vendredi 29 novembre 2013

Gilles Manceron: "Réagir aux résurgences du racisme colonial"

Le dernier exemplaire de la Lettre d’information électronique de la Ligue des droits de l’Homme consacre un dossier au racisme, dont on pensait qu’il avait été éradiqué, et qui s’est exprimé à nouveau violemment ces dernières semaines.
Nous reproduisons ici un article de Gilles Manceron, intitulé « réagir aux résurgences du racisme colonial ». 
Gilles Manceron, membre du Comité central de la LDH, est historien, auteur notamment de Marianne et les colonies (2003), Droits de l’Homme. Combat du siècle (avec Madeleine Rebérioux, 2004), La Colonisation, la loi et l’histoire (avec Claude Liauzu, 2006) et 1885, le tournant colonial de la République (2007).


On peut parler en France d’un refoulement puis d’un rejaillissement de la mémoire coloniale. La violence des insultes à Christiane Taubira comme la multiplication dans la période récente d’actes islamophobes contre des femmes portant foulard ou des lieux de culte musulman sont autant de manifestations d’un retour du racisme colonial. Mais à l’ère post-coloniale, ce racisme a souvent tendance à revêtir un habillage nouveau, d’apparence humaniste et progressiste, à substituer, par exemple, au discours nationaliste d’hier un discours souverainiste, voire à se livrer à un détournement à son profit de notions comme le féminisme ou la laïcité.

En France, au lendemain des indépendances, les mentalités forgées durant l’époque coloniale, les représentations qu’elle a encouragées et sur lesquelles elle s’est appuyée n’ont pas disparu du jour au lendemain. Il y a eu dans l’opinion comme une période de doute à leur égard quand on a constaté que les représentations d’hier avaient été démenties par les faits. Mais un certain nombre de dictatures dans des pays anciennement colonisés devenus indépendants, de crises dans certains d’entre eux et de phénomènes violents aux conséquences internationales tragiques, ont encouragé une sorte de retour de la bonne conscience coloniale et aux préjugés qui l’ont marquée et qui, en réalité, n’avaient jamais disparu.

La vision d’un « Autre » différent d’un « Nous », produite par cette histoire, n’est jamais entièrement sortie des esprits. L’impensé colonial, faute d’être analysé, n’a cessé de hanter une partie de la société française, et, depuis le début des années 2000, il a eu tendance à s’exprimer de nouveau à visage découvert. La loi du 23 février 2005 qui stipulait que les programmes scolaires reconnaissaient « le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord », c’est-à-dire de la colonisation, a suscité un mouvement de protestation, chez les historiens, les enseignants et dans les départements d’outre-mer, qui a conduit au retrait de la phrase en question. Mais, en 2007, Nicolas Sarkozy a fait du « refus de la repentance » un des thèmes majeurs de sa campagne électorale, et, devenu président, ce fut son discours de Dakar sur l’homme africain qui ne serait jamais « entré dans l’Histoire », la création d’un « ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale », puis la funeste opération d’apprenti sorcier du « débat sur l’identité nationale ». Avec une telle politique, la pensée coloniale, toujours présente dans l’inconscient collectif, n’a cessé d’être ravivée, y compris dans ses aspects les plus caricaturaux. On a même vu le retour d’un racisme biologique, avec des références animalières qui étaient banales à l’époque coloniale et semblaient avoir disparu des discours publics après la Deuxième Guerre mondiale et la décolonisation.

Si Christiane Taubira cristallise aujourd’hui les haines, si une candidate du Front national a pu écrire sur son site qu’elle préférait la voir « dans les branches de son arbre plutôt qu’au gouvernement », si des catholiques intégristes de Civitas ont manifesté contre le mariage pour tous aux cris de « Y a bon Banania, y a pas bon Taubira », et si une enfant de 11 ans lui a lancé « Elle est pour qui la banane ? La banane est pour la guenon », c’est la conséquence de ce phénomène. Comme l’est aussi le fait que l’hostilité à l’encontre des musulmans s’est traduite dans la dernière période par des discours stigmatisants, des pratiques discriminatoires et des agressions physiques.

La riposte à ces phénomènes ne peut résider simplement dans un « sursaut républicain » appelant à combattre le racisme en général. On ne peut y réagir avec quelque efficacité que si l’on prend conscience qu’il ne s’agit pas seulement de défendre la République, mais de questionner la page coloniale de son histoire. Si l’on prend conscience de ce que la République n’a pas toujours été exemplaire, elle a aussi trahi ses valeurs dans sa politique coloniale. Qu’elle s’est aussi illustrée, par exemple, il y a un siècle, en exhibant des personnes venues des colonies devant des spectateurs de Paris ou d’autres villes qui leur lançaient des aliments. Par cette violence symbolique, écho édulcoré mais emblématique de celle de la conquête et de la domination coloniale, elle s’est aussi employée à légitimer l’entreprise « civilisatrice » qu’elle conduisait aux colonies, y compris en allant jusqu’à animaliser ainsi les populations des colonies. Lors des matchs de football d’aujourd’hui, les « cris de singes » lancés dans les tribunes et certaines insultes sur les pelouses ont une histoire.
Il ne suffit pas de parler aujourd’hui d’une résurgence du racisme en général sans pointer les origines de ce racisme particulier, dont les agressions verbales contre Christiane Taubira et physiques contre des femmes portant un voile sont la conséquence. Les différentes formes de racisme n’obéissent pas aux mêmes mécanismes ni aux mêmes ressorts. Tout en restant en éveil face aux nouveaux avatars de la xénophobie et de l’antisémitisme, il s’agit de prendre conscience de cette forme spécifique de racisme. Et de se livrer à un patient travail de déconstruction pour défaire l’imaginaire colonial, ses stéréotypes comme son lot de plaisanteries redoutables, afin de faire place à un autre état d’esprit. Comme le fait, par exemple, en ce moment, l’exposition « Kanak, l’art est une parole » montrée à Paris, au musée du Quai Branly.

