation).
Ce cheminement amène à un état de paix, de sûreté et finalement à la Société des Nations.
Cet Etat garantit la liberté, l'égalité des droits pour tous : ni maître ni serf. Il est une création des citoyens, ces législateurs qui se donnent une « constitution conforme à cette essence [qui] est celle où la création des lois appartient à une représentation nationale, leur exécution à un pouvoir exécutif et leur application au pouvoir administratif et judiciaire. »
Kant reprend à son compte la séparation des pouvoirs et fait du pouvoir législatif un « pouvoir suprême » appartenant à l'ensemble des citoyens. Cet  Etat  n'a de sens  que si  l'histoire de l'espèce humaine  réalise ce  dessein  secret  à la Providence pour produire une constitution parfaite dans tous les Etats.
C'est le projet de paix perpétuelle de Kant « Charte suprême de l'Humanité ». Cet Etat n'est pas un territoire que l'on s'approprie « c'est une société d'homme dont personne si ce n'est elle-même n'a le droit de disposer. »
Au nom de la paix les armées doivent disparaître : la garantie de la paix perpétuelle réside dans la constitution républicaine de chaque Etat.
Idéalisme ? Oui mais Victor Basch trouve également chez Kant des preuves de réalisme. Kant n'écarte pas la guerre. Elle peut devenir inéluctable s'il y a absence de concert des états, si l'un atteint la souveraineté de l'autre, si la force de l'ambition, de la cupidité, de l'esprit de domination de « ceux qui détiennent le pouvoir » l'emportent.
Victor Basch, citant la guerre dans la philosophie de Kant, a conscience d'aller à contre courant :  « voilà  qui  dépasse  l'imaginaire ».  Et  pourtant  c'est  au  nom  de  son  idéal qu'Emmanuel Kant affirme : la guerre peut être une étape pour parvenir à la justice, à la liberté, à la paix.
Conclusion de Victor Basch : « Kant est et reste l'ennemi irréconciliable de la guerre, est et reste l'apôtre fervent de la paix. »
Il n’en restera pas à Kant en publiant son essai sur les Doctrines politiques des philosophes classiques (1927). Victor Basch fait œuvre de conscience. Il entend démontrer que ces philosophes servent la liberté et non la servitude. Aussi, en est-il de Hegel, pour qui la moralité suprême de l’Etat reste la réalisation de la liberté. Sa morale est une morale sociale et non individuelle, une morale du Bien, non pas d’un être mais de la société. Si pour Platon, l’Etat antique nie la liberté subjective, prend l’homme à sa naissance, le surveille, lui impose, lui interdit tout, pour Hegel « il n’est pas vrai que la volonté de l’individu doive être sacrifiée à celle de l’Etat. » C’est l’Etat qui permet à la volonté subjective d’exister car il est « la condition unique de la réalisation des fins et du bonheur des individus. » Comme Kant, Hegel n’écarte pas la guerre : les traités doivent régler le désaccord entre deux états. Si la voie diplomatique échoue, la guerre peut être le recours, un « ultima ratio ». Conclusion de Victor Basch : Hegel, soutien de Napoléon en Allemagne, admirateur de Descartes, de la Révolution de 1789, Hegel ne peut être « le support de la réaction et l’apôtre du pangermanisme impérialiste et belliciste ». Leibnitz ? Il « a assimilé comme fin dernière à la civilisation, l’établissement de la Paix perpétuelle. »
De Fichte, Victor Basch dira que pour lui la République est une forme rationnelle de toute constitution : « Il a été l’homme de la Révolution, de la levée en masse, de la nation armée, un patriote comme l’ont été les géants de 1793 ou un jacobin mystique. »
Selon lui, les philosophes classiques allemands plaident toujours pour un compromis entre la personne et la société, l’Etat.
En chaque personne existe des droits inaliénables, les mêmes pour tous (apport du christianisme). Cette valeur ne peut se déployer  « qu’à l’intérieur  d’une société ».  Cette société ne peut être contraignante que s’il y a consentement, que si les revendications de l’individu et les lois de la société et de l’Etat coïncident.
Lucide,   Victor   Basch   écrira   en   conclusion   de   son   essai   sur   Max   Stirner (L’individualisme   anarchiste :  Max  Stirner,  1904) :  « ni  l’égalitarisme  extrême,  ni l’aristocratisme extrême n’est la vérité, la réalité n’admet rien d’extrême : sa  complexité infinie  répugne  à  tout  simplisme. »  « La  société  nouvelle  aura  pour  tâche  dernière  de conduire tous les hommes vers ces hauteurs qui jusqu’à présent n’étaient  accessibles qu’à quelques privilégiés…elle voudra faire de tous les hommes…des aristocrates véritables, c’est à dire des êtres nobles, purs et bons. » 



  Le crime contre l’esprit
Par Louis Aragon


Ecrit "à chaud" très peu de temps après l'assassinat des Basch, ce texte d'Aragon fut publié en 1944 aux Editions de Minuit dans Le Crime contre l'esprit, puis repris en 1946 dans L'Homme communiste (Gallimard), au chapitre intitulé "Le témoin des martyrs". 

