jeudi 19 février 2015

[Communiqué LDH] Rabat-Paris : l’arbitraire et le déshonneur

Paris, le 18 février 2015

Deux journalistes arrêtés et expulsés, le local d’une association, l’Association marocaine des droits de l’Homme (AMDH), envahi par la police, des rafles d’étrangers décidées au mépris des lois votées récemment, l’intimidation et l’incarcération à l’égard de ceux et celles qui dénoncent la torture, des attaques répétées contre l’ensemble du mouvement associatif ; cette accumulation d’événements marque une dégradation constante de la situation des droits de l’Homme au Maroc.

La Ligue des droits de l’Homme réprouve totalement ces actes arbitraires et contraires à la fois aux engagements internationaux du Maroc comme aux dispositions constitutionnelles récemment adoptées.

Elle demande aux autorités marocaines de cesser ces agissements qui sont incompatibles avec la construction d’un État de droit dont le Maroc se réclame.

La LDH dénonce, enfin, la complaisance du gouvernement français à l’égard de cette situation. Celui-ci, en effet, s’abstient de toute réaction aux atteintes à la liberté de la presse, et, dans un même temps, galvaude la légion d’honneur en offrant une promotion au grade d’officier à un homme poursuivi en France pour avoir pratiqué des tortures.

Quels que soient les intérêts géopolitiques et sécuritaires, rien ne peut justifier un tel manquement à l’éthique, si ce n’est l’éternelle et déshonorante « raison d’État ».

Il n’est pas acceptable de se prévaloir des valeurs de la République ici, et de se faire complice de leurs violations de l’autre côté de la Méditerranée.

lundi 16 février 2015

[Communiqué commun] Contrôles d’identité abusifs et discriminatoires : les observations du Défenseur des droits doivent aboutir à une réforme en profondeur des contrôles d’identité

Paris, 13 février 2015

Les huit organisations signataires se réjouissent des observations que le Défenseur des droits vient de rendre publiques le 9 février. Elles constituent une contribution essentielle au débat sur les contrôles d’identité en affirmant clairement que, pour respecter ses obligations en matière de droits humains, la France doit en réformer le régime.
 
C’est ce que réclament, depuis de nombreux mois, nos huit organisations (Graines de France, Groupe d'Information et de Soutien des Immigrés, Human Rights Watch, Ligue des droits de l’Homme, Maison communautaire pour un développement solidaire, Open Society Justice Initiative, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature). C’est pourquoi elles invitent le gouvernement, de toute urgence, à :
· modifier l’article 78-2 du Code de procédure pénale qui encadre les contrôles ;
· mettre en place une traçabilité des contrôles – donc un récépissé – assurant un recours effectif en cas de dérive.

Le 9 février 2015, le Défenseur des droits a déclaré dans un communiqué avoir présenté des observations devant la cour d’Appel de Paris, dans la procédure initiée par 13 personnes qui ont intenté une action visant à engager la responsabilité de l’État pour des contrôles d’identité discriminatoires. Son intervention rappelle que l’État français doit prendre des mesures pour lutter de manière efficace contre les contrôles au faciès.

Les observations du Défenseur des droits soulignent que les autorités doivent non seulement éviter toute discrimination, mais également adopter des mesures fermes et concrètes, propres à prévenir et à réprimer de telles pratiques. L’absence de ces mesures constitue un manquement équivalent « à fermer les yeux sur la gravité de tels actes et à les considérer comme des actes ordinaires… ». Il précise qu’il est nécessaire d’encadrer suffisamment les pratiques de contrôles, de sorte que tout contrôle soit basé sur des critères objectifs, et non sur des critères subjectifs, tels que le « ressenti » ou l’ « instinct » » des agents, comme c’est actuellement le cas. En effet, ces critères subjectifs donnent régulièrement lieu à des contrôles d’identité basés sur des critères discriminatoires tels que l’origine ethnique, comme nos organisations l’ont démontré à maintes reprises.


