mardi 13 octobre 2015

[Communiqué LDH] Un prix Nobel qui honore la société civile tunisienne

Paris, le 12 octobre 2015

La Ligue des droits de l’Homme a eu l’occasion, à maintes reprises, d’exprimer sa solidarité envers toutes les forces de la société civile qui se sont battues pour faire reconnaître l’aspiration à la liberté et à la dignité du peuple tunisien. Elle se réjouit de l’attribution du prix Nobel de la paix au quartet qui a conduit le dialogue national permettant à la Tunisie de trouver le chemin d’une démocratie pluraliste.

Après les années de plomb du régime Ben Ali, le « printemps de jasmin » a ouvert la voie à l’ensemble des printemps arabes et confère à la Tunisie une responsabilité particulière. Le chemin qu’elle a choisi est difficile et le pays reste confronté à d’énormes difficultés économiques, financières et sociales. Les récents attentats perpétrés au musée du Bardo et dans un hôtel de Sousse témoignent de la volonté portée par certains groupes terroristes de plonger le pays dans le chaos, de déstabiliser l’Etat de droit et de le pousser à remettre en cause les acquis du printemps 2011 par une réponse exclusivement sécuritaire.

Avec ce prix, c’est l’ensemble de la société civile tunisienne qui est honorée, et la LDH entend poursuivre ses liens avec l’ensemble des forces démocratiques qui, sur le terrain, œuvrent à la défense de la démocratie et des droits de l’Homme.

jeudi 17 septembre 2015

Tribune de Françoise Dumont, présidente de la LDH.

L’État veut couper les vivres à la Fasti

Alors que la France s’est engagée 
à accueillir 24 000 réfugiés
 
Source : L'Humanité, 11 septembre 2015, http://www.humanite.fr/letat-veut-couper-les-vivres-la-fasti-583620
 
L’État dépense des dizaines de millions d’euros pour empêcher les migrant-e-s de poursuivre leur route migratoire, des centaines de millions d’euros pour expulser des étranger-e-s vivant tranquillement en famille, ou encore des réfugié-e-s vers leurs pays en guerre comme le Soudan et l’Afghanistan ; il bloque les réfugié-e-s à la frontière italienne, au mépris des accords de Schengen ; il laisse à la rue des centaines d’enfants étrangers sans famille, et il fait voter des lois de réclusion renforcée des demandeurs d’asile malchanceux.
Derrière cette spectaculaire politique de fermeture, on connaît peu l’entreprise de précarisation grandissante des migrant-e-s par toutes sortes de ruses administratives, et encore moins le travail de fourmi des associations auxquelles l’État délègue la mission d’accueil, d’accompagnement et d’insertion sociale des immigré-e-s. Parmi elles, les 57 Associations 
de solidarité avec tou-tes les immigré-e-s (Asti) et leur fédération, la Fasti, sont ainsi mobilisées pour l’égalité des droits de toutes et tous.
Leurs actions, comme celles d’une large partie du monde associatif, sont financées majoritairement par des fonds publics à différents échelons – collectivités territoriales, ministères, agences régionales de santé (ARS)… – sur la base d’appels à projets, renouvelés année après année. Ces financements sont nécessaires à la Fasti pour assurer les missions que lui ont confiées les Asti, notamment de coordination, de formation et de mutualisation des pratiques locales (accompagnement des personnes primo-arrivantes, accompagnement à la scolarité, formation linguistique, orientation vers les structures de droits communs, etc.)
Aujourd’hui, la Fasti est en danger : une récente décision du ministère de l’Intérieur, par le biais de la direction de l’accueil, de l’accompagnement des étrangers et de la nationalité (Daaen), compromet gravement la survie de ce mouvement pour la solidarité et la défense des droits des migrant-e-s. En effet, la Daaen vient de mettre un terme brutal à la subvention qu’elle accordait à la Fasti depuis plusieurs années, d’un montant de 105 000 euros annuels, une part conséquente d’un budget qui permettait de financer la formation des militant-e-s et bénévoles aux droits des étranger-e-s, aux techniques d’écoute et d’accueil, à la prévention et à la détection des situations de violences faites aux femmes.
Via quelques lignes transmises début août, la Daaen l’a informée ainsi : « Malgré tout l’intérêt porté à votre demande, j’ai néanmoins le regret de vous informer que votre projet n’a pu être retenu, au regard des priorisations que l’administration a dû effectuer dans le cadre d’une enveloppe budgétaire contrainte. » C’est dans cette logique néolibérale et de mise en concurrence des associations qu’on choisit, qu’on trie… Une association de plus qui disparaît au nom de priorités (dont nous ne connaissons pas le contenu), cela devient juste un acte technique.
Usager-e-s, militant-e-s associatif-ve-s, bénévoles, chercheurs-euses, artistes, éditeurs/éditrices, avocat-e-s, médecins… nous avons fait route avec la Fasti et/ou nous soutenons ses actions. Nous nous reconnaissons dans les batailles menées contre les discriminations sexistes, sociales et racistes, des années 1960 jusqu’à aujourd’hui, et dans les actions visant à favoriser l’émancipation de toutes et tous (permanences d’accès aux droits, ateliers sociolinguistiques, accompagnement à la scolarité, repas partagés…).
Nous ne pouvons pas accepter que soit ainsi sacrifiée une fédération d’associations et, avec elle, la vie de 25 000 bénéficiaires, l’engagement de 2 000 bénévoles et d’une dizaine de salarié-e-s. Sacrifier la Fasti sous couvert d’économies, c’est faire disparaître une association sérieuse, engagée, militante, qui participe, au quotidien, à faire vivre la solidarité et les engagements contenus dans la déclaration internationale des droits de l’homme, le préambule de la Constitution française et toutes les conventions en matière de respect des droits humains signés par la France. C’est faire le choix d’asphyxier un contre-pouvoir pourtant nécessaire à la vie démocratique.
Cela, alors même que le contexte national et international exigerait un renforcement de son action. 
Le nombre de personnes mourant sur les routes migratoires n’a en effet jamais été aussi élevé ; les actes racistes se multiplient et les discours publics ouvertement xénophobes se banalisent ; les lois sont de plus en plus répressives, liberticides 
et suspicieuses à l’égard des migrant-e-s et de leurs soutiens, quand elles ne contribuent pas à les criminaliser.
Détruire une organisation comme la Fasti, c’est affirmer l’abandon d’une politique migratoire respectueuse des droits humains, c’est affirmer l’abandon pur et simple du principe de solidarité.
Pour une véritable égalité des droits, la Fasti doit vivre !