Dans le petit logement de la Grande Rue Saint-Clair, à Lyon, le 10 janvier 1944 les hommes de Darnand sont entrés. Combien étaient-ils ? Que dirent-ils ? Il n’y eut de témoins de la scène que les deux vieillards : lui, 80 ans, venait de subir une opération douloureuse et sorti depuis peu de la clinique, il devait y retourner quelques jours plus tard pour des applications de rayons X., elle, 80 ans aussi, la compagne de toute sa vie. Suivant l’atroce expression des gangsters, ils les ont « emmenés en promenade ». Il devait y avoir la voiture en bas. C’est dans un champ à la campagne qu’on les a retrouvés. […] On voudrait ne pas imaginer la scène. Ils ont laissé sur leurs victimes un bout de papier, la signature des tueurs de la Milice, de ce qu’ils ont la perversion d’appeler l’organisation « contre » le terrorisme. 



Les violoncelles se sont mariés à la lecture du texte lors de la journée 
d'hommage au lycée Victor et Hélène Basch du 10 janvier 2014.


Ainsi sont morts le Professeur Victor Basch et Madame Victor Basch. Il avait pendant de longues années tenu la chaire d’esthétique à la Sorbonne. […] Ses travaux sur le romantisme, ses écrits sur la musique ont nourri des générations françaises. Il avait été l’un des hommes qui ont le mieux fait connaître en France la culture allemande. Il n’avait pas été que cela. Il avait été un homme prodigue de ses heures et de son travail chaque fois qu’étaient en jeu ces idées généreuses qui sont attachées au renom de notre patrie. Depuis l’affaire Dreyfus, où comme Péguy, estimant qu’il suffit d’une seule injustice pour déshonorer un peuple, il s’était fait l’apôtre de la vérité, il n’y a pas une grande cause historique à quoi son nom n’ait été attaché. Jamais on n’aura vainement fait appel à lui. Résumer cette action serait récrire l’histoire du siècle. Qu’on se rappelle seulement son action inlassable pour les émigrés politiques, chassés de chez eux par les tyrannies, et surtout son action pour les victimes du fascisme hitlérien […], son dévouement à la cause des républicains espagnols. On se souviendra qu’aux heures de la bataille de Madrid, […] il n’hésita pas à se rendre en avion dans la ville assiégée pour y parler au nom de la France à ses héroïques défenseurs (1)

C'est cela, sans nul doute, qui l’a fait désigner par Hitler à son lieutenant de Waffen SS Darnand, c’est cela qui a fait que des tueurs nés français sont venus à  Saint-Clair abattre ce vieillard et sa femme. Naguère encore la police de Vichy hésitait à opérer elle-même, elle livrait ceux qu’elle marquait pour la mort aux fusils allemands. C’était la sinistre comédie des otages. Aujourd’hui la bête enragée, qui sent sa mort prochaine, ne s’embarrasse plus de ces détours. Darnand a pris les responsabilités que maquillait Pucheu, mais au-dessus de l’un comme au-dessus de l’autre, il y a toujours Pétain. Ce Pétain trop de fois excusé pour ses cheveux blancs, ce Pétain dont demain l’âge sera peut-être invoqué pour le soustraire à la justice. Mais alors, ô Maréchal de France, nous nous souviendrons des 80 ans de Victor Basch, et de la sauvagerie de vos émissaires, et de ce couple pitoyable et magnifique qui tomba à la fin d’une longue vie de dévouement, d’amour, de fidélité. De ce couple qui tombe pour la France et dans le dernier regard échangé duquel passe tout ce qui fait la grandeur de notre pays, ce que les tueurs professionnels ne peuvent atteindre.
Car Victor Basch et sa femme mourant, le monde entier salue en eux la France généreuse. Et celle-là, Monsieur le Maréchal, vous n’arriverez pas à l’assassiner.

