mardi 15 novembre 2016

Mort aux vaincus !




A quoi joue-t-on ? Les arrestations de membres de l’ETA se poursuivent, les prisonniers de l’ETA en France comme en Espagne restent traités de manière indigne, et la justice espagnole poursuit sa chasse aux sorcières contre ceux et celles qui portent simplement une parole politique. Elle vient de délivrer, une nouvelle fois, un mandat d’arrêt européen contre une ressortissante française pour des actions, parfaitement légales aux yeux de la loi française, menées en France ! 

On le sait, l’ETA a mis fin à la lutte armée. Cette organisation a mis définitivement fin au recours à la violence. Et c’est non seulement les militants encore libres mais aussi les prisonniers qui ont pris, de manière unilatérale, cette décision. Plus encore, les uns et les autres ont publiquement déclaré qu’ils acceptaient le jeu démocratique et qu’ils y participeraient. Ceci ne s’est pas fait en catimini. Une conférence a eu lieu, à Aiete, en 2011. Elle réunissait des personnalités venues du monde entier : Koffi Annan, Gerry Adams, Bertie Ahern ou Pierre Joxe. Ils encourageaient les gouvernements espagnols et français à accueillir favorablement la déclaration de l’ETA et à ouvrir le dialogue. En 2015, une conférence se tenait à l’Assemblée nationale, avec l’assentiment d’élus français de droite comme de gauche, pour aller dans le même sens. Depuis, rien n’a bougé et les gouvernements français et espagnols font comme si l’ETA était encore un ennemi à combattre, allant même jusqu’à refuser de discuter des conditions dans lesquelles l’ETA se propose de remettre le stock d’armes et d’explosifs encore en sa possession.
Comme si, les gouvernements des deux côtés des Pyrénées s’étaient entendus pour considérer qu’il convenait de faire payer le prix fort à ceux et celles qu’ils considèrent comme des « vaincus ». Ce n’est pas ainsi que l’on construit la paix civile. Nul ne demande aux autorités de renoncer à leurs prérogatives. Nul ne demande de faire une croix sur le passé. Mais la concorde civile ne se construit pas sur la « victoire » et encore moins sur la vengeance. Elle se construit sur le retour à la paix, la vérité, la reconnaissance des crimes commis quels qu’ils soient, la reconnaissance des victimes et des souffrances endurées. C’est cette aspiration qui  prévaut au Pays basque d’un côté et de l’autre de la frontière. En adoptant une attitude autiste, non seulement les gouvernements français et espagnols entretiennent les miasmes d’un conflit armé passé, mais ils prennent le risque de justifier quelques irrédentistes. La politique est, paraît-il, l’art de gouverner. Pas de se venger.


Michel TUBIANA
Président d’honneur de la LDH

(Tribune sur Mediapart.fr)