Ce texte a été signé par : Jérôme Ruillier, scénariste et dessinateur de bandes dessinées
; Christophe Dabitch, auteur de bandes dessinées et écrivain ; Benjamin Flao,
scénariste et dessinateur de bandes dessinées ; Lionel Brouck, dessinateur de bandes
dessinées ; Grégory Lassalle, documentariste ; Romain Goupil, cinéaste ; Laurent
Cantet, cinéaste ; Christophe Ruggia, cinéaste ; Brigitte Roüan, cinéaste et comédienne ;
Pedro Vianna, rédacteur en chef de la revue Migrations-Société, éditions L’Agrume ;
Julien Salingue, docteur en science politique ; Éric Fassin, sociologue à l’université Paris-
VIII ; François Brun, sociologue ; Pierre Barron, sociologue ; Nicolas Jounin, sociologue ;
Olivier Le Cour Grandmaison, politologue ; Françoise Lorcerie, directrice de recherche
au CNRS ; Emmanuel Terray, anthropologue ; Marguerite Rollinde, sociologue ; Claude
Calame, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales ; Françoise
Martres, présidente du Syndicat de la magistrature ; Patrick Picard, syndicaliste CGT ;
Christine Kermoal, syndicaliste CGT ; Birgit Hilpert, syndicaliste CGT ; Marc Norguez,
syndicaliste CGT ; Éric Beynel, secrétariat national de l’Union syndicale Solidaires ; Cécile
Gondard-Lalanne, secrétariat national de l’Union syndicale Solidaires ; Sébastien
Peigney, secrétariat national de l’Union syndicale Solidaires ; Gus Massiah, ancien
président du Crid ; Abdallah Zniber, ancien président du réseau IDD ; Mouhieddine
Cherbib, ancien président de la FTCR ; Jean Rousseau, président d’Emmaüs International ;
Sissoko Anzoumane, porte-parole de la CSP 75 (coordination des sans-papiers du 75)
et de la CISPM (Coalition internationale des sans-papiers et migrants) ; Françoise Dumont,
présidente de la LDH ; Patrick Farbiaz, représentant de Sortir du colonialisme ;
la Cimade ; le Mrap ; le Comede, le Gisti.

mercredi 5 août 2015

[Communiqué commun] Projet de loi immigration : à quand une vraie réforme, respectueuse des droits des étrangers ?

Paris, le 30 juillet 2015.