Le Défenseur des droits souligne par ailleurs l’importance de garanties suffisantes contre le risque d’arbitraire, qui impose, en particulier, un aménagement de la charge de la preuve et la garantie d’un contrôle effectif par le juge. Il note à cet égard que : « L’absence de motivation et de procédure écrite, en particulier de toute trace du contrôle effectué (précisant a minima la date et le lieu du contrôle, le nom de l’agent contrôleur et de la personne contrôlée et les raisons ayant  justifié la mesure), [] entrave l’accès au contrôle juridictionnel et peut priver celle-ci de la possibilité de contester utilement la légalité de la mesure et de dénoncer son caractère discriminatoire. »

Au regard de ces observations, nos huit organisations demandent au gouvernement de prendre des initiatives réellement efficaces pour lutter contre ces pratiques discriminatoires, et ainsi a minima :

· proposer au Parlement de modifier l’article 78-2 du Code de procédure pénale. Cet article définit les circonstances autorisant les contrôles d’identité et les motifs légaux justifiant de tels actes. La généralité et l’imprécision de sa rédaction actuelle favorisent les dérives qui contribuent aux violations graves et répétées des droits fondamentaux. Plusieurs alinéas de cet article devraient être abrogés ou amendés afin de limiter le champ des contrôles aux stricts impératifs de la prévention ou la répression d’actes de délinquance ;

· instaurer une traçabilité des contrôles qui fournirait à une personne contrôlée des informations sur les raisons ayant motivé son contrôle afin qu’elle puisse, le cas échéant, contester la légalité du contrôle et dénoncer son caractère discriminatoire.

Nos organisations affirment qu’une telle réforme ne réduirait en rien l’efficacité des forces de police, bien au contraire, et rappellent, en ce sens, que les expériences réalisées dans d'autres pays ont clairement démontré la possibilité à la fois de réduire la prévalence des pratiques discriminatoires et d'améliorer l’efficacité des contrôles de police, expériences d’autant plus probantes qu’elles ont associé tous les acteurs concernés : élus locaux, magistrats et avocats, policiers, associations, citoyens, experts.
Le candidat à la Présidence de la République, François Hollande, s’était engagé en 2012 à faire une réforme pour lutter « contre le « délit de faciès » par la mise en place d’une « procédure respectueuse des citoyens ». Cependant, depuis son élection, les différents gouvernements n’ont adopté aucune mesure susceptible de mettre fin aux contrôles d’identité discriminatoires.

Avec ces observations du Défenseur des droits, le gouvernement n’a plus à décider « si » il doit respecter son engagement de reformer les contrôles d’identité, mais seulement « quand » il le fera. Compte tenu des impacts dévastateurs de ces contrôles sur les personnes contrôlées, le sentiment d’injustice et d’humiliation qu’ils alimentent chez des personnes qui se sentent discriminées, nos huit organisations réaffirment fermement que cela doit être fait désormais sans plus tarder.

[Communiqué LDH] Copenhague, Sarre-Union Condamner et combattre l’antisémitisme

Paris, le 16 février 2015

Attentats terroristes et profanation des cimetières sont les deux visages différents d’une même haine mortifère, celle de l’antisémitisme ; ils expriment un même mépris pour la liberté d’expression, pour le vivre ensemble, mépris qui s’étend au droit de pouvoir, une fois décédé, reposer en paix.
La Ligue des droits de l’Homme exprime sa solidarité avec toutes les victimes de ces attentats ; elle adresse ses condoléances à leurs familles et leurs proches, au Danemark comme en France.
Elle alerte contre la montée du racisme et de l’antisémitisme en France et met en garde contre la montée d’un climat de suspicion vis-à-vis des musulmans ou supposés tels, suspicion nourrie par l’assimilation, parfois rocambolesque, de propos à une apologie du terrorisme.
Dans la foulée de la levée en masse du 11 janvier, elle rappelle que la lutte contre la haine et le terrorisme passe par le respect des valeurs qui fondent la République, l’Etat de droit, la liberté et la fraternité. Elle appelle les pouvoirs à tout faire pour que les auteurs de la profanation de Sarre-Union soient identifiés et jugés.