L’histoire de la colonisation a longtemps été un point aveugle de la conscience française. Cela a été vrai non seulement pour la colonisation des XIXe et XXe siècles, qui va de la prise d’Alger en 1830 aux indépendances de 1960-1962, mais aussi pour la première phase de celle-ci, celle des XVIIe et du XVIIIe siècles, marquée par la colonisation des îles des Antilles et de l’Océan indien fondée sur l’esclavage et l’économie de plantations. L’une et l’autre ont été longtemps absentes en France de la mémoire collective comme de l’enseignement de l’histoire à l’école. Combien de Français savent que la traite et l’esclavage ont été organisés par la monarchie absolue, avec la création de compagnies d’État (Compagnies des Indes occidentales et des Indes orientales, Compagnie du Sénégal, etc.), et l’encouragement de la traite privée par le versement aux négriers d’une prime par « tête de nègre » importée dans les colonies ? Combien savent qu’on comptait au XVIIIe siècle plus de 3 300 navires spécialisés, à partir de Bordeaux, Nantes, Le Havre et pratiquement tous les autres ports de mer français ?

Des voix se sont fait entendre dans la société française et les départements d’outre-mer pour ne plus occulter cette histoire. Cela a abouti, en 2001, à la loi, précisément défendue par Christiane Taubira, reconnaissant l’esclavage comme crime contre l’humanité. Cela explique probablement en partie les attaques dont elle est l’objet. Mais un travail important reste à faire pour que cette page d’histoire retrouve sa place dans notre histoire nationale.

D’autant que le plus dur travail qui reste à faire concerne sur la seconde phase de la colonisation, celle des XIXe et XXe siècles. Car c’est à ce moment qu’à l’aide de références républicaines, un discours raciste s’est développé en France quand on a cherché à justifier le droit des nations européennes à conquérir des territoires lointains en affirmant leur « mission civilisatrice » et qu’a été introduite une distinction entre un « monde civilisé », blanc et européen, et un « monde barbare », extérieur à l’Europe. Cela a conduit à diviser l’humanité entre la race blanche « la plus parfaite des races humaines » et les races « de couleur » considérées comme inférieures et placées sur une sorte d’échelle hiérarchique en fonction de leur niveau supposé de civilisation. Et cela s’est produit sous la IIIe République, en invoquant le progrès et les idées républicaines.

Avant même qu’en 1885 la République approuve explicitement la politique coloniale prônée par Jules Ferry au nom de l’idée que les indigènes des colonies n’ont pas les mêmes droits que les autres hommes, le théoricien de la démocratie qu’est Alexis de Tocqueville, par exemple, avait, au milieu du siècle, esquissé cette théorie de l’« exception coloniale ». Bien que reconnaissant les effets désastreux de la colonisation de l’Algérie où « nous avons rendu la société musulmane beaucoup plus misérable, plus désordonnée, plus ignorante et plus barbare quelle n’était avant de nous connaître », il admettait que les règles qui devaient s’appliquer en Europe puissent être violées là-bas. Et en déduisait notamment que les violences contre les populations étaient, dans ce cas, légitimes. Puisque implicitement les « indigènes » n’étaient pas considérés comme étant vraiment des hommes, on pouvait recourir sans scrupules à des moyens que les droits de l’Homme condamnaient.

Avec Jules Ferry, l’aveu a été plus net encore : « Si nous avons le droit d’aller chez ces barbares, c’est parce que nous avons le devoir de les civiliser. […] Il faut non pas les traiter en égaux, mais se placer au point de vue d’une race supérieure qui conquiert », déclarait-il, par exemple, à la Chambre en 1884. Et, l’année suivante : « Il faut le dire nettement : oui, les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. Comment justifier, sinon, notre présence aux colonies : elles ne nous demandent pas ! » C’est pour nous un défi que de penser cette distinction porteuse de racisme tout en sachant qu’elle émane des penseurs importants de la démocratie comme Tocqueville ou Ferry. Face à leurs opposants républicains qui invoquaient l’universalité des droits de l’Homme, ils ont compris qu’il valait mieux éviter le débat sur les principes et chercher plutôt à mettre l’opinion de leur côté en recourant à des images et des plaisanteries qui instituaient comme une évidence la supériorité des Blancs sur les « sauvages ». Des représentations, des récits et toutes sortes de mises en scène ont contribué à faire entrer dans les esprits cette division « de bon sens » de l’humanité entre « Nous » et ces « Autres ».

Si on ne déconstruit pas cela, comment faire reculer aujourd’hui les préjugés à la source des divers rejets et discriminations qui minent la société française ? Notamment au détriment des personnes « d’origine maghrébine », des « musulmans d’apparence ou de patronyme », de celles venant des départements d’outre-mer ou d’Afrique, qui sont, du fait des mouvements migratoires, de plus en plus nombreuses dans la société française. De la même manière qu’on dit que ces personnes, dans leur vie sociale et professionnelle, se heurtent à un « plafond de verre », obstacle invisible mais bien réel, que n’institue souvent aucune loi écrite, on peut dire que ce processus s’enracine profondément dans un « socle de verre » constitué par les mentalités et représentations forgées à l’époque des colonies. Il est clair, dans ces conditions, que l’interrogation de la société française sur cette page de son histoire est une nécessité pour aujourd’hui. La société française vit un moment où le détour par ce passé est pour elle un passage obligé pour répondre à un certain nombre de questions sur son présent, et réagir aux divisions qui la menacent.

mardi 26 novembre 2013

Cercles de silence

« Cercles de silence » : respecter les droits du migrant



Les « Cercles de silence » plaident pour une politique migratoire respectueuse de chaque homme et de ses droits. Ils veulent alerter le public, de façon non-violente, sur la réalité des Centres de rétention administrative (CRA), comme celui de Rennes-St-Jacques (bus 57, Parc des Expositions). En Ille-et-Vilaine, plusieurs organisations (ACAT, Amitié entre les religions, CCFD, Cimade, Citoyens et chrétiens 35, Fraternités franciscaines, Ligue des droits de l’homme, Mouvement de la Paix, Secours catholique, Service civil international et Vie nouvelle) appellent le public à les rejoindre pour tout ou partie de l’heure prévue : 


A Saint-Malo, mardi 3 décembre, à partir de 17h 30, Porte Saint-Vincent ; 
A Rennes, mercredi 4 décembre, de 18h à 19h, place de la Mairie. 

Marchons contre le racisme

Appel national

Marchons contre le racisme,
le 30 novembre 2013
à Paris, en France et dans les Dom Tom



Un climat nauséabond s'installe dans notre pays. Le garde des Sceaux, Ministre de la Justice, Christiane Taubira, a subi ces dernières semaines des attaques racistes venues de temps obscurs que l’on croyait révolus.