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(1) Cf. « Au peuple espagnol. Allocution du 17 novembre 1936, prononcée, enregistrée et diffusée en Espagne »,  Cahiers des Droits de l’Homme, 15 décembre 1936 : « Il est allé à Alicante, Valence, Barcelone, et au nom de la LDH, du Rassemblement populaire et du Comité de coordination pour l’aide au peuple espagnol, il a lancé un appel qui, reproduit sur disques, a été diffusé dans toute l’Espagne. »




La chanson de Craonne


Après la conférence du 31 mars 2014 de Philippe Olivera et la publication des textes de Nicolas Offenstadt (bulletin de mars-avril) et d'Yves Tréger (bulletin de janvier-février) sur la Première Guerre mondiale, nous avons choisi de publier la chanson de Craonne. 
Le CRID 14-18 a publié un dossier sur cette chanson intitulé "C'est à Craonne, sur le plateau..." accessible sur leur site web: 
http://crid1418.org/doc/pedago/dossier_cdd_loez_05.pdf 



« Lieu sacré, Craonne fut au printemps 1917 le coeur ensanglanté de la Première guerre mondiale. (…) Certains de ces soldats, épuisés par des attaques condamnées à l'avance, glissant dans une boue trempée de sang, plongés dans un désespoir sans fond, refusèrent d'être des sacrifiés. Que ces soldats, « fusillés pour l'exemple », au nom d'une discipline dont la rigueur n'avait d'égale que la dureté des combats, réintègrent aujourd'hui, pleinement, notre mémoire collective nationale. (…) Gardons constamment présent à l’esprit, pour respecter le sang versé, pour saluer le labeur des survivants, le message de paix qu’ils nous laissent. » Lionel Jospin, premier ministre, discours prononcé à Craonne le 5 novembre 1998. 


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Une tranchée dans les ruines de Craonne (juin 1917).


Quand au bout d’huit jours, le repos terminé,
On va reprendre les tranchées, 
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile.
Mais c’est bien fini, on en a assez, 
Personn’ ne veut plus marcher,
Et le cœur bien gros, comm’ dans un sanglot 
On dit adieu aux civelots.
Même sans tambour, même sans trompette, 
On s’en va là haut en baissant la tête… 

Refrain :
Adieu la vie, adieu l’amour,
Adieu toutes les femmes.
C’est bien fini, c’est pour toujours,
De cette guerre infâme.
C’est à Craonne, sur le plateau,
Qu’on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés,
C'est nous les sacrifiés ! 

Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance, 
Pourtant on a l’espérance 
Que ce soir viendra la r'lève 
Que nous attendons sans trêve. 
Soudain, dans la nuit et dans le silence, 
On voit quelqu’un qui s’avance, 
C’est un officier de chasseurs à pied, 
Qui vient pour nous remplacer. 
Doucement dans l’ombre, sous la pluie qui tombe,
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes… (au refrain) 

C’est malheureux d’voir sur les grands boul’vards 
Tous ces gros qui font leur foire ; 
Si pour eux la vie est rose, 
Pour nous c’est pas la mêm’ chose. 
Au lieu de s’cacher, tous ces embusqués, 
F’raient mieux d’monter aux tranchées 
Pour défendr’ leurs biens, car nous n’avons rien, 
Nous autr’s, les pauvr’s purotins. 
Tous les camarades sont enterrés là, 
Pour défendr’ les biens de ces messieurs-là. (au refrain) 

Ceux qu’ont l’pognon, ceux-là r’viendront, 
Car c’est pour eux qu’on crève. 
Mais c’est fini, car les troufions 
Vont tous se mettre en grève. 
Ce s’ra votre tour, messieurs les gros, 
De monter sur l’plateau, 
Car si vous voulez faire la guerre, 
Payez-la de votre peau !  



 L’intervention au Centre pénitentiaire des femmes de Rennes
Par Colette Cosnier et Malone Rolland

Le 2 avril 2014 Annie Clénet, Colette Cosnier et Malone Rolland étaient invités à intervenir au Centre pénitentiaire des femmes de Rennes, où la Ligue de l'enseignement organisait des activités sur un mois pour faire suite à la journée  internationale de la femme du 8 mars. 


 L’histoire du droit des femmes en France à partir de 1944
Par Malone Rolland


Des droits fondamentaux particuliers :

1944 : Par une ordonnance du 21 avril, signée du général de Gaulle, qui a alors les pleins pouvoirs, " les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes. Leur effort de guerre durant la première Guerre Mondiale ne s'était pas suivi d'avancées, voilà enfin un droit fondamental qui leur est reconnu.

1946 : Le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines est inscrit dans le préambule de la Constitution : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ».


Des françaises participant à l'effort de guerre en 1917, National Geographic Magazine, (1917), page 322.

Par la suite : 
1999 : Le 8 juillet, une révision constitutionnelle ajoute à l’article 3 de la Constitution de 1958 la disposition suivante : « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives » et prévoit que les partis doivent « contribuer à la mise en oeuvre » de ce principe (art.4).