dimanche 15 février 2015

France : Arrêtez immédiatement les exportations d'armes à l’Égypte

Paris, le 11 février 2015

Le réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) suit de près la détérioration des droits de l’Homme en Égypte. Cette dégradation a encore été manifeste lors du quatrième anniversaire de la révolution égyptienne ce 25 janvier, lors duquel une nouvelle confrontation entre les forces de police et des manifestants pacifiques a eu lieu, menant à la mort de plus de vingt d’entre eux. Au-delà du recours régulier à l’usage excessif de la force par les services de sécurité, avec plus de 1400 morts dans des violences depuis la destitution de Mohamed Morsi, l’Égypte connaît un contexte général de répression sévère de tous les mouvements de contestation, marqué par de nombreux cas d’arrestations, de tortures et d’exécutions arbitraires. La loi de novembre            2013 sur les manifestations publiques a conduit à des centaines d’arrestations et de condamnations de figures emblématiques de la contestation, comme Yara Sallam et Alaa Abdel Fattah, pour avoir organisé des rassemblements jugés illégaux. Depuis juillet 2013, le gouvernement a mené une campagne d’arrestations massives avec plus de 41000 personnes emprisonnées. Cette répression cible non seulement des personnes accusées d’appartenir au mouvement des Frères musulmans, mais également des activistes, défenseurs des droits de l’Homme, étudiants, journalistes et médias, pour le simple fait de s’être opposé à la politique du gouvernement.

Le REMDH est conscient de la place importante qu’occupe l’Égypte sur la scène diplomatique européenne et internationale, notamment dans la lutte contre les avancées de l’organisation terroriste portant le nom d’ « Etat Islamique ». La menace mondiale du terrorisme, qui a tragiquement frappé la France récemment, est loin de nous échapper. Nous sommes également conscients des efforts déclarés par les autorités égyptiennes quant aux violences armées visent les citoyens égyptiens et les forces de sécurités. Cependant, c’est également sous la bannière de la lutte contre le terrorisme que s’opère la terrible répression contre les voix critiques et indépendantes en Égypte. La violation des droits de l’Homme et l’absence d’état de droit contribuent à la radicalisation et à la violence, pour finalement conduire une jeunesse désespérée vers le recrutement par des groupes terroristes.

Au vu de cette forte dégradation de la situation des droits de l’Homme en Égypte et des engagements du gouvernement français tels qu’énoncés dans la position commune 2008/944/PESC définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires et les conclusions du conseil de l’union européenne du 21 août 2013, le REMDH appelle le gouvernement français à suspendre immédiatement toutes ses exportations d'armes et de matériel de sécurité à l’Égypte, ainsi que tous contrats actuellement en négociation, et ce à tout le moins tant que les autorités de ce pays ne cessent leur répression violente contre les mouvements de dissidence légitime et de défense des droits de l’Homme.

[Communiqué commun] Conférence de Bruxelles sur l’avenir du système de la CEDH : déclaration de 41 ONG européennes de défense des droits des détenus

Communiqué commun cosigné par la LDH



A l’approche d’un rendez-vous important pour l’avenir du mécanisme de la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH), quarante et une organisations européennes parmi les plus actives sur les questions carcérales interpellent les ministres des Affaires étrangères des pays du Conseil de l’Europe sur les problèmes structurels touchant nombre de systèmes pénitentiaires sur le continent. Cette démarche, qui marque la première mobilisation internationale en matière de défense en justice des droits des détenus, tend à la définition à l’échelon du Conseil de l’Europe d’une stratégie globale pour faire reculer le recours à la prison, et à l’adoption de mesures destinées à renforcer considérablement le contrôle de l’exécution par les Etats des arrêts les condamnant. Près de 1,74 million de personnes sont incarcérées dans le Conseil de l’Europe.



