lundi 4 juillet 2016

VERDICT DU TRIBUNAL D’OPINION APRES AJOURNEMENT : CONDAMNATION ET PEINE DEFINITIVES : RECONNAISSANCE DU GRAVE PREJUDICE SUBI PAR LES ENFANTS ROMS

Le tribunal renvoie au jugement en date du 27 juin 2015 qui a déclaré l’État et les collectivités territoriales coupables des faits qui leur étaient reprochés et ajourné le prononcé de la peine à ce jour, enjoignant ces autorités publiques, dans cette attente, de prendre toutes les mesures de nature à faire cesser les infractions en développant certaines mesures à prendre spécialement.

Ce verdict a été rendu public sur différents sites et dans des revues spécialisées ; il a, en outre, fait l’objet de plusieurs articles de presse. Il a été conforté par les recommandations adressées à la France par le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies à la suite de l’audition de la délégation représentant l’État à Genève les 13 et 14 janvier derniers.

( Voir la vidéo)


 La France a, également, reçu une interpellation écrite du Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe le 26 janvier à laquelle il a été répondu le 12 février. On doit constater, pour le déplorer, que cette réponse gouvernementale n’est pas le reflet de la réalité de la situation.

En effet, les faits objet de la poursuite n’ont pas cessé et les injonctions du tribunal n’ont pas été suivies d’effet.

Ainsi, on peut notamment relever que :

Les expulsions se sont poursuivies sans que des dispositions effectives et efficaces aient été prises tant pour assurer un relogement digne que pour garantir les suivis médicaux et sanitaires ainsi que la poursuite de la scolarisation des enfants.

A titre de tragiques illustrations, on peut citer les expulsions suivantes :
- 3 février 2016, Paris Porte de Poissonniers (300 personnes),
- 17 février, Champs-sur Marne (200 personnes),
- 3 mars, Wissous (800 personnes),
- 4 mars, Carquefou (300 personnes),
- 8 mars, Saint-Brice sous Forêt (400 personnes),
toutes en pleine période hivernale.

Ce tribunal d’opinion a pour ambition de contribuer à la lutte contre les injustices et les violations des droits fondamentaux infligées aux enfants Roms, injustices et violations des droits qui pour ne pas faire la une des médias ni des débats nationaux et internationaux, n’en sont pas moins chargées de lourdes souffrances ; et pourtant ces atteintes à la dignité de ces enfants et les violations de leur intérêt supérieur devraient émouvoir fortement l’opinion publique nationale et internationale.

La peine que peut prononcer un tribunal d’opinion revêt un caractère moral et symbolique ; elle a pour vocation, notamment, d’effacer aux yeux de l’opinion publique l’image « officielle » d’un sort réservé aux enfants Roms compatible avec les engagements nationaux et internationaux de la France.
La peine constitue un appel solennel au respect des droits humains pour que cessent les atteintes intolérables à la protection due, dans une société démocratique, aux enfants, des êtres vulnérables et fragiles par nature.

Ce tribunal n’entend pas se limiter à l’expression d’une sévère condamnation des responsables des infractions constatées et dénoncées tout au long du jugement du 27 juin 2015 mais veut décliner, à nouveau et de façon définitive, les mesures qui s’imposent pour empêcher la récidive incessante des infractions en faisant, enfin, respecter les droits fondamentaux de ces enfants.

Pour l’ensemble des parties civiles, il s’agira de retrouver dans ce jugement du 27 juin 2015 et dans le présent, les éléments d’une mémoire et d’un récit restaurant le respect dû aux enfants Roms par une reconnaissance de leur grave préjudice et le rappel de l’indispensable perspective d’une démarche concrète tournée vers la protection, l’éducation et l’émancipation de ces enfants.

EN CONSÉQUENCE

Vu le jugement du 27 juin 2015,

Constatant que l’État et les collectivités territoriales n’ont pas pris les mesures propres à faire cesser les infractions dont ils se sont rendus coupables,

I- Prononce solennellement leur condamnation pour avoir manqué à leurs obligations relatives aux 1) droit à la vie familiale sous un toit 2) droit à l'éducation 3) droit à la santé et à la protection sociale, 4) droit à l'accès aux dispositifs de protection de l'enfance en danger, des enfants Roms ;

II-Les condamne définitivement à se conformer aux prescriptions qu’impose le respect dû aux droits des enfants Roms conformément aux prescriptions du droit national et international :
1) enjoint les autorités publiques de mettre un terme sans délai aux évacuations et expulsions forcées des terrains « occupés illégalement » non assorties de solutions durables de relogement,

2) dit qu’en tout état de cause, l’Etat et les collectivités locales doivent sécuriser les terrains notamment en matière sanitaire, de manière à assurer la dignité des personnes qui y vivent (ramassage des ordures, distribution de l'électricité et de l’eau) afin de prendre le temps d’analyser chaque situation et de rechercher des solutions alternatives adaptées et durables,

3) dit que les autorités publiques devront déployer des efforts particuliers afin d’assurer l’effectivité du droit à la prévention, aux soins et à la protection sociale des familles Roms,

4) dit que les autorités publiques devront prendre toutes les mesures utiles - notamment en faisant cesser, sans délai, les pratiques illégales de certaines mairies- pour assurer aux enfants Roms une égalité d’accès à l’éducation et à la culture,

5) attirant tout particulièrement l’attention des autorités publiques sur
- la nécessité de considérer les enfants Roms « délinquants » comme des victimes et non essentiellement comme des auteurs,
- et la nécessité d’assurer l’effectivité de la protection due aux enfants Roms en danger par des mesures adaptées dans le cadre du droit commun,
demande au gouvernement de mettre en place une conférence de consensus sur les pratiques devant être préconisées à cette fin,

6) enfin, enjoint les autorités publiques et spécialement le ministère de la justice et le ministère de l’intérieur, de veiller tout particulièrement à lutter contre les violences des forces de l’ordre dont se plaignent en vain certains enfants Roms.

III- reconnait solennellement le grave préjudice subi par les enfants Roms du fait des infractions ayant fondé la condamnation de l’État et des collectivités territoriales.

Simone GABORIAU, Présidente