2008 : une nouvelle réforme constitutionnelle complète l’article 1er de la Constitution : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. »

Des droits inscrits dans la loi :

1965 : La loi du 13 juillet modifie le régime légal du mariage du couple se mariant sans contrat : les femmes peuvent gérer leurs biens propres et exercer une activité professionnelle sans le consentement de leur mari.

La loi introduit la communauté réduite aux acquêts, qui devient le régime légal en l'absence de contrat de mariage. Le régime prévoit que chaque époux conserve la faculté d'administrer les biens qui lui étaient propres avant le mariage, ainsi que ses revenus personnels. La communauté de biens se limite aux biens acquis durant le mariage. 
La loi établit l'égalité des époux dans la gestion des biens. Cependant le mari demeure administrateur de la communauté de biens. Il doit rendre compte de la gestion de ces biens à son épouse qui peut, par décision judiciaire sur motif de défaillance, se substituer à lui. Les décisions les plus importantes doivent être prises avec l'autorisation des deux conjoints : les achats à à crédit, la vente ou l'hypothèque du domicile conjugal. 
Enfin, la réforme de 1965 rend effective la capacité juridique de la femme mariée. Elle peut ouvrir un compte en banque en son nom, et n'a pas besoin de l'autorisation de son mari pour exercer une profession.

1966 : Interdiction de licencier une femme enceinte ou en congé de maternité.

Avant le congé de maternité 
Dès lors que l'employeur a connaissance de l'état de grossesse d'une salariée, il ne peut pas la licencier, sauf s'il justifie : soit d'une faute grave de la salariée, à condition qu'elle ne soit pas liée à l'état de grossesse, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse (…).

Pendant le congé de maternité 
Pendant le congé de maternité, la salariée bénéficie d'une protection absolue (même en cas de faute grave ou licenciement économique, notamment). Ainsi, le licenciement ne peut ni être notifié à la salariée pendant le congé, ni prendre effet pendant le congé, même s'il a été notifié avant le début du congé. (...)

À l'issue du congé de maternité 
Pendant les 4 semaines qui suivent l'expiration du congé de maternité, la protection prévue avant le début du congé est de nouveau applicable (1)

1967 : Loi Neuwirth du 28 décembre : la contraception est autorisée. La publicité, interdite par la loi de 1920, n’est toujours pas autorisée en dehors des revues médicales.

1970 : La loi relative à l’autorité parentale conjointe supprime la notion de " chef de famille " du Code civil. 

Aujourd'hui : L'Assemblée nationale a adopté, tard dans la soirée du mardi 21 janvier 2014, un amendement supprimant du droit français le terme  « en bon père de famille », i. e. la notion du « pater familias ». (Source : Le « bon père de famille » va disparaître du droit français, par J. Parienté, paru sur Le Monde.fr mis à jour le 22.01.2014 [consulté le 1er avril 2014].)

1975 : La loi Haby et ses décrets d’application organisent l’obligation de mixité dans tous les établissements publics d’enseignement.

Aujourd'hui : Une mixité efficiente ? Les effets de la mixité sont-ils positifs ? Suffisent-ils à effacer les comportements stéréotypés entre les sexes ? Cela n'est pas sûr : « Les filles représentent ainsi  à peine plus de 10% des séries industrielles et…plus de  90% de la série ST2S (sciences et technologies de la santé et du social). De même, alors que taux d’accès au baccalauréat des filles est largement supérieur à celui des garçons (76,6% pour les filles contre 66,8% pour les garçons) elles ne représentent que 43,5% des élèves inscrits en première année des classes préparatoires aux grandes écoles. » (tiré de : Pour plus d'égalité entre filles et garçons à l'école, par Vincent Peillon et Najat Vallaud-Belkacem paru sur Le Monde.fr, mis à jour le 25.09.2012 [consulté le 1er avril 2014].)

La même année : La loi Veil du 17 janvier 1975 autorise l’interruption volontaire de grossesse (IVG) pour une période probatoire de cinq ans. 
Le divorce par consentement mutuel est instauré.

Aujourd'hui, le divorce pour faute pourrait-il être supprimé ? La doctrine en discute comme un projet, mais cela n'est pas à l'ordre du jour. S'il permettrait par exemple la condamnation pénale en même temps que le divorce, le cadre (le lieu où se tient le procès) serait difficile pour le demandeur (ici la demandeuse). Il sera peut-être plus compliqué pour les femmes victimes de violences conjugales de demander le divorce. Porter une plainte n'est pas la même chose que demander un divorce pour faute.

