vendredi 8 août 2014

Gaza : que fait l'Europe ?

L'Eu­rope prend ses va­cances. Est-ce ceci qui ex­plique le si­lence ter­ri­fiant qui ré­pond à la ter­reur qui frappe les ha­bi­tants de Gaza et que l'ar­rêt mo­men­tané des hos­ti­li­tés n'ef­fa­cera pas ?
  
Rien ne peut jus­ti­fier que 100 vic­times tombent en quelques heures, et près de deux mil­liers en quelques se­maines, que des hommes, des femmes, des en­fants, pris au piège de ce ghetto, fuient dans toutes les di­rec­tions comme des ani­maux apeu­rés sans trou­ver d'is­sues puisque tout est contrôlé, fermé, as­siégé, bom­bardé. Plus de cen­trale élec­trique, plus d'eau, bien­tôt plus de soins mé­di­caux, plus de nour­ri­ture. Si l'ar­mée is­raé­lienne ca­resse le rêve meur­trier et illu­soire de « cas­ser » le Hamas, elle se moque ab­so­lu­ment des ra­vages cau­sés à une po­pu­la­tion qu'elle a cessé de consi­dé­rer comme ses fu­turs voi­sins, et peut-être même comme ap­par­te­nant à la même hu­ma­nité que les Is­raé­liens.
Le si­lence eu­ro­péen prend d'au­tant plus de re­lief que l'on a sous nos yeux un élé­ment de com­pa­rai­son : les me­sures prises contre la Rus­sie. Me­sures très pru­dentes mais me­sures quand même alors que l'Union eu­ro­péenne et l'al­lié amé­ri­cain se contentent de mots quand il s'agit de la Pa­les­tine. Re­gret­ter la vio­lence mais ne ja­mais contraindre les au­to­ri­tés is­raé­liennes, telle semble être la po­li­tique en vi­gueur.
Il est temps de me­su­rer les di­men­sions du crime qui est en train de se com­mettre sous nos yeux. Il est temps de com­prendre que l'Union eu­ro­péenne ne s'exo­né­rera pas de ses res­pon­sa­bi­li­tés en payant, une nou­velle fois, la re­cons­truc­tion d'in­fra­struc­tures aus­si­tôt dé­truites. Notre ar­gent ne nous em­pê­chera pas d'être consi­dé­rés comme com­plice de ce que nous au­rions pu em­pê­cher, tout sim­ple­ment parce que notre ar­gent n'est pas l'éta­lon qui dé­ter­mine le prix des vies hu­maines per­dues à Gaza.
La France et le Royaume-Uni, membres de droit du Conseil de sé­cu­rité doivent, à dé­faut des Etats-Unis, sai­sir les Na­tions unies d'une ré­so­lu­tion contrai­gnante et, sous peine de sanc­tions, im­po­sant un ces­sez-le-feu, le re­trait des troupes is­raé­liennes de Gaza, l'en­voi d'une force d'in­ter­po­si­tion et de pro­tec­tion du peuple pa­les­ti­nien, et la fin du blo­cus aé­rien, ma­ri­time et ter­restre de ce ter­ri­toire. L'Union eu­ro­péenne doit sus­pendre l'ac­cord d'as­so­cia­tion qui la lie à Israël.
Que la Pa­les­tine soit, enfin, re­con­nue comme un membre à part en­tière de l'ONU et que le Conseil de sé­cu­rité dé­cide de sai­sir sans plus de dé­lais la Cour pé­nale in­ter­na­tio­nale pour que les au­teurs et res­pon­sables de tous les crimes de guerre com­mis aient à rendre compte de­vant la jus­tice.
Mi­chel Tu­biana, président du REMDH, et Karim La­hidji, président de la FIDH
  
Libération, 8 août 2014

lundi 4 août 2014

Discours à la jeunesse d'Albi en 1903

De Jean Jaurès
" Surtout, qu'on ne nous accuse point d'abaisser, ou d'énerver les courages. L'humanité est maudite, si pour faire preuve de courage elle est condamnée à tuer éternellement. Le courage, aujourd'hui, ce n'est pas de maintenir sur le monde la nuée de la Guerre, nuée terrible, mais dormante dont on peut toujours se flatter qu'elle éclatera sur d'autres. Le courage, ce n'est pas de laisser aux mains de la force la solution des conflits que la raison peut résoudre ; car le courage est l'exaltation de 1'homme, et ceci en est 1'abdication. La courage pour vous tous, courage de toutes les heures, c'est de supporter sans fléchir les épreuves de tout ordre, physiques et morales, que prodigue la vie. Le courage, c'est de ne pas livrer sa volonté au hasard des impressions et des forces ; c'est de garder dans les lassitudes inévitables l'habitude du travail et de l'action. Le courage dans le désordre infini de la vie qui nous sollicite de toutes parts, c'est de choisir un métier et de le bien faire, quel qu'il soit : c'est de ne pas se rebuter du détail minutieux ou monotone ; c'est de devenir, autant qu'on le peut, un technicien accompli ; c'est d'accepter et de comprendre cette loi de la spécialisation du travail qui est la condition de l'action utile, et cependant de ménager à son regard, à son esprit, quelques échappées vers le vaste monde et des perspectives plus étendue. Le courage, c'est d'être tout ensemble et quel que soit le métier, un praticien et un philosophe. Le courage, c'est de comprendre sa propre vie, de la préciser, de l'approfondir, de l'établir et de la coordonner cependant à la vie générale. Le courage, c'est de surveiller exactement sa machine à filer ou tisser, pour qu'aucun fil ne se casse, et de préparer cependant un ordre social plus vaste et plus fraternel où la machine sera la servante commune des travailleurs libérés. Le courage, c'est d'accepter les conditions nouvelles que la vie fait à la science et à l'art, d'accueillir, d'explorer la complexité presque infinie des faits et des détails, et cependant d'éclairer cette réalité énorme et confuse par des idées générales, de l'organiser et de la soulever par la beauté sacrée des formes et des rythmes. Le courage, c'est de dominer ses propres fautes, d'en souffrir, mais de n'en pas être accablé et de continuer son chemin. Le courage, c'est d'aimer la vie et de regarder la mort d'un regard tranquille ; c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel ; c'est d'agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l'univers profond, ni s'il lui réserve une récompense. Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire ; c'est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. "
L'idée de publier cet extrait nous est venue grâce à la section LdH de Paray-le-Monial, qui l'a publié en hommage à Jaurès, et en remerciement à tous ceux qui les soutiennent : http://ldhparaylemonial.wordpress.com/