lundi 26 octobre 2015

Recensement des évacuations forcées de lieux de vie occupés par des Roms (ou des personnes désignées comme telles), en France

(3e trimestre, année 2015)



Durant le 3e trimestre 2015, 4 767 personnes se sont faites évacuées de force par les autorités de 42 lieux de vie. 100 personnes ont dû quitter un lieu de vie faisant suite à un incendie. Ces chiffres représentent presque un doublement du nombre de personnes évacuées de force par rapport au trimestre précédent. Pratiquement le tiers des personnes recensées par les autorités vivant dans un bidonville ont été expulsées.

Il y eut 32 évacuations forcées faisant suite à une assignation par les propriétaires des terrains ou des squats devant les tribunaux, 8 faisant suite à un arrêté d’insalubrité ou de péril pris par la mairie ou le préfet et deux abandons de bidonville par les personnes elles-mêmes, sous la menace d’une évacuation forcée imminente. Sur les 42 évacuations effectuées par les autorités, des solutions d’hébergement temporaires n’ont été proposées que 11 fois. À la suite des 31 autres évacuations, les familles ont été tout simplement mises à la rue par les forces de l’ordre. Durant l’évacuation faisant suite à un incendie, il n’y a pas eu de solution d’hébergement d’urgence mise en place.

Depuis le début de l’année, la région Ile de France continue de concentrer 63 % des personnes évacuées.

Nous considérons que la circulaire du 26 août 2012 n’est plus qu’une lettre morte.

Les dernières condamnations internationales à l’encontre de la France sont lourdes.

« Il apparaît de plus en plus clairement qu’il existe une politique nationale systématique d'expulsions de force des Roms », a dit le Haut Commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, Zeid Ra’ad Al Hussein.[1]
Les résultats observés ne font que confirmer ce constat accablant de l’expulsion « systématique ».

Comme le dit le Haut-Commissaire : « Deux des principaux organes des traités internationaux, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale et le Comité des droits de l’homme, ont plus tôt cette année exhorté la France à s'abstenir de telles expulsions forcées sans offre d'hébergement alternatif. Je me joins à eux pour demander à la France de remplacer cette politique punitive et destructrice par une politique véritablement inclusive. »

Cette politique d’expulsions est nuisible, car elle ne fait qu’aggraver la situation de précarité de ces personnes ; elle est absurde, car elle n’atteint pas l’objectif poursuivi d’éradiquer le bidonville, un autre se recréant juste un peu plus loin ; elle est aveugle puisque les autorités continuent depuis déjà des années à pourchasser inlassablement ces personnes, d’expulsion en expulsion, sans aucune amélioration ni résultat.

D’autre part, nous observons avec attention les réactions et les discours des autorités vis-à-vis des réfugiés et des migrants récemment arrivés, car nous craignons que les raisons qui ont guidé la politique mise en œuvre vis-à-vis des populations roms (ou désignées comme telles) ne prévalent aussi pour ces personnes. Nous avons déjà pu observer des comportements très similaires lors d’expulsions de campements de réfugiés à Paris (Austerlitz ou Mairie du 18e arrondissement de Paris) ou à Calais. Les mêmes politiques produisent les mêmes effets. Nous pensons que celle décrite ci-dessus et qui se concrétise par des expulsions à répétition des lieux de vie occupés par des Roms, s’applique de la même manière à ces personnes nouvellement arrivées et qu’elle reflète tout simplement la volonté politique non pas d’accueillir, mais bien de rejeter.

Ce n’est donc pas seulement pour les Roms, mais pour l’ensemble de ces populations vivant dans une extrême précarité que nous demandons la suspension des expulsions systématiques, la sécurisation des bidonvilles et leur assainissement, la mise en place de solutions adaptées pour l’insertion des familles à travers le droit commun et ceci avant toute expulsion, pour toutes les familles et sur tout le territoire. Le suivi de ces politiques devrait être organisé dans le cadre d’un dialogue permanent entre les pouvoirs locaux (communes, collectivités territoriales), les autorités régionales et nationales et les acteurs publics et associatifs actifs dans les bidonvilles.

Remarque :

Ce recensement est le fruit d’un travail commun entre la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et le European Roma Rights Centre (ERRC). Sans avoir la prétention à l’exhaustivité de la situation étant donné le manque de données officielles disponibles, ce recensement voudrait cependant en être l’expression la plus objective possible.