Les déclarations racistes d’une candidate du Front national, les invectives d’enfants, téléguidés par leurs parents, traitant la ministre de la Justice de «guenon », sont une souillure pour la République. Ces propos attaquent frontalement des millions d’êtres humains originaires d’Afrique, des Caraïbes, des Amériques, de l’Océan indien, citoyens français ou non et dont les aïeux ont été jadis martyrisés du fait de leur couleur de peau. Ils constituent une atteinte violente contre toutes et tous car ils visent au cœur le pacte républicain.

Nous condamnons solennellement cette dérive raciste, de même que les actes et propos qui en ont permis la maturation. Nous n’admettons pas que des millions de personnes soient déniées dans leur humanité et leur citoyenneté, que ce soit en raison de leurs origines, de leur situation sociale, de leur culture, de leur religion... Nous ne supportons pas que des boucs émissaires soient désignés comme les responsables de nos maux et comme des menaces sur notre avenir.
Alors que la France doit affronter les énormes défis liés à la dégradation économique, au chômage et aux inégalités, face à ceux et à celles qui veulent aviver les souffrances sociales, les peurs et les  colères, nous nous dressons pour affirmer avec force : la République n’a 
d’avenir qu'égale, solidaire et fraternelle.

C’est pourquoi nous appelons toutes celles et ceux qui ont à cœur les  valeurs de l’humanité, toutes celles et ceux qui veulent opposer l’égalité et la fraternité aux visages hideux du racisme à participer à une marche le 30 novembre 2013 à Paris, ainsi que partout dans l'hexagone et dans les territoires ultramarins.

A l’initiative des associations antillaises Collectifdom et CM98Signatures nationales au 22 novembre :
Ligue des Droits de l’Homme, SOS Racisme, MRAP, LICRA, France Terre d'asile, CFDT, CGT, UNSA, FSU, Union syndicale Solidaires, CFTC, FCPE, Ligue de l’enseignement, UEJF, FIDL, UFAT, UNEF, UNL, R=Respect, UFAT, EGAM, FNASAT, Banlieues du Monde, Ni Pute Ni soumise, Collectif des écrivains nègres, Association ultramarine de France, Les amis du PPM en France, Haut Conseil des Maliens de France, Association pour la Promotion de la Langue et de la Culture Soninké, Association culturelle de musulmans de Drancy, Conseil de Coordination des organisations arméniennes, La Maison des potes, Mémorial 98, Syndicat des Avocats de France (SAF), Syndicat de la Magistrature, Les Marianne de la diversité, RESF, Fédération des Mutuelles de France, Mouvement de la Paix, Fondation Copernic, SNES, CIMADE, SNEP, SNUEP, DAL, Un toit c’est un droit.

SAMEDI 30 novembre à 16H
MANIFESTONS TOUS ENSEMBLE
CONTRE LE RACISME
Place de la MAIRIE à RENNES

samedi 23 novembre 2013

Nationalisme breton, racisme et antisémitisme




NATIONALISME BRETON, RACISME ET ANTISÉMITISME
LE CAS BORIS LE LAY 




Condamné le 24 juin 2013 à 18 mois de prison avec sursis et au paiement de 22 000 euros de dommages et intérêts et frais de justice, sur plainte de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), de la Ligue internationale contre l’Antisémitisme (LICRA), du Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA), de Yannick Martin, Monique Bras (dite Mona Braz) et Bernard Poignant, Boris Le Lay, le responsable du site nationaliste breton Breiz Atao, a aussitôt mis en ligne une vidéo pour faire part de sa jubilation.


Il a néanmoins aussitôt fait appel de sa condamnation. L’audience devait avoir lieu le 24 septembre à la Cour d’appel de Rennes ; elle a été repoussée au 19 novembre 2013.
L’avocat de la LDH, Me Gérard Taieb, en a profité pour demander à ce qu’un autre procès intenté contre Boris Le Lay pour propos antisémites tenus lors du décès de Serge Goldberg, soit joint à la procédure (suite à la mort tragique de Serge Goldberg, membre du MRAP, Boris Le Lay avait écrit : « Un Juif du MRAP écrasé par un train, c’est la fête. Marchez dedans, ça porte bonheur. »).

Autre occasion pour lui de se réjouir, le même jour avait lieu, à Brest, le procès qui lui était intenté par la conseillère générale Marie Gueye pour provocation à la discrimination et incitation à la haine raciale.
Condamné à quatre mois de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende, plus 3 000 euros de dommages et intérêts, Boris Le Lay a aussitôt fait appel de sa condamnation.
Le dossier devait également être plaidé en appel à Rennes le 19 novembre.

Entre-temps, le 13 juillet 2013, suite à une plainte initiée par la section de Rennes de la LDH, Boris Le Lay avait été appelé à comparaître pour provocation à la haine raciale, apologie de crimes contre l’humanité et contestation de crimes contre l’humanité.
Pas plus que dans le cadre des autres procédures, il n’a comparu.
Le procureur avait requis un an de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende. Boris Le Lay a été condamné à huit mois de prison avec sursis et 5 000 € d’amende, les plaignants recevant 1 500 € de dommages et intérêts et 800 € pour leurs frais de  justice.
Le tribunal a retenu les trois chefs d’accusation et noté que Boris Le Lay exprimait « le souhait que se reproduise (sic) un second holocauste ».
En vue de préparer l’audience du 24 septembre, Boris Le Lay avait mis en ligne la veille, à titre de déclaration d’intention, une image issue des archives du groupe nationaliste Breiz Atao :

« LA FRANCE AUX JUIFS LA BRETAGNE AUX BRETONS »



À la veille de l’audience du 19 novembre, il a mis en ligne un article programmatique, revendiquant son rôle « dans la lutte contre l’idéologie antiraciste ».



 « BREIZ ATAO a été en pointe dans la lutte contre l’idéologie antiraciste et le projet de société voulue par la vermine socialo-communiste qui a étendu ses tentacules sur notre pauvre pays enchaîné. C’est ce qui explique la chasse aux sorcières dont nous avons été victime lors de procès staliniens où la fine fleur de la pourriture socialiste et marxiste s’est manifestée. »

Le 19 novembre 2013 devaient donc être plaidés devant la Cour d’appel de Rennes trois dossiers.
Seul le premier a pu être plaidé, avec délibéré au 17 décembre, les deux autres (affaire Serge Goldberg, affaire Marie Gueye) ayant été renvoyés au 4 février.

