mardi 15 janvier 2019

Tribune de Malik Salemkour, président de la LDH, sur les libertés publiques

14 janvier – Tribune de Malik Salemkour « Une polémique inquiète militants et intellectuels. Laïcité: la loi de 1905 est-elle menacée


La Ligue des droits de l’Homme (LDH), créée en 1898, rappelle de manière constante son attachement à la loi de 1905 : « La loi de 1905, toute la loi de 1905, rien que la loi de 1905. » C’est une loi de liberté qui a fait ses preuves pour sortir notre pays, comme disait Jaurès, « de la guerre des deux France ». Aujourd’hui, la défense d’une laïcité de liberté passe par la critique des tentatives de détournement visant à en faire une loi d’exclusion. L’État ne reconnaît aucun culte. Reconnaître le droit de croire ou de ne pas croire suppose que l’on refuse d’établir une hiérarchie entre les religions et les spiritualités, notamment en invoquant une prétendue capacité à être compatible ou non avec la République.

Avec les autres associations laïques, la LDH s’oppose fermement à une révision de cette loi et aux propositions de réforme de l’exécutif. Elle voit dans ces projets une tentation concordataire qui revient à briser l’égalité entre les différents cultes. Elle s’inquiète en particulier de l’idée d’établir une « qualité cultuelle » et la mise en place d’un « label d’État ». Cette volonté de contrôle est contradictoire avec l’article 4 de la loi que soutint Francis de Pressensé, second président de la LDH, qui déclarait en 1908 : « La liberté, quand on la menace (…) sur un seul point (…) est violée sur tous les autres. » Il s’agit ainsi, au contraire, de réaffirmer l’impératif de neutralité de l’État et la stricte séparation de l’État et des cultes. Les annonces du gouvernement visant au renforcement de la police des cultes nous paraissent aussi dangereuses et inutiles. La loi de 1905 est suffisamment explicite sur cette police. Il suffit d’en appliquer les articles clefs du titre 5 qui protègent à la fois la liberté de culte et interdisent l’ingérence des cultes dans le politique. Le droit commun est également une source utile et suffisante pour répondre aux dérives et abus intégristes de toute confession.
La laïcité est au cœur de l’histoire de la LDH et de son action. Dans un temps qui se caractérise comme un « tournant sécuritaire », nous inscrivons la défense de la laïcité dans le combat pour les libertés publiques. Nous agissons explicitement dans la fidélité à la loi de séparation, tout en restant ouverts sur le présent de la société française, qui a connu plusieurs bouleversements depuis 1905. Avec une « laïcité au défi du pluralisme culturel », la LDH plaide pour une laïcité effective dans une société où les individus refusent d’être reconnus comme des citoyens assignés à résidence communautaire ou religieuse, et qui sont attachés à des identités multiples les reliant à différentes communautés. Nous défendons le pluralisme convictionnel de la démocratie républicaine, à égalité et sans discrimination, la libre expression et le débat comme seuls modes de fonctionnement démocratique acceptables.
Nous disions en 2017 que « la lutte contre le racisme ne se divise pas » et que « certains responsables politiques (tendaient) à diviser la société française selon l’origine et la foi de ses membres ». Remettre aujourd’hui en débat la loi de 1905 serait prendre le risque d’ouvrir une boîte de Pandore et de se tromper de combat. Il est plus que jamais nécessaire de défendre la laïcité et la loi de 1905 comme conditions de liberté et d’égalité entre les citoyens. Parallèlement, l’égalité effective des droits économiques et sociaux, qui sont indissociables des droits et libertés publics et un fondement de la justice sociale, est plus que jamais à promouvoir.