1980 : La loi du 23 décembre sur la répression du viol en apporte une définition précise : " Tout acte de pénétration sexuelle de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte ou surprise est un viol " (article 222.23 du Code pénal).

Aujourd'hui : les femmes violées font souvent face à un phénomène : le viol qui fonde leur plainte est requalifié en agression sexuelle. C'est le phénomène de correctionnalisation du crime de viol. Les raisons sont diverses et parfois contradictoire. La rapidité d'une affaire en correctionnelle et la sévérité des juges est vantée... Toujours est-il que d'un point de vue pénal et symbolique, un viol est un viol puni de 15 ans d'emprisonnement jusqu'à la réclusion criminelle à perpétuité.

1982 : L’IVG est remboursée par la Sécurité sociale (loi du 31 décembre).

1988 : Mise sur le marché du RU-486, pilule abortive.

Aujourd'hui : une « pilule de contraceptive » pour homme ? Le « Science et vie » du mois de mars 2014 parle de cette pilule à l'étude.

1990 : La Cour de cassation reconnaît le viol entre époux (Cass.  crim, 5 septembre 1990, n° 90-83786, Bull.).

1992 : La loi du 2 novembre définit l’abus d’autorité en matière sexuelle dans les relations de travail (harcèlement sexuel).

Aujourd'hui : la loi a été déclarée inconstitutionnelle et fut abrogée de façon immédiate fondée sur le non-respect du principe de rétroactivité in mitius (CC, déc., n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012, M. Gérard D.) La loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel a permis de mettre fin à un vide juridique qui a duré 3 mois...

1993 : La loi Neiertz du 27 janvier dépénalise l’auto-avortement et crée le délit d’entrave à l’IVG, à la suite des attaques répétées de centres d’IVG par des commandos qui y sont hostiles.
Aujourd'hui : ces commandos n'existent plus, le mouvement s'est transformé et ne fait plsu que des manifestations de rue (les « marches pour la vie »). Ce qui n'est pas le cas aux Etats-Unis, où des commandos continuent d'avoir des actions  agressives contre les personnes, et par un lobbying important, qui remet en cause actuellement le droit à l'IVG aux Etats-Unis, qui est reconnu comme un droit constitutionnel (Cour suprême des Etats-Unis, 22 janvier 1973, Roe v. Wade).

2000 : La loi du 13 décembre relative à la contraception d'urgence autorise la délivrance sans ordonnance des contraceptifs d'urgence non susceptibles de présenter un danger pour la santé.

2001 : La loi du 4 juillet relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception actualise la loi de 1967 relative à la contraception et celle de 1975 relative à l'avortement, qu’elle dépénalise. Les dispositions portent notamment sur la suppression de l'autorisation parentale pour l'accès des mineures à la contraception, l'aménagement de la mise à disposition de la contraception d'urgence, l'autorisation de la stérilisation à visée contraceptive, l'allongement du délai légal de recours à l'IVG, l'aménagement de l'autorisation parentale pour les mineures demandant une IVG.

2002 : Apparition du congé de paternité.

« The docile husband », « le mari docile », Une poussette en 1847, de the John Leech Archives


Aujourd'hui : le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes de janvier 2014 prévoit de nombreuses choses et notamment « est introduite une période de protection des hommes salariés ayant pris un congé paternité (sur le modèle de la protection des salariées de retour de congé maternité.) Une autorisation d’absence pour suivi de trois examens médicaux est également accordée au conjoint, concubin et partenaire lié par un PACS de la femme enceinte. »(3)

Le projet prévoit également : 
- des mesures donnant plus d’effectivité à l’égalité professionnelle notamment par le levier des marchés publics ;
- la garantie des impayés de pensions alimentaires ;
- le renforcement de toutes les protections des femmes victimes de violences, quelle que soit leur situation administrative ;
- l’ambition réaffirmée d’une parité dans tous les domaines : politique , publique, économiques et sociales ;
- la protection de l’image des femmes, par un rôle renforcé du CSA sur ces questions et l’encadrement juridique des concours de beautés pour mineurs ;
- une meilleure protection du droit des femmes à disposer de leur corps. 