Selon la tradition des nationalistes bretons, Boris Le Lay avait lancé une souscription pour lui permettre de faire face à ses frais de justice.


Enchanté du résultat, il s’était assuré l’assistance d’un avocat, Me Pierre-Marie Bonneau. Ce dernier a tenté de faire requalifier ce qu’il appelait ses « élucubrations » et ses « propos sans doute peu intelligents » en faisant feu de tout le bois juridiquement disponible.
Cela n’a pas empêché l’avocat général de requérir un an de prison dont 8 mois de prison ferme et 5 000 € d’amende au terme d’un réquisitoire soulignant la « lâcheté » de l’accusé, constamment défaillant au moment de répondre de ses écrits : « Les mots manquent face à tant de haine et de bêtise », a-t-il conclu avant de citer le Traité de la tolérance.
Il a été noté que Boris Le Lay entend faire appel de tous les jugements, aller en cassation aux frais des plaignants et continuer de rire de la Justice qui lui assure en le condamnant le plaisir de se moquer d’elle. 
                                              

          Compte rendu d’audience par Annie Clénet, présidente de la section rennaise de la Ligue des Droits de l’Homme, et Françoise Morvan.



Articles: 


-  "Diffamation. Prison ferme requise contre Boris Le Lay", Le Télégramme, 20 novembre. 



mercredi 13 novembre 2013

Contre la spéculation sur la haine

Communiqué LDH
Paris, le 13 novembre 2013


Contre la spéculation sur la haine



La LDH a pris connaissance, avec stupeur, de la dernière une de l'hebdomadaire d'extrème droite Minute, qui vient ainsi se rajouter à la triste litanie raciste de ces dernières semaines.

Alors qu'elle réutilise les expressions contre lesquelles des milliers de personnes et d'élu(e)s de tous bords se sont levés, à l'appel de la LDH, à Angers, ce lundi 11 novembre, c'est une nouvelle insulte, ouvertement et pleinement raciste, qui s'ajoute à une liste, déjà trop longue, de propos insupportables.

Une nouvelle fois, la LDH réaffirme son rejet de ceux qui spéculent sur la haine et des démagogues qui font preuve de compréhension. Il ne peut pas y avoir d'autre comportement que le combat contre ceux qui choisissent de d←finir des boucs émissaires pour alimenter des propos et des actes racistes.

Il s'agit de la République et de ses valeurs qui sont à chaque fois mises à mal et il appartient à chacun, citoyen(ne)s, médias et élu(e)s, de contribuer à mettre hors-jeu ces agressions répétées. Le poison du racisme qui mène à la désagrégation de notre société est à combattre sans relâche.

La LDH affirme son plein et entier soutien ¢ madame la garde des Sceaux, Christiane Taubira.

Communiqué Taubira


Rennes le 12 novembre 2013
Communiqué de la Ligue des Droits de l’Homme de Rennes

 
Mme Taubira a récemment été la cible d'injures racistes immondes auxquelles elle a réagi avec une grande dignité. Attachés à la défense des droits de l'homme et au respect de sa dignité, nous nous élevons non seulement contre de tels actes mais aussi contre la relative indifférence avec laquelle ils sont reçus par notre société. L'ignominie de ces insultes n'a d'égale que l'indigence intellectuelle de ceux qui les profèrent ou les propagent par la bouche de leurs enfants. C'est par incapacité à élaborer des argumentaires critiques à l'encontre de leurs cibles que les racistes en sont réduits aux insultes, apanage des faibles. Si d'aventure un semblant de raisonnement apparaît, il se fonde sur un obscurantisme niant l'unicité de l'espèce humaine et les droits fondamentaux de chacun de ses individus. C'est cela qu'il faut dénoncer et combattre, inlassablement.
En effet, ne rien dire, ne pas réagir, laisse entendre que ce n'est pas grave, voire – pire - que l'on cautionne de tels actes. Mais le racisme et les actes qui le manifestent ne doivent pas devenir « ordinaires ». Contrairement à l'expression en vogue, il faut que le racisme retrouve ses complexes. Il est pour cela nécessaire que des voix s'élèvent pour que ceux qui désapprouvent se sentent confortés et osent manifester – même et surtout dans la vie de tous les jours – leur désaccord. Comme l'écrivait déjà Jaurès en 1899 à propos des calomnies et des préjugés racistes, « Il faut être prêt à une rude besogne de destruction quotidienne. Il faut n’être ralenti ni par la persévérance du mensonge, ni par les calomnies abominables, ni par les préjugés persistants ».


12 novembre 2013

Rapport moral 2013

LDH section de Rennes

Rapport moral 2013


La lecture du rapport d’activité vous aura certainement permis d’apprécier toute la richesse, la diversité, et la difficulté des actions de cette année 2013.

Au lendemain des élections de 2012, nous avions espéré nous reposer un peu et pouvoir nous consacrer davantage à certains thèmes, tels que le monde du travail, la lutte contre les discriminations, dont les discriminations sociales, l’économie solidaire, les dossiers internationaux, le devoir de mémoire..

Notre désillusion fut forte et nous dûmes poursuivre les combats précédemment engagés. Tout était-il donc comme avant cet espéré « virage à gauche » ? Non….. Ce fut, c’est, peut-être … pire.

Les Obligations à Quitter le Territoire se sont multipliées, malgré les espoirs suscités par la circulaire qui aurait pu permettre des régularisations, les centres de rétention ne désemplissent pas, on y enferme même parfois encore des enfants. Les migrants restent presque toujours accueillis dans des conditions indignes. Des familles errent de logements précaires en logement temporaires malgré tous les efforts de militants fortement engagés sur le terrain.
Le monde du travail est sinistré, délocalisations, fermetures d’usine, licenciements… La crise a le dos large.
Précarisations du logement, de la santé, fragilisations, désespoir, colères, révoltes.