Le projet de loi « Droit des étrangers », adopté le 23 juillet en première lecture à l’Assemblée nationale, s’inscrit globalement dans la même logique que les lois mises en place par la précédente majorité, les aggravant même parfois. Nos organisations demandent une révision du texte qui garantisse le respect des droits fondamentaux des personnes étrangères.
C’est une réforme de fond qui était attendue de la part d’un gouvernement de gauche. Une clarification et une sécurisation du droit au séjour, permettant de rendre effectifs des principes tels que le droit de chacun.e au respect de sa vie privée et familiale. Un renversement de la logique d’intégration, affirmant que les personnes étrangères ont besoin de droits pour s’intégrer, et non de s’intégrer pour mériter des droits. Un arrêt de la politique désastreuse d’enfermement et d’expulsion de femmes, d’hommes et d’enfants au seul motif de leur situation administrative, sans réel regard sur leurs vies, leurs vulnérabilités, leurs droits. On ne retrouve rien de tout cela dans le projet adopté en première lecture par l’Assemblée.
Prétendant apporter des améliorations en matière de séjour, le texte perpétue voire aggrave la précarité de la situation des personnes en situation régulière. La carte pluriannuelle, présentée comme une grande avancée, peut être retirée à tout moment, et l’accès à la carte de résident, seule garante de leur sécurité juridique, reste limité.
Certes, le texte renforce le droit au séjour pour les personnes victimes de violences et les parents d’enfant malade, et facilite l’accès à la nationalité française pour les enfants entrés en France avant l’âge de six ans.
Mais il demeure silencieux sur le sort des personnes enfermées dans les zones d’attente et de toutes les personnes qui vivent en France sans titre de séjour, parfois dans la précarité depuis de nombreuses années, notamment les travailleur.euses « sans-papiers ». Pour elles, surveillance et suspicion sont les mots clés de la réforme qui renforce les moyens de contrôler, sanctionner, enfermer et expulser.
Le droit d’accès des préfets aux données personnelles détenues par les banques, écoles, hôpitaux… n’a nullement été remis en cause par l’Assemblée nationale. Pas plus que la possibilité qui leur est donnée d’interpeller au domicile, ou d’user à loisir de l’assignation à résidence ou de la rétention administrative. Certes, l’intervention du juge des libertés est restaurée dans un délai plus rapide, mais la durée de l’enfermement décidée par ce même magistrat est d’emblée rallongée. En outre, les audiences du juge administratif en visioconférence sont instituées, s’ajoutant à la cohorte des dispositions réservant aux personnes étrangères une justice d’exception au rabais.
L’inadmissible pratique qui consiste à placer des enfants derrière les barreaux des centres de rétention, avec laquelle le candidat Hollande avait promis d’en finir, est désormais inscrite dans le marbre.
Quant au régime dérogatoire très défavorable des départements d’outre-mer, d’où plus de la moitié des expulsions sont réalisées dans les conditions les plus éloignées du droit, il est maintenu.
Le texte sera discuté à l’automne au Sénat, avant un nouveau passage à l’Assemblée nationale. Il est encore temps : pour une politique migratoire respectueuse des droits des personnes migrantes, des mesures de fond, portées non seulement par nos organisations mais aussi par des autorités telles que le Défenseur des droits ou la Commission nationale consultative pour les droits de l’Homme, doivent être mises en débat et adoptées.

samedi 1 août 2015

Le parlement israélien approuve la loi sur l’alimentation forcée au mépris des droits fondamentaux

Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
31 juillet 2015 

Le parlement israélien vient d’approuver ce matin un projet de loi autorisant l’alimentation forcée. Cette loi permet d’alimenter de force un prisonnier en grève de la faim.
L’alimentation forcée est définie comme étant un acte de torture par l’Association Médicale Mondiale et est condamnée par les Nations unies ainsi que par le Comité International de la Croix Rouge.
Cette loi est la réponse du gouvernement israélien aux mouvements successifs de grève de la faim portant les revendications des prisonniers pour leur libération et l’amélioration de leurs conditions de détention. C’est une nouvelle atteinte à leurs droits fondamentaux.
Israël emprisonne actuellement plus de 5700 Palestiniens en violation du droit international. Ainsi, les détenus palestiniens sont systématiquement transférés dans des établissements situés sur le territoire israélien, en violation des articles 49 et 76 de la IVe Convention de Genève qui prohibe les transferts forcés d’individus hors du territoire occupé.
Les conditions de détention des Palestiniens dans les prisons israéliennes sont extrêmement dures et impliquent un large éventail de violations du droit international humanitaire et de la IVe Convention de Genève : torture, transferts de prison à prison, détention administrative, isolement, interdiction de visites, absence de traitements médicaux, et autres mauvais traitements.
L’alimentation forcée, outre les questions éthiques qu’elle pose sera un moyen d’interdire aux prisonniers palestiniens la grève de la faim, arme ultime, qu’ils utilisent au risque de leur vie, pour faire valoir les droits qui leurs sont déniés par le système judiciaire israélien.
La Plateforme des ONG françaises pour la Palestine condamne cette pratique et souhaite que la France en tant que Haute Partie contractante à la quatrième Convention de Genève agisse urgemment pour le retrait de cette loi.