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(1) Direction de l'information légale et administrative (Premier ministre) : Licenciement d'une femme enceinte ou en congé maternité [en ligne]. Service-Public.fr [consulté le 1er avril 2014]. Disponible sur internet : http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F2873.xhtml

(2) Dossier de presse le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes du 20 janvier 2014, p. 19



  La place des femmes dans l’histoire
Par Colette Cosnier


Déplorer la faible présence —pour ne pas dire l’absence— des femmes dans l’Histoire est devenu un lieu commun. Pour rendre ce propos plus concret, il suffit de consulter le plan d’une ville afin de chercher leur souvenir dans les rues et autres lieux de mémoire. Ce texte n’est pas un exposé exhaustif sur le sujet mais quelques observations destinées à susciter un débat au cours d’une intervention à la prison des femmes de Rennes
Donner le nom de quelqu’un à une rue, à un établissement d’enseignement ou à un édifice culturel n’est pas un acte anodin. C’est rendre hommage à cette personne, lui assurer une sorte de célébrité. S’agit-il d’une personnalité locale, elle se trouve alors liée à l’histoire de la ville : qui connaîtrait encore Jean Janvier, ancien maire de Rennes si l’avenue qui mène à la gare ne portait pas son nom ? qui saurait que Mme du Campfranc fut une romancière du XIXe siècle s’il n’existait pas une rue qui lui est dédiée ?
Cela correspond aussi à une intention pédagogique : on propose un exemple, un modèle, ce qui sous-entend que la personne choisie possède de nombreuses vertus qu’il faudra imiter ! Ainsi les élèves du lycée Jean Jaurès devront (devraient…) défendre les valeurs républicaines, les tout-petits de la crèche Alain Gerbault seraient programmés pour devenir de hardis navigateurs etc. Bien entendu, ces intentions sont purement théoriques et n’ont pour but que de faire réfléchir au soin qu’on devrait apporter dans le choix d’un nom pour un espace urbain, tant il est fréquent d’entendre les gens avouer sans honte qu’ils ignorent tout de celui ou celle dont leur rue rappelle le souvenir. 
L’exemple choisi ici est Rennes, mais on pourrait faire le même constat n’importe où : où sont les femmes ? en revanche, on aurait vite fait de citer des noms d’hommes sans qu’il soit besoin de réfléchir beaucoup. Esplanade Général de Gaulle, mail François Mitterrand, rue Victor Hugo, quai Lamennais, lycée Chateaubriand, école Carle Bahon, école Joseph Loth etc Pour trouver des noms de femmes, il faudra faire un effort, il y a Mme de Sévigné, Jeanne d’Arc, et puis, et puis …On ne sait pas.
En 2014, on trouve  945 hommes, et 99 femmes, il y a eu un progrès si on considère qu’au début du XXIe siècle on comptait 900 hommes et 55 femmes. Progrès tout relatif d’ailleurs puisqu’il n’est nullement question de parité ! Pourtant il ne s’agit pas d’une volonté délibérée, personne ne va oser s’opposer à un choix féminin au prétexte que ce n’est pas la place des femmes etc. Non, les choses sont beaucoup plus subtiles. Si on regarde les qualités qui sont exigées de la personne qui sera choisie, on constate qu’il s’agit d’un individu ayant mené une vie publique sur le plan national ou local : d’où des avenues portant les noms de ministres, de généraux, de savants, d’écrivains etc, et ce depuis le Moyen–Âge. Or les femmes n’étudiaient pas, ne jouaient pas un rôle politique, ne faisaient pas la guerre et n’écrivaient guère.
On ne trouvera pas ici une liste de tous ces noms, la lecture en serait fastidieuse et constituerait une énumération ne disant rien à personne. Disons que l’Almanach du facteur (autrement dit le calendrier des postes qui contient un « classement alphabétique des rues de la ville de Rennes et de Saint Malo) peut être facilement consulté ! Je me contenterai de quelques généralités.Si on veut établir un tableau historique de la présence féminine au cours des siècles, on constaterait, qu’au début, plus que des noms proprement dits, il y a des groupes qui, le plus souvent correspondent à des couvents, par exemple les Ursulines, les Carmélites, les Bénédictines, la Visitation. Il serait intéressant aussi de s’interroger sur l’existence des noms selon le genre. Dans un cas, presque uniquement des religieuses (donc images de charité, de bienfaisance et de piété) et dans l’autre des appellations plus variées correspondant à des fonctions dans la vie urbaine : rue des Tanneurs, des Artificiers, du 7ème Régiment d’Artillerie, promenade des Bonnets rouges etc. Les noms de saints et de saintes accompagnent les églises voisines : rue Saint Sauveur, Saint Melaine, saint Germain. Là aussi, la parité est ignorée : 23 pour les uns et 4 pour les autres ! On privilégie les personnalités féminines édifiantes : héroïnes comme Jeanne d’Arc, Edith Cavell infirmière britannique exécutée par les Allemands au cours de la première guerre mondiale, bienfaitrices des déshérités comme Jeanne Jugan fondatrice des Petites sœurs des pauvres. Le XXe siècle sera plus éclectique et honorera  les résistantes et les déportées : Marie et Simone Alizon, Jeanne Couplan, Jeanne Guyon, Marie Lafaye, Aline Landais, Herminie Prod’homme, Andrée Récipon et Anne-Marie Tanguy. Mais il y  aura aussi de temps en temps une écrivaine, Marie de France pour le Moyen-Âge et Angéla Duval pour les contemporaines, Séverine la journaliste qui avait suivi le procès Dreyfus en 1899, Marion du Faouët, chef d’une troupe de brigands en 1755, Edith Piaf la chanteuse, Nathalie Lemel membre de la Commune de Paris etc On remarquera aussi que certaines femmes partagent leur rue avec leur époux : Marie et Pierre Curie, Victor et Ilona Basch, Yvonne et André Meynier…
On doit se réjouir, apprécier l’heureuse influence de la Journée des femmes le 8 mars et l’initiative prise par l’association la Brique qui a collé sur de nombreux murs des affiches portant des noms féminins. Mais que conclure, sinon qu’on aura beau dire et beau faire la place des femmes sera toujours bien faible dans l’espace urbain et dépendra du développement de la cité : pas question de débaptiser des rues déjà existantes. Donc, les nouvelles ne sont pas des voies de prestige, elles sont situées dans les quartiers périphériques, sont souvent de petites dimensions, et comme telles, peu visibles. D’où le risque de constituer des ghettos comme dans ces lotissements où la rue des Géraniums voisine avec la place des Lilas, l’avenue des Narcisses et l’allée des Pétunias pour la seule raison qu’il fallait des noms de fleurs ! 