Comme le chante Charlélie Couture
« …
Tant de richesses accumulées
Tant d’opinions manipulées,
Tant de charges à supporter
Abondance à outrance
Trop de tout d’un côté
Trop de rien de l’autre côté… »

Or, nous pouvons difficilement compter sur l’appui de nos alliés d’avant, je veux parler des élus socialistes, qui ne peuvent se désolidariser de l’action gouvernementale, mais nous devons éviter malgré tout de participer à l’effondrement de cette gauche que nous avons choisie au risque de faire le jeu des extrêmes.

Dans ce tableau sombre, quelques lueurs, quelques avancées, que nous devons en très grande part à notre courageuse ministre de la Justice, madame Taubira. Je pense à la loi permettant le mariage pour tous, au projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines. Quelques avancées également dans le domaine de l’Éducation avec la loi sur la refondation de l’École, la réflexion sur le contenu de l’enseignement, la formation des enseignants, un meilleur taux d’encadrement des élèves.
Notre gouvernement actuel sait aussi montrer son attachement à l’un des fondements de notre République, la laïcité.
Dans ce contexte confus, quelles perspectives ? Devons-nous jouer les funambules ?

Je pense qu’en période de crise, de doute, il faut revenir à nos fondamentaux et relire nos statuts, nos missions, nos méthodes d’actions.

ARTICLE 1
Il est constitué une association française destinée à défendre les principes énoncés dans les Déclarations des droits de l’Homme de 1789 et de 1793, la Déclaration universelle de 1948 et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et ses protocoles additionnels.
Elle œuvre à l’application des conventions et des pactes internationaux et régionaux en matière de droit d’asile, de droit civil, politique, économique, social et culturel.
Elle combat l’injustice, l’illégalité, l’arbitraire, l’intolérance, toute forme de racisme et de discrimination fondée sur le sexe, l’orientation sexuelle, les mœurs, l’état de santé ou le handicap, les opinions politiques, philosophiques et religieuses, la nationalité, et plus généralement toute atteinte au principe fondamental d’égalité entre les êtres humains, toutes les violences et toutes les mutilations sexuelles, toutes les tortures, tous les crimes de guerre, tous les génocides, et tout crime contre l’humanité.
Elle lutte en faveur du respect des libertés individuelles en matière de traitement des données informatisées, et contre toute atteinte à la dignité, à l’intégrité et à la liberté du genre humain pouvant notamment résulter de l’usage de techniques médicales ou biologiques.
Elle concourt au fonctionnement de la démocratie et agit en faveur de la laïcité.
(…) »

Nous sommes une association civique, laïque, politique et donc généraliste qui entend lutter contre l’ensemble des atteintes aux droits de l’individu dans tous les domaines de la vie civique, politique et sociale, d’où là diversité et la complexité de nos champs de compétence. De plus nous voulons promouvoir la citoyenneté politique et sociale de tous et garantir l’exercice entier de la démocratie. Nous considérons que la défense des libertés politiques et celle des droits économiques et sociaux sont inséparables

Nous sommes sur tous les fronts défense des droits sociaux, respect de la vie privée, lutte contre les discriminations, le racisme et l’antisémitisme, défense des libertés publiques.

« LDH maintient, autant que cela est possible, un dialogue permanent avec les pouvoirs publics. Ceux-ci ne sont jamais des « ennemis » a priori. Elle se donne le droit de contrôler l’activité des structures de l’État lorsque la défense des droits est en cause : elle exerce un droit de critique et fait connaître ses critiques à l’opinion publique.
La Ligue des droits de l’Homme, enfin, propose les changements ou évolutions qui lui paraissent nécessaires. Elle sensibilise les pouvoirs publics et l’opinion publique à ces sujets ».

Nous avons là, notre ligne de conduite, notre légitimité à dénoncer, à agir, à proposer.
Lors de la journée de formation du 19 octobre dernier, notre président nous a exhorté à sortir de la sidération, il nous a demandé de verbaliser, d’échanger, de réfléchir afin de nous donner confiance.

« Nous devons être présents dans les débats publics lors des élections municipales et européennes, afin de faire connaître nos propositions  pour nous adresser aux forces démocratiques pour permettre à notre pays de résister aux idées d’extrême droite » - Pierre Tartakowsky.

Voilà donc un ordre de mission et d’action. Rassemblons-nous, échangeons, proposons, faisons avancer les idées républicaines, laïques, démocratiques pour le respect des droits de l’Homme. Faisons nôtres, les grandes campagnes de la Ligue des Droits de l’Homme  en nous appuyant sur les 35 propositions du pacte pour les droits et la citoyenneté, soutenons les campagnes pour l’inscription sur les listes électorales, sans oublier notre devoir de mémoire, je pense, au lendemain de la commémoration du 11 novembre, à la réhabilitation des fusillés pour l’exemple.

Plus que jamais nous avons besoin de la présence de chacun. Nous devons améliorer la promotion de nos idées afin de susciter de nouvelles vocations militantes.

Gardons espoir dans l’adversité en songeant à la volonté et au courage de celles et de ceux qui nous ont précédés. Le 10 janvier prochain, nous allons commémorer le 70ème anniversaire de l’assassinat de Victor et d’Ilona Basch. Que l’engagement de nos aînés nous serve de modèle !

Je dédie ce rapport moral et nos actions futures à notre ami Yves Quéau, à madame Simone Alizon et à Clara Kasekera Mokango, jeune femme mariée à un réfugié angolais et renvoyée en RDC, en grève de la faim, après 45 jours de rétention sans autre forme de procès.


Annie Clénet

Novembre 2013

lundi 11 novembre 2013

Rapport d'activité 2013

LDH Section de Rennes
Rapport d’activité 2013



Rappel : notre projet d’activité se déclinait en huit points.