Quarante et une organisations engagées dans la défense en justice des droits des détenus ont adressé ce jour aux ministres des Affaires étrangères des Etats du Conseil de l’Europe une déclaration commune les appelant à un changement de perspective dans le traitement des problèmes endémiques touchant les prisons sur le continent. Cette démarche intervient alors qu’une conférence à haut niveau doit se tenir les 26 et 27 mars à Bruxelles pour accélérer le processus de réforme visant à l’élimination des formes structurelles de violation de la CEDH, lesquelles sont, pour une large part, imputables aux systèmes pénitentiaires nationaux.



Les organisations signataires appellent ainsi les Etats et les organes du Conseil de l’Europe à adopter une stratégie globale résolument orientée vers la réduction du recours à l’emprisonnement et la diminution de la durée des mesures privatives de liberté. A cet égard, elles saluent les efforts déployés, dans le cadre d’une politique coordonnée des différents organes du Conseil de l’Europe, pour renforcer les possibilités de plaintes ouvertes aux détenus sujets aux affres de la surpopulation carcérale, mais elles soulignent que seule une action d’envergure articulée sur les politiques et les pratiques pénales est susceptible de venir à bout de ce problème structurel.



S’agissant du problème persistant de l’inexécution des arrêts rendus contre un certain nombre d’Etats, les organisations insistent sur le fait qu’il ne doit pas servir de prétexte à l’affaiblissement de la Cour européenne ou à la limitation du droit de saisine individuelle, comme semblent vouloir le faire certaines initiatives promues dans le cadre du processus de réforme en cours. Insistant sur l’apport considérable réalisé par la jurisprudence européenne dans la protection des droits des personnes détenues, les auteurs de la déclaration affirment que le rôle et les prérogatives de la Cour doivent être préservés. Les efforts doivent se concentrer sur une réforme d’envergure du système de surveillance de l’exécution des arrêts, afin de faire du contrôle de l’effectivité des mesures correctives prises par les Etats la finalité première du processus. Dans cette perspective, la procédure de surveillance doit devenir pleinement contradictoire, et le Service de l’exécution doit voir ses moyens considérablement renforcés pour le mettre en mesure d’exercer par lui-même un contrôle de la réalité et de l’incidence des réformes engagées par les Etats, au-delà des informations transmises par les Etats ou les ONG.    



Les organisations prennent enfin parti pour l’introduction d’un recours d’intérêt collectif, permettant aux associations de porter devant la Cour de Strasbourg un litige en rapport avec leur objet social. Elles soulignent que ce système constituerait une forme efficiente de traitement contentieux des dysfonctionnements de grande ampleur, permettant une saisine de la Cour à la fois rapide – avant que les situations en cause n’aient suscité d’importants contentieux, et efficace – les argumentations développées étant généralement plus affutées que celles de requérants isolés.



La Conférence à haut niveau de Bruxelles, à laquelle la déclaration commune se réfère, est appelée à constituer une étape importante du « Processus Interlaken ». Celui-ci, initié à l’occasion de la Conférence ministérielle d’Interlaken en février 2010, vise à impliquer davantage les Etats dans la constitution de mécanismes efficaces de sauvegarde des droits de l’homme au niveau national, afin de soulager la Cour de l’afflux de requêtes auquel elle fait face. Le contexte a évolué, la Cour étant sortie de l’état d’engorgement qui était le sien à l’époque. Le Président de la Cour, Dean Spielmann, s’est ainsi réjoui, lors de la rentrée solennelle le 29 janvier 2015, d’« une situation statistique plutôt satisfaisante », le nombre de requêtes pendantes étant tombé à 69 900 à la fin de l’année 2014, marquant ainsi une baisse de 30% en un an. Selon les dernières statistiques publiées dans le cadre du projet SPACE (Conseil de l’Europe – Université de Lausanne), 1 737 061 personnes étaient détenues au 1er septembre 2012 dans les Etats du Conseil de l’Europe, et 21 systèmes pénitentiaires sur 47 étaient en situation de surpopulation à cette date.