  « Grand marché transatlantique » : empêcher la régression des
droits et le contournement de la démocratie
Communiqué LDH, Paris, le 5 mai 2014

La Commission européenne s'est engagée depuis plus d'un an, dans des négociations avec les Etats-Unis, sur un projet de traité (dit Tafta) portant sur le commerce et sur les flux financiers transatlantiques.
Le processus d'élaboration de ce Traité est inquiétant. D’abord, du point de vue démocratique : non seulement la Commission européenne a commencé à négocier en mars 2013 sans aucune légitimité, le mandat pour le faire ne lui ayant été conféré qu'en juillet 2013, mais les tenants et aboutissants de la négociation sont entourés d'une opacité incompatible avec tout contrôle démocratique sérieux sur ce qui se prépare au nom de plus de cinq cent dix millions de citoyens. Ainsi, aucun projet ni document précis n'ont été ni publiés ni même mis à la disposition du Parlement européen. En revanche, la Commission européenne va jusqu’à chiffrer à l'euro près le montant d'un prétendu bénéfice que chaque Européen retirerait de ce Traité, et les gouvernements banalisent le processus, comme s’il était sans grands enjeux. 
Cette façon de faire qui tend à la désinformation aboutit à exclure les citoyens, les parties prenantes de la société civile et à laisser champ libre aux représentants des lobbies et des grandes entreprises transnationales. Elle jette un doute sérieux sur les buts recherchés par les négociateurs.
Il y a plus préoccupant. Ce qui a fini par transpirer du projet permet de le caractériser comme un outil de soumission de la démocratie vis-à-vis des acteurs financiers et entrepreneuriaux. De fait, il s'agit non seulement d'abaisser des droits de douane, au demeurant déjà très faibles, mais surtout, au titre de la suppression des « obstacles non tarifaires » au commerce et à l'investissement, de soumettre toute législation protectrice des salariés, des producteurs, des consommateurs, de l'environnement, de la santé publique, etc., aux bons vouloirs d'un « Conseil de coopération réglementaire », qui n'est responsable devant aucun citoyen. Corrélativement, toute entreprise pourrait attaquer un État devant un mécanisme ad hoc de règlement des différends pour paralyser le fonctionnement d'un service public, d'une entreprise publique, ou l'application d'une politique publique qui gênerait ses intérêts commerciaux ou financiers.
Ce Traité vise clairement à court-circuiter les pouvoirs démocratiquement légitimes pour faire les lois et les juridictions indépendantes et impartiales chargées d'appliquer le droit. L’objectif est de subordonner l'intérêt général et la protection des droits fondamentaux aux intérêts commerciaux et financiers. Certes, la France a obtenu que les biens culturels soient pour le moment retirés du mandat de la Commission européenne. Mais cette exclusion n'est ni certaine ni définitive et les normes sociales, sanitaires et environnementales sont, elles, menacées d'un alignement sur la protection la plus faible des salariés, des consommateurs et de l'ensemble de la population.
La Ligue des droits de l'Homme considère qu'un tel projet, qui engage l'avenir de tous les citoyens européens, ne saurait être poursuivi sans un débat sérieusement informé, contradictoire et public. Elle appelle les citoyennes et les citoyens à se saisir de cet enjeu, à interpeller l'ensemble des candidats aux prochaines élections européennes sur ce que sera leur vote, le jour où ce texte sera soumis pour approbation ou rejet au prochain Parlement européen. Car la crise de confiance entre l'Union et ses citoyens ne peut que s'aggraver, tant que les gouvernants de l'Europe ne prendront pas au sérieux la garantie des droits fondamentaux et les conditions minimales de l'effectivité démocratique. Le 25 mai, le pouvoir de les y contraindre sera entre nos mains à toutes et tous.