  1. Poursuivre notre action en faveur de la défense des étrangers en situation irrégulière et en cours de renouvellement.
  2. Appliquer la politique définie par le congrès, le comité central et le comité régional
  3. Organisation de conférences ou de spectacles en lien avec la ligne d’action de la LDH nationale et/ou en partenariat avec la Ligue de l’Enseignement
  4. Organisation de débats dans le cadre de cafés-citoyens en lien avec la MJC du Grand Cordel.
  5. Participation aux actions concernant le devoir de mémoire :
  6. Mettre en place des actions de sensibilisation des droits de l’homme à l’intention des publics jeunes et des scolaires en partenariat avec la Ligue de l’Enseignement.
  7. Poursuivre le développement du partenariat avec les associations rennaises engagées dans la défense des droits de l’homme
  8. Poursuivre les actions d’information


Une grande partie de nos projets a pu être menée à bien, d’autres sont en cours de construction, certains sont en sommeil ou ont dû être modifiés. Aucune action n’aurait pu aboutir sans le travail militant de chacune et de chacun ni sans l’action efficace des membres du bureau. 
Parfois, lors de certaines manifestations, notre section n’a été représentée que par une ou deux personnes qui parviennent malgré tout à porter la voix de la Ligue dans l’espace public. N’oublions pas que notre présence, notre parole et nos prises de position sont attendues et respectées


Cette année encore, nous avons dû affronter quelques tempêtes, car certains combats restent âpres et des chagrins. Nous avons eu la douleur de perdre notre cher trésorier, dont le dévouement, la discrétion et l’efficacité ont été salués par tous.

Madame Alizon, s’est elle aussi éteinte, son témoignage vibrant d’intelligence et d’humanité résonne toujours en nous. 

1. action en faveur des migrants
2. Appliquer la politique définie par le congrès et le comité central
3. Conférences – ciné-débat -spectacle
  1. Nous avons poursuivi nos actions engagées, mais faute de temps, nous n’avons pas été aussi présents qu’en 2012 au Tribunal Administratif ou au CRA.

Nous avons rencontré le préfet une fois et le secrétaire général plusieurs fois, soit pour des problèmes généraux concernant le bureau des étrangers, soit pour des dossiers individuels.


1.2. Nous avons rencontré de nombreuses fois les députés, nous avons protesté lors de situations intolérables (familles avec enfants en rétention, réfugiée congolaise mariée en France et renvoyée au bout du 45ème jour de rétention).
Nous participons à un groupe de travail à la Ville de Rennes sur les conditions de logement des migrants à Rennes.

1.3. Faute de compétences juridique notre ’aide pratique pour des dossiers ne se fait qu’en collaboration avec la CIMADE dont nous remercions chaleureusement sa présidente pour son aide active et efficace.

Nous avons eu la satisfaction d’obtenir une issue favorable pour plusieurs personnes.

La section a été représentée au congrès, aux journées de formations ainsi que dans les instances régionales.

2.1 a. Organisation d’un débat au sujet du droit de vote des étrangers non communautaires. (campagne à poursuivre).
b. Des entretiens réguliers ont pu avoir lieu avec les élus notamment sur la politique migratoire, le centre de rétention et le problème du logement des migrants.

2.2. a. Participation aux actions en faveur du mariage pour tous.
b. Participation à la remise du guide du prisonnier avec l’Observatoire International des Prisons. Courriers aux directeurs des prisons pour l’inscription sur les listes électorales et l’exercice effectif du droit de vote.

2.5. Nous avons refusé de siéger au comité d’éthique concernant la vidéo-surveillance,.
Cet axe reste à développer, tout comme celui sur l’égalité homme/femme (2.3)

Nous devons réfléchir à une meilleure campagne d’adhésion, à la fidélisation des adhérents, à leur participation aux actions de la section.
La création d’une fédération départementale est à concrétiser afin de mieux coordonner les actions de la LDH en Ille et Vilaine.
Les orientations nationales pour lutter contre les idées d’extrême droite sont à mettre en œuvre ainsi que la poursuite des interpellations des candidats aux élections.
En réponse à des invitations de cinémas associatifs (à Plélan, Guichen, Cesson-Sévigné, nous avons participé à quelques cinés débats autour des films « article 23 », ou « Sharqiya ».

Une seule conférence (sur Jaurès) a été organisée.
Une ligueuse est intervenue sur les discriminations liées au handicap lors de la venue de Josef Schovanec.

Nous n’avons pas réussi à organiser d’autres conférences, ni à concrétiser notre projet de spectacle « la dernière scène ».

Nous préparons activement Préparation la journée de commémoration du 70ème anniversaire de la mort de Victor et Ilona Basch.

4. Débats et cafés-citoyens en partenariat avec la MJC du Grand Cordel

Un seul débat organisé à la MJC (droit de vote des étrangers non communautaires).
L’expérience serait à renouveler car le public touché était bien plus vaste que notre public habituel.

5. devoir de mémoire et actions
6. actions dans les établissements scolaires
2 partenariats avec les associations
7 Communication
En hommage à madame Alizon, décédée cet été, nous demandons à la Ville de Rennes de faire inscrire son nom, au côté de celui de sa sœur, sur la plaque de la la rue Marie Alizon.

Nous sommes restés vigilants au sujet des extrémistes bretons (site de Boris Le Lay, réécriture de l’histoire, protestation contre un article élogieux de Xavier de Langlais dans un journal de quartier).

Nous avons également été vigilants quant aux actions de l’extrême droite dans notre région (propagande électorale du FN°). Par contre, nous ne sommes pas membres de certains collectifs antifascistes.

Cette année encore nous avons été présents lors de la cérémonie de commémoration du 8 mai 1945 au square de Sétif ainsi que lors de la commémoration du 17octobre à la passerelle des jumelages.

Participation à « la vague blanche » pour la Syrie.
La campagne pour la réhabilitation des fusillés pour l’exemple est à accentuer en 2014.
Nous devons également être plus actifs lors de la journée mondiale contre la peine de mort, le 10octobre.


Nous avons été contactés par quelques établissements scolaires et sommes intervenus dans un collège de Montfort sur Meu ainsi qu’au lycée Victor et Hélène Basch, suite à l’exposition autour des Droits. Nous avons été invités par les documentalistes de ce lycée lors des travaux autour du concours de plaidoiries.


Ces actions sont toujours à développer. Nous pourrions promouvoir davantage la campagne du concours des écrits organisé par la LDH ou nous appuyer sur les nouveaux champs des instructions officielles. Nous avons toute notre place pour parler de la défense des valeurs républicaines, de l’exercice de la citoyenneté ou pour intervenir pour parler des Fusillés pour l’exemple.



Nous avons pu renforcer nos liens avec les associations locales de défense des droits de l’Homme, tout en gardant notre spécificité et notre indépendance.