  Pour un avenir solidaire
Appel du collectif Liberté, Egalité, Fraternité

La devise républicaine exprime les valeurs qui nous rassemblent : « Liberté, Egalité, Fraternité ». Aujourd’hui, elle résume nos inquiétudes, nos refus, nos espoirs. Parce que les attaques contre notre bien commun se multiplient, parce que nous refusons la haine, nous, militants associatifs, syndicalistes, étudiants, lycéens, appelons tous les habitants de notre pays au rassemblement pour agir ensemble sur le terrain de l’égalité des droits et des libertés.
Inquiets, nous le sommes devant l’offensive qui s’amplifie contre ces valeurs : l’égalité entre les femmes et les hommes, l’égalité des droits quelle que soit l’orientation sexuelle des personnes, l’égalité des familles dans leur diversité. Inquiets nous le sommes toujours face à la croissance du chômage, des inégalités et des discriminations.
Inquiets, nous le sommes encore face à la spéculation financière qui rythme l’économie, déshumanise la société et la vie quotidienne.
Inquiets, nous le sommes plus que jamais face à l’offensive antirépublicaine qui s’accompagne d’une instrumentalisation de la haine et de la banalisation des idées d’extrême droite.
Cette situation dangereuse est aussi alimentée par des difficultés économiques et sociales croissantes, par des politiques qui nourrissent un sentiment d’injustice et d’abandon et par une succession de gouvernements qui depuis trente ans semblent indifférents et impuissants à résoudre les problèmes d’emploi, de justice sociale et d’urgence écologique. Dans un tel contexte, l’extrême droite multiplie les discours simplificateurs, les promesses abusives, et les solutions aussi illusoires que dangereuses.
C’est pourquoi nous appelons à faire barrage à la haine, à la xénophobie, à toutes les discriminations et à combattre les propos sexistes, homophobes, racistes, antisémites, aux discours anti-Roms, antimusulmans.
Parce que la République est laïque dans sa constitution, nous refusons de voir banalisées les agressions contre la liberté de création et d’expression qu’elles visent la pédagogie, la littérature, le théâtre, le cinéma, ou Internet, la liberté de la presse et la liberté de pensée.
Nos espoirs naissent d’une conviction partagée. La crise économique, sociale, environnementale et démocratique que nous vivons appelle plus que jamais la solidarité de tous avec tous, la reconnaissance de l’égale dignité des personnes, notamment des plus pauvres, et la confiance dans les capacités de chacun de participer au nécessaire élan d’imagination collective.
Nos espoirs résident dans la construction d’un élan démocratique, au service de l’intérêt général, dans la réhabilitation de la morale publique en politique, dans notre volonté de faire vivre l’égalité et la justice sociale. Nos espoirs se tissent de ce que nous savons produire, créer, inventer et défendre chaque jour pour mieux vivre, pour « faire société », donner corps aux valeurs de la République.
Tous les jours, aux côtés d’une jeunesse engagée, nous avons des raisons d’espérer : elle passe à l’action, invente des solutions pour demain, met son énergie à construire de nouvelles manières de vivre et de faire ensemble.
Nous lançons un appel à la mobilisation pour agir, toutes et tous, sur le terrain de l’égalité des droits. Dans nos villes, dans nos quartiers et nos villages, faisons-nous entendre ! Nous sommes des millions à vouloir porter un coup d’arrêt aux entrepreneurs de haine et de peurs, soyons des millions à le dire.
Organisons les rencontres croisées de celles et ceux qui ont à coeur de faire vivre ces valeurs, de les défendre et de les promouvoir en France et en Europe. Ce printemps, durant l’été, au-delà, mobilisons-nous pour faire vivre nos idées, expériences et propositions autour de débats, de manifestations diverses pour peser dans le débat public et affirmer ensemble que la liberté, l’égalité et la fraternité sont plus que jamais les clés de l’avenir que nous voulons.



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