CIMADE –Amnesty International – MRAP – RESF- RUSF – GISTI – Comités locaux – Cercles de silence – Mouvement de la Paix – ACAT – OIP (droit des prisonniers) – Autisme 35 – Comité laïcité 35. ATD Quart-Monde – Un toit c’est un droit -DAL

Ce partenariat est indispensable pour élargir notre audience. La solidarité inter-associations est essentielle lors des négociations avec la préfecture ou la Ville (logement des migrants).

Nous avons rencontré plusieurs fois les députés en compagnie des militants du cercle de silence pour protester contre les centres de rétention.
Nous participons à un groupe de travail à la mairie sur la question du logement des migrants.

Nous avons participé activement à journée de refus de la misère le 17 octobre.


Nous avons amélioré notre visibilité dur le net surtout via notre page Facebook.
Nous sommes lus.
Nos informations sont diffusées.

Nous sommes également correctement référencés car nous avons souvent été contactés après des recherches sur le net.

Il faudrait veiller à alimenter plus régulièrement notre blog.

Par contre, faute de rédacteurs disponibles, notre bulletin est en sommeil, ce qui est fort dommage.


Cette année nous avons été interviewés plusieurs fois pour des radios locales ou la presse écrite (mariage pour tous – émission canal B – problèmes à la préfecture – vidéo-surveillance).

Nous devons poursuivre nos efforts de communication avec la presse, présenter nos actions, nos projets lors de conférences de presse.

samedi 9 novembre 2013

Fusillés pour l'exemple

Fusillés pour l’exemple

Par Yves Tréguer



Déjà la pierre pense, où votre nom s’inscrit
Déjà le souvenir de votre nom s’efface
Déjà vous n’êtes plus qu’un mot d’or sur nos places
Déjà vous n’êtes plus que pour avoir péri

ARAGON –« Tu n’en reviendras pas »



La proche célébration de l’armistice du 11 novembre 1918, le centième anniversaire à venir en 2014 du déclenchement de la première guerre mondiale vont faire ressurgir la cause des fusillés pour l’exemple, à laquelle la Ligue des droits de l’Homme est liée, à travers ses campagnes contre l’iniquité des décisions des tribunaux militaires et pour la réhabilitation des victimes. La défense de cette cause a été, on le sait, un des engagements majeurs de la Ligue et même, selon l’expression de Gilles Manceron, « après l’affaire Dreyfus, son second grand combat fondateur ».

Un long travail, avec des victoires sur le plan législatif et judiciaire, qui a permis de rendre justice à quelques dizaines de soldats : c’est le cas, intéressant la Bretagne, de deux soldats, François Laurent, de Mellionnec, exécuté en1914 et celui, plus connu, de Lucien Lechat, l’un des caporaux de Souain, exécuté en 1915 dont nous allons évoquer la mémoire.
Pour autant, depuis les années 1930, le cas d’autres fusillés ou de victimes d’exécutions sommaires, reste à examiner, et le combat n’est pas fini aujourd’hui….

Un bref rappel s’impose, pour comprendre le contexte des années 14-15 .C’est en effet dans ces années qu’ont eu lieu la plupart des 600 exécutions de la Grande Guerre (430 environ), alors que la postérité a surtout retenu la répression des mutineries de 17.
Au début des opérations l’État major se place dans la perspective d’une guerre courte et elle recherche avant tout une justice sévère et expéditive. Il s’en donne les moyens en obtenant par les décrets du 2 août et du 6 septembre 1914 les « conseils de guerre spéciaux »qui permettent de punir de façon exemplaire à l’aide d’une procédure simplifiée, avec des droits de la défense réduits. Pas de possibilité de grâce ou de révision, sentence de mort applicable dans les 24 heures.

On fusillera donc pour l’exemple c’est à dire qu’un soldat pourra être exécuté pour avoir commis un délit précis mais aussi « pour faire un exemple » susceptible de maintenir une obéissance stricte, qui est, on le sait, la force principale des armées.
Le souvenir de 1870 et de la débandade des armées françaises reste un souvenir cuisant. Un certain nombre de cas de peines de mort est prévu dans la réglementation : nous en retiendrons deux qui seront la cause de la condamnation de François Laurent et de Lucien Lechat, la mutilation volontaire et le refus d’obéissance. La condamnation est d’autant plus aisée que selon un historien, cité dans une thèse récente « il existe un décalage entre les théories du soldat-citoyen et les représentations communes des chefs militaires, cette conception des troupiers comme matériau obéissant, silencieux et consommable »(1).

François Laurent.
L’histoire du soldat de Mellionnec n’est pas très connue et n’a pas fait l’objet d’un culte mémoriel, comme celui des caporaux de Souain, que nous aurons l’occasion d’évoquer.
Elle a, en revanche, fourni le sujet d’un texte remarquable de Louis Guilloux, paru dans Vendredi, le 5 Juin 1936,en plein triomphe électoral du Front populaire, et moins de 3 ans après la réhabilitation du soldat breton ,le 6 décembre 1933. Le texte s’appelle « Douze balles montées en breloque ».On pourrait l’appeler un texte de fiction documentée, tant, dans sa première partie, il reste proche des faits. Laissons-lui la parole : « Le Bihan était né dans un hameau où on ne parlait que le breton. Il ne savait pas le français du tout. Le peu qu’il avait appris à l’école, il l’avait oublié entièrement. Il était aussi ignorant qu’on puisse l’être, ce qui ne fût pas arrivé si on l’avait instruit dans sa langue. Il le disait, et ne comprenait pas pourquoi on ne l’avait pas fait, puisque l’institutrice, bretonne comme lui, savait naturellement le breton. Mais il était interdit à l’institutrice de parler le breton à l’école….
Il partit dès le premier jour…..Un matin, le soldat Le Bihan tiraillait derrière un bosquet, quand vint l’ordre de se porter en avant. Comme il s’élançait, une balle lui traversa la main droite de part en part. Il n’en continua pas moins de courir. Mais quand, de nouveau couché par terre, il voulut recommencer à tirer, il ne le put, et le capitaine lui donna l’ordre de rejoindre le poste de secours le plus proche. Il se mit en route et après quelque temps arriva au poste où il montra sa blessure à un major, qui parut extrêmement intéressé…..
Le major lui posa diverses questions, auxquelles Le Bihan ne répondit pas, ne les ayant pas comprises. Le major n’insista pas. D’une part, il n’avait pas de temps à perdre, et, d’autre part, il avait ses idées arrêtées sur la discipline aux armées, et la manière de la faire observer. Il griffonna quelque chose sur un bout de papier, qu’il remit à Le Bihan, et donna l’ordre à un planton de le conduire plus loin à l’arrière, ce qui fut fait….Le Bihan se laissa conduire où l’on voulut….Or, aussitôt « remis aux autorités »et le billet du major déchiffré, le soldat Le Bihan fut conduit au poteau et fusillé. Accusation : blessure volontaire à la main droite.»
Le fameux billet du major, qui conduisit à la mort François Laurent, nous l’avons à disposition(2).Il est disponible aux archives des services historiques de l’armée de Terre(Dossier Laurent, série J, SHAT) :il s’agit des célèbres certificats du Dr Buy ,en grande partie prérédigés, qui firent exécuter deux autres soldats, réhabilités en1925 et en 1934,ce qui fait dire à Nicolas Offenstadt (3)que « (ces certificats) ne contribuent pas à améliorer cette image de la médecine militaire dans l’entre-deux-guerres ».
A la suite de l’action d’anciens combattants, le conscrit de Mellionnec est réhabilité, sa famille reçoit la somme de 10.000 francs et la mairie de sa commune refait faire une plaque où le nom de François Laurent figure parmi les noms des morts au champ d’honneur.
Sa fiche consultable sur le site SGA, Mémoire des Hommes, mentionne : mort pour la France le19 octobre1914.Genre de mort : fusillé, puis : réhabilité par jugement le 3 décembre1933.
Les nationalistes bretons font de François Laurent, mort de ne pas avoir pu se défendre en français « la victime de la domination française en Bretagne », et, en 1934 Breiz Atao proteste contre la présence du préfet à la cérémonie de réhabilitation. En 1982, un film bilingue sur «  Francès Laorans »est tourné à Clohars Carnoët que la famille du soldat désavoue.

Lucien Lechat.
Le cas de Lucien Lechat, né dans la commune de Le Ferré, Ille et Vilaine, est beaucoup plus connu, car il fait partie d’une affaire restée célèbre, celle des caporaux de Souain. Cette affaire a donné lieu à une médiatisation et à un culte mémoriel exceptionnels.(4)
Les faits sont bien connus. Le 10 mars 1915,l es soldats de la 21ième compagnie du 336ième régiment d’infanterie reçoivent l’ordre de sortir des tranchées et d’attaquer à la baïonnette. Les précédentes attaques avaient été des échecs sanglants.
La préparation d’artillerie atteint (volontairement ?) les tranchées françaises. Épuisés, démoralisés, les soldats refusent de quitter leurs abris.
Le général Réveilhac veut des sanctions pour refus d’obéissance : elles visent 6 caporaux et 18 soldats. Finalement, le16 mars, après un procès expéditif, sont condamnés à mort, d’une façon arbitraire qui fait penser aux anciennes décimations en usage dans les légions romaines, 4 caporaux, dont le plus jeune est Lucien Lechat. Le 17 mars, ils sont fusillés, deux heures avant que les peines n’aient été commuées en travaux forcés..Le général Réveilhac ne sera pas inquiété. Une loi d’amnistie, votée en 1919 empêche même les sanctions contre les chefs responsables d’exécutions sommaires. Qui plus est, il sera fait plus tard grand officier de la Légion d’honneur.
La réhabilitation : le combat admirable de Blanche Maupas (à Sartilly, dans la Manche) pour la réhabilitation de son mari, l’un des 4 caporaux, est bien connu(5).Elle fut aidée par des groupes d’anciens combattants et par la Ligue des droits de l’Homme dont l’action en faveur des fusillés pour l’exemple fut l’une des grandes causes dès la fin de la guerre.
Moins connus sont les efforts d’Eulalie Lechat, la sœur de Lucien, qui soutenue par la Ligue, obtint en mars 1934 que son frère soit réhabilité.
Le souvenir de l’enfant du pays ne s’est jamais éteint.
Le 24 novembre 2004, à l’initiative du maire de Le Ferré, Monsieur Pautrel, a eu lieu, une cérémonie religieuse et civile d’une très grande ferveur. Une délégation venue de Sartilly associait une fois encore les deux noms de Lechat et de Maupas et ceux de Girard et Lefoulon dans un souvenir commun. Notre section, à la demande de la mairie, était présente en la personne de son président .Le chant de Craonne et le chant des partisans résonnèrent au cimetière pour l’inauguration de la plaque du souvenir. La journée se termina avec une remarquable conférence de Nicolas Offenstadt, qui suivait l’hommage au cimetière.
Et maintenant ?
Comme le rappelle à juste titre Gilles Manceron, dans un article daté de 2008 de Hommes et Libertés, intitulé « La mémoire des fusillés de la Grande Guerre », des questions très importantes restent en suspens ;
Chacun se souvient de la déclaration, faite le 5 novembre1998, de Lionel Jospin, premier ministre, à Craonne, haut lieu des souffrances des poilus : « Certains des soldats, épuisés par des attaques condamnées à l’avance, glissant dans une boue trempée de sang plongés dans un désespoir sans fond, refusèrent d’être des sacrifiés. Que ces soldats « fusillés pour l’exemple », au nom d’une discipline dont la rigueur n’avait d’égale que la dureté des combats, réintègrent aujourd’hui, pleinement, notre mémoire collective nationale».
Depuis, rien. Or il reste des cas graves, que recense l’article d’Hommes et Libertés, notamment dans les troupes coloniales.
Le combat des ligueurs pour défendre la mémoire des fusillés de 14-18, va revenir en force, en 2014, pour le centième anniversaire du début de la guerre pour lequel il faut nous mobiliser dès à présent. Ce combat n’est pas terminé.

(1) in André Loez : 14-18.Gallimard .Folio histoire .Les refus de la guerre
2010.p 61.
(2)Une photo de ce certificat du Dr Buy, figure à la page 41 du livre de Nicolas Offenstadt :Les fusillés de la grande guerre et la mémoire collective(1914-2009)Éditions Odile Jacob 2009.
(3) Offenstadt, op cité p 40.
(4)Essentiellement, le film de Stanley Kubrick, Les sentiers de la gloire, sorti en 1957….et projeté en France en 1975,18 ans plus tard.
(5).Un film de Patrick Jamain, Blanche Maupas, a été donné, en 2009